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Les illusions de l’économie verte

Les illusions de l’économie verte

L’opposition entre liberté et écologie semble superficielle. Tout gaspillage de ressources constitue des coûts qu’il est dans l’intérêt de minimiser.

Alors que le Conseil fédéral Suisse veut poser les jalons d’une économie «plus verte» et que le climat politique est en partie conditionné par l’écologisme, il semble important de vérifier le bien-fondé de telles initiatives, et en particulier le développement des énergies renouvelables au moyen de subventions et de déductions fiscales, une mesure supposée être non seulement bénéfique à l’environnement, mais aussi à l’économie: l’encouragement des technologies vertes serait créateur d’emplois et permettrait des économies d’énergie qui se traduiraient en économie financières. C’est dans cette optique que la Confédération Suisse  a mis en place son «Masterplan Cleantech». A cela s’ajoutent des mesures pour l’«écologisation du système fiscal». Celles-ci ont pour but de faire subir aux pollueurs les coûts «environnementaux» de leurs actions. Toutes ces interventions publiques semblent largement acceptées. Mais l’enthousiasme est-il justifié?

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L’argument le plus récurrent en faveur du subventionnement des énergies vertes n’est pas tant que celles-ci sont meilleures pour l’environnement, mais plutôt qu’en plus de l’être, elles créeraient des emplois et une prospérité économique durable. En se développant, les technologies vertes entraîneraient en effet de nombreuses industries avec elles, par ricochet: c’est sur la base de cette supposition que de nombreux pays ont inclus des programmes encourageant l’économie verte dans leurs plans de relance suite à la dernière crise. Des mesures favorisant les «cleantechs» seraient donc avantageuses d’un point de vue strictement économique: différents rapports d’organisations écologistes soutiennent que de nombreux «emplois verts» pourraient être créés.

Ce genre de raisonnement se révèle toutefois plus que discutable après sérieuse analyse. Une étude de l’International Policy Network (IPN) relève premièrement qu’il n’existe aucune définition précise d’un «emploi vert» commune à touts les rapports sur le sujet et que les différentes définitions proposées comprennent souvent des critères n’ayant rien à voir avec l’environnement, comme le regroupement en syndicat des employés. Ce manque rend toute comparaison entre les résultats et toute prise de décision particulièrement difficile.

Par ailleurs, comme pour toute dépense publique, les fonds levés pour les énergies propres sont détournés d’une autre utilisation qui aurait elle aussi permis la création d’emplois. Ces emplois «qu’on ne voit pas» sont, selon l’étude de l’IPN, constamment mis de côté par les écologistes lorsqu’ils calculent les gains supposés des subventions à l’économie verte. Il s’ensuit naturellement une appréciation exagérée des bénéfices présumés de telles mesures.

L’IPN souligne également que l’accent mis sur le nombre d’emplois créés ne se justifie pas d’un point de vue économique. En effet, en prenant le nombre d’emplois créés comme mesure d’efficacité, « le travail devient une fin au lieu d’un moyen.» Or, toute action économique vise, comme l’a rappelé l’économiste Ludwig von Mises, à supprimer une gêne. Tout emploi est un moyen de remplir une fonction et non un but en soi. Autrement dit, le travail est un coût. En fixant le nombre d’emplois verts comme critère, les rapports sur le sujet fixent donc le plus grand coût possible comme objectif à atteindre. Par ailleurs, en privilégiant des emplois nombreux sur l’efficacité, les effets bénéfiques de l’accumulation de capital sur l’innovation sont ignorés, ce qui est susceptible de retarder le développement de nouvelles technologies, y compris celles qui peuvent aider à la préservation de ressources rares. Il en ressort qu’alors même que le but déclaré des écologistes est l’amélioration des technologies pour réduire la consommation des ressources, la focalisation sur les emplois verts pourrait bien entraver ces innovations.

D’une manière plus générale, l’étude de l’IPN souligne que la doctrine de l’économie verte comporte des lacunes importantes dans ses analyses économiques.

Les solutions « vertes « supposent souvent une production plus proche de la consommation. Avancée pour réduire la pollution liée aux transports, cette idée est ensuite vendue comme étant bénéfique à l’économie locale. Une telle proposition trahit cependant une approche biaisée en faveur du protectionnisme. Les économistes ont montré depuis longtemps déjà les bienfaits du commerce et du libre-échange global. En assurant que les mesures protectionnistes (les seules à pouvoir «encourager la production locale») réduiront non seulement la pollution due aux transports mais amélioreront aussi la situation de l’économie locale, les études sur l’économie verte remettent en cause l’idée selon laquelle l’échange est bénéfique à tous les participants.

Leur erreur est de se focaliser sur la situation des producteurs bénéficiant de l’absence de concurrence et d’oublier les consommateurs – un sophisme déjà réfuté par Frédéric Bastiat il y a plus de 150 ans.

