Art de la guerre monétaire et économique

“Le monstre teuton de l’épargne” par James Nixon

Zone Euro:  “Le monstre teuton de l’épargne” par James Nixon

  “Il faut des transferts au sein de la zone euro pour payer le sauvetage des banques”

Pour James Nixon, , la crise de la dette souveraine dans la zone euro est loin d’être finie.

James Nixon voulait intituler son discours “Le monstre teuton de l’épargne”. “Mais cette expression a été utilisée par les parlementaires écologistes allemands pour décrire Angela Merkel et il a fallu opter pour un autre titre, un peu plus ennuyeux, explique l’économiste en chef pour l’Europe de la Société Générale. Mais le message restera le même!” Le titre retenu, “La crise de la dette souveraine européenne… et son impact sur votre allocation d’actifs”, est bien moins imagé. Ce qui n’empêchera pas le Britannique d’exposer sa vision de la zone euro. Une vision critique et peu optimiste, il faut bien le reconnaître.

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Quel est donc ce fameux monstre?

Le problème en Europe, c’est qu’il y a un monstre de financement: les banques ont énormément de difficultés à financer leurs dettes à court terme, surtout dans les petits pays les plus faibles. Le risque de restructuration de dettes continue à peser comme une épée de Damoclès. Il y a en permanence des rumeurs nuisibles selon lesquelles les détenteurs privés d’obligations passeront après les détenteurs publics. Le secteur privé n’a donc aucune raison d’acheter les obligations émises par les pays faibles de la zone euro ou par les banques de ces pays. Le monstre teuton reflète la vision de l’Allemagne qui veut résoudre les problèmes avec toujours plus d’austérité budgétaire.

Quelle est la position allemande?

– Les Allemands, surtout les démocrates chrétiens, estiment que l’union monétaire, telle qu’elle est construite pour le moment, ne fonctionne pas. Ils essaient donc de la refaçonner à leur image en imposant des réformes structurelles, soit des baisses de salaires. L’Allemagne veut imposer la “diète allemande”. C’ est une position sans concessions. L’Allemagne dit ceci: “Voici nos exigences et si vous n’êtes pas en mesure de les respecter, nous demanderons au FMI de le faire pour vous”. C’est la situation politique actuelle en Europe.

L’austérité budgétaire n’est pas une solution?

– Il faut comprendre le point de vue allemand: en dix ans, l’Allemagne a mené une série de réformes structurelles douloureuses, notamment en termes de modération salariale.

À juste titre d’une certaine façon, l’Allemagne se dit: “Nous avons fait nos devoirs, et c’est au tour des autres pays de suivre le même chemin”. Mais l’Allemagne ignore le fait que certains des pays les plus faibles doivent faire face seuls au pire effondrement économique depuis les années 1930, ce qui a provoqué un trou gigantesque dans leur budget et augmenté leur niveau d’endettement.

Il y a toujours une fiction politique en Allemagne où on plaide en faveur d’une union monétaire sans union budgétaire. Mais il faut implémenter de plus grands transferts budgétaires au sein de la zone euro. L’Union autorise la mobilité des travailleurs et les contribuables peuvent quitter un pays. Mais le coût du sauvetage des banques n’est pas mobile. C’est une absurdité de la situation actuelle.

Vous jugez la réponse européenne à la crise inefficace?

– Jusqu’à présent, la solution a été d’éviter de cristalliser les pertes dues à la crise ou de les transférer aux États. Ce qui a simplement déplacé le problème.

On considère la crise de la dette souveraine comme une crise de liquidités. On pense que si on fournit les liquidités nécessaires, les pays en difficulté seront en mesure de mettre en œuvre les réformes requises et réaliser les ajustements. Mais ce n’est pas une crise de liquidités: c’est une crise de solvabilité! Fondamentalement, certains pays sont insolvables. Et prêter plus d’argent à des pays endettés n’est pas une solution… Pourquoi prêter plus d’argent à la Grèce qui n’est pas capable de rembourser ses dettes? C’est comme si je n’arrivais plus à rembourser mon crédit hypothécaire et que la banque me disait: “Pas de problèmes: nous allons vous accorder un prêt supplémentaire, ce qui vous permettra d’être en mesure de nous rembourser pendant un moment.”

Quelle est la solution à la crise?

Il faut cristalliser les pertes dues à la crises et les imposer au secteur bancaire. On est occupés à bâtir une digue qui ne cesse de grandir pour refouler la marée mais cela coûte de plus en plus cher. Il faut aussi des transferts au sein de la zone euro pour payer le sauvetage des banques. 150 milliards d’euros suffiraient pour résoudre le problème irlandais, alors que l’Allemagne a dû débourser plus de 100 milliards rien que pour HypoReal Estate. Les montants sont donc relatifs. Si on ne peut pas organiser des transferts au sein de la zone euro, il faudra restructurer les dettes souveraines, ce qui va entraîner des pertes auprès des banques et toucher l’économie. Au bout du compte, le coût sera le même mais l’argent ne sera pas versé par l’Allemagne, ce qui est peut-être plus facile à vendre sur le plan politique.

Le marché espère un accord sur le renforcement du Fonds européen de stabilité financière au sommet européen à la fin du mois de mars. Vous partagez cet optimisme?

– Non. Il ne faut pas espérer d’accord. En janvier et au début du mois, le marché a commencé à croire que si l’Allemagne obtenait ce qu’elle voulait, son opposition à un eurobond (ndlr: obligation européenne) commencerait à diminuer. Mais la Bundesbank vient de déclarer qu’elle ne voulait pas que le mécanisme européen de stabilité instauré à partir de 2013 puisse racheter de la dette souveraine, ni que le fonds puisse prêter de l’argent aux pays pour qu’ils rachètent leur propre dette, et qu’elle ne voulait pas des eurobonds.

Je pense que l’optimisme du marché vis-à-vis du fonds européen de stabilité est infondé. Les problèmes en Europe sont toujours très présents et importants. Comme l’indique l’évolution des obligations portugaises.

Que se passera-t-il s’il n’y a pas d’accord au sommet de mars?

– Il sera difficile pour le Portugal d’éviter un sauvetage. Et ensuite, le marché va se focaliser sur l’Espagne, dont les fondamentaux sont toutefois meilleurs.

Qui voyez-vous succéder à Jean-Claude Trichet à la présidence de la Banque centrale européenne?

– Il est clair que Mario Draghi est probablement le banquier central le plus qualifié en Europe. Mais le sauvetage de la zone euro doit surtout être vendu en Allemagne. Un président allemand de la BCE serait bien placé pour cette mission. Mais je ne peux pas dire qui ce sera.

source L’Echo mars 11

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