Asie hors émergents

Risque Nucléaire : L’économie japonaise au-dessus du vide

Risque Nucléaire : L’économie japonaise au-dessus du vide

L’arrêt des sous-traitants bloque les usines jusqu’aux Etats-Unis. Les Japonais prient pour une reprise rapide de l’activité

 

«Depuis le grand séisme du 11 mars, les clients se font très rares concède Keisuke Kumagai, 31 ans, vendeur au sein du concessionnaire Honda de la ville d’Iwaki, située à 42 kilomètres de la centrale nucléaire de Fukushima. Par ici, depuis un mois, plus personne n’achète de voiture. Nos seuls clients viennent seulement faire réparer leur véhicule endommagé par le séisme ou le tsunami. Le problème est que ne pouvons les réparer. Nous n’avons plus de pièces détachées.» A Iwaki, et le long de la route 6 qui y mène depuis le sud, les innombrables concessionnaires neufs ou d’occasion, eux aussi touchés par la catastrophe nucléaire, sont voués au même sort.

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La plupart des sous-traitants automobiles établis dans le Tohoku (région qui pèse au total pour 8% du PIB nippon) et qui équipaient les chaînes d’assemblage de Toyota, Honda, Nissan, Mitsubishi Motors, Suzuki ou encore Mercedes et Peugeot, sont hors