L’UEFA occulte l’inflation salariale
Aucun projet réglementaire n’est prévu. Il est pourtant admis que les rémunérations des joueurs sont à l’origine du déséquilibre financier des clubs.
PLUS/MOINS DE SALAIRE EN SUIVANT :
L’UEFA a-t-elle renoncé à l’instauration d’un plafonnement des salaires?
Grand artisan du projet de fairplay financier dans le football européen, Michel Platini avait plaidé en faveur d’un salary cap à l’américaine, il y a deux ans devant le Parlement Européen. «Si un tel système a pu être mis en place aux Etats-Unis, pays du libéralisme économique, je suis convaincu qu’il peut s’appliquer au sein de l’Union européenne, au nom de la spécificité du football qui n’est pas une activité économique comme une autre», avait défendu le président l’association basée à Nyon.
Comme aime à le rappeler régulièrement son homologue «mondial» Sepp Blatter, le président de la FIFA, l’Europe politique s’est toujours opposée à un tel système, au nom du droit de la concurrence. Ce que réfute Olivier Ferrand, président de la fondation Terra Nova: «L’Europe peut l’imposer par la règle, soit issue de l’UEFA, soit de la législation communautaire. D’ailleurs, elle existe dans le football européen (en deuxième division italienne) et dans le rugby français», expliquait la semaine dernière le co-auteur d’un rapport sur les dérives financières du football européen.
A l’heure de l’intervention de Michel Platini à Bruxelles, peu nombreux sont ceux qui pensaient qu’il allait être entendu. Deux ans plus tard, on ne peut que constater que la lutte contre l’inflation des rémunérations des joueurs ne s’érige toujours pas comme une priorité.
A quelques mois de l’entrée en vigueur du concept visant à exiger des clubs une vraie rigueur budgétaire, on note en tout cas que celui-ci se concentre surtout sur les limites de l’endettement et sur la restriction des apports de capitaux de mécènes extérieurs. Mais qu’il ne va pas instaurer de plafonnement des salaires, ni de premières mesures allant dans cette direction.
Dans le milieu, il est pourtant depuis longtemps entendu que ce sont essentiellement les rémunérations qui sont à l’origine des déséquilibres financiers des clubs européens. Dans son dernier rapport de benchmarking, qui recense les données récoltées pour l’exercice 2009, l’UEFA parle même de «détresse financière». Une situation «pas si morose», préfère pondérer l’association. Même si globalement «les chiffres ne sont guère réjouissants».
Alors que jusqu’ici, les revenus, les salaires et la rentabilité des clubs européens n’étaient fournis que sur une base ad hoc, la nouvelle procédure d’octroi de licence aux clubs a permis d’offrir un aperçu détaillé de la situation financière des clubs, explique l’UEFA. La récolte organisée de données financières a commencé au début des années 2000. Mais la vraie procédure de standardisation ne date que d’il y a deux ans. «Elle a permis d’améliorer la transparence.»
Il en ressort que le ratio déterminant, celui qui calcule le rapport entre les frais de personnel (7,5 milliards d’euros) et les revenus, est passé de 61% à 64% en une année. Les frais de personnel ont augmenté en moyenne de 8%. Mais d’au moins 10% dans les plus grands clubs européens. Ils progressent beaucoup plus rapidement que les revenus, qui ont marqué une belle résistance à la crise, mais dont la croissance s’est tout de même réduite de moitié entre 2008 et 2009 (de presque 10% à 4,8%). En d’autres termes, même si les clubs sont jusqu’ici parvenus à améliorer leur chiffre d’affaires (merchandising, droits TV ou billetterie), ils n’arrivent toujours pas à combler le déficit structurel (et presque généralisé) issu de l’inflation des masses salariales.
«Pour contrôler les salaires, il faudrait imposer une masse salariale en Europe à hauteur de 55% des revenus, avance Olivier Ferrand. Comme dans les quatre grandes ligues de sport professionnel américaines.» Un tel système serait toujours moins régulateur qu’aux Etats-Unis, «mais il réglerait une partie du problème».
Selon les dernières données récoltées par l’UEFA, la masse salariale des clubs représente 62% des revenus en Angleterre et 72% en Italie, par exemple. Et le nombre de championnats nationaux où ce ratio est supérieur à 70% est passé de dix à quinze. Au total, près de 250 clubs (38%) ont dépassé ce seuil, diplomatiquement considéré comme un «pourcentage élevé» par l’UEFA. Plus grave, une bonne moitié des 53 associations qu’il regroupe comptait au moins un club présentant un rapport salaires/revenus de plus de 100%. Un tel niveau «manifestement ingérable», dixit l’organe faîtier, concerne 73 clubs européens. Parmi les pays au ligue nationale les plus bancales, on peut citer la Serbie, la Géorgie (120%) ou encore la Russie (92%)
Fraîchement réélu à la tête de l’UEFA, il reste désormais quatre ans à Michel Platini pour commencer à résoudre le problème. Il est cependant probable qu’il veuille attendre de constater les effets de sa première réforme pour revenir vers les députés européens.
Servan Peca /Agefi mars11
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Bonjour.
Existe-t-il des risques d’inflation salariale en zone Euro? Sinon pourquoi?