Dans leur quête aux arguments économiques pour justifier leurs mesures, les tenants de l’économie verte soutiennent aussi que le bilan du développement des énergies renouvelables sera in fine positif, même d’un point de vue strictement économique: en effet, après une phase de subventionnement, les technologies seront devenues tellement efficaces, prévoient-ils, qu’elles seront plus profitables que les énergies fossiles. Ainsi, le résultat serait économiquement positif. Un tel argument consiste cependant à considérer les acteurs du marché de l’énergie comme des personnes incapables de voir leur propre intérêt: si les résultats d’un investissement dans les énergies vertes sont à terme positifs pour les producteurs, pourquoi les entreprises actuelles, à qui l’on reproche souvent de ne s’intéresser qu’au profit, ne saisiraient-elles pas de cette opportunité ? Les auteurs de l’IPN concluent que «si les personnes gagnant leur vie dans le secteur ne voient pas d’intérêt à investir [dans les énergies vertes] sans subventions, alors la faisabilité économique d’un tel investissement est douteuse».

De plus, il est souvent oublié que les acteurs de la vie économique ont de toute façon intérêt à réduire leur consommation d’énergie, simplement parce qu’il s’agit d’un coût. Cette réalité est systématiquement négligée par les écologistes. Si la consommation d’énergie totale a augmenté au cours du temps, l’efficacité de son utilisation s’est constamment améliorée, ce qui montre que le marché tend à minimiser les ressources utilisées.

Qu’en est-il des justifications écologiques de l’économie verte?

L’encouragement financier à l’utilisation d’énergies renouvelables devrait permettre à un plus grand nombre d’acheteur d’entrer sur le marché et aux producteurs de rentrer dans leurs coûts bien que la technologie ne soit encore pas rentable financièrement. Le résultat est donc une augmentation de la production d’énergie verte, ce qui semble parler en faveur de ce genre de mesures du point de vue de la protection de l’environnement.

De nombreux observateurs semblent s’accorder sur le fait qu’un jour, les technologies vertes auront atteint une maturité qui leur permettra de rivaliser avec les énergies non renouvelables. A ce moment-là, il est certain que les producteurs entreront sur ce marché sans avoir besoin de subventions. Celles-ci serviraient donc à avancer le moment où les acteurs s’engagent sur le marché. Avec les subventions, les producteurs n’ont toutefois plus à se soucier du rendement énergétique de leur technologie. Ceci a pour conséquence négative de décourager les producteurs à améliorer l’efficacité de leurs technologies, un effort pourtant à la source du progrès.

 Ainsi, «les subventions [T] à l’achat de produits immatures agissent comme des accélérateurs de changement à court terme, mais comme des retardateurs de progrès à long terme».

Par ailleurs, les réglementations imposant certains quotas d’énergies renouvelables pas encore rentables et des taxes à la consommation d’énergie ont pour effet d’augmenter les coûts de l’énergie. Ces mesures rendent alors l’innovation plus coûteuse.

L’économie verte abonde de promesses. Elle fournirait des emplois, créerait une prospérité durable en plus de résoudre les problèmes environnementaux. Ces affirmations visent à faire accepter plus facilement les subventions en faveur de certains intérêts particuliers se réclamant de l’environnement, mais se révèlent fallacieuses. Les interventions des pouvoirs publics sont en réalité coûteuses: passer d’une source d’énergie meilleur marché à une technologie moins rentable est un coût économique.

 Si les mesures «vertes» devaient être défendues, ça serait pour leur caractère «vert» et non pour des bienfaits économiques inexistants. Les effets des mesures pour le passage à une économie verte semblent toutefois également exagérés d’un point de vue strictement écologique. En oubliant de prendre en compte les effets pervers inhérents à toute réglementation, les écologistes se font malheureusement marchands d’illusions. Il n’est bien entendu pas possible d’affirmer avec certitude que le bilan de telles mesures sur l’environnement serait complètement négatif, mais il risque d’être beaucoup moins élevé que prévu – alors que les coûts économiques sont bien réels.

 En étudiant les propositions faites pour la protection de l’environnement, il est surprenant de constater leur caractère centralisateur et étatiste. Le programme politique des écologistes mène à plus d’État sous le prétexte de respecter l’environnement. Une centralisation pourtant contraire au slogan écologiste «think global, act local».

L’opposition entre liberté, sous sa forme économique notamment, et écologie semble par ailleurs superficielle. Toute pollution, tout gaspillage de ressources constituent des coûts économiques qu’il est dans l’intérêt des producteurs de minimiser. Le phénomène des externalités souvent mis en avant comme étant une «lacune du marché» est par ailleurs le plus souvent un problème de définition et de respect des droits de propriété et donc une défaillance de l’Etat dans un contexte où une grande partie des biens environnementaux ont été collectivisés. Il est dans tous les cas plus prometteur pour l’environnement de laisser le marché déterminer quelles sont les technologies efficaces et rentables en minimisant les barrières réglementaires et fiscales au processus d’innovation, plutôt que de subventionner des industries et des entreprises particulières sur la base de suppositions abstruses.

B. BONADIO  Institut Constant de Rebecque mars11

EN LIEN : Seven Myths About Green Jobs – August 30, 2010

 http://www.policynetwork.net

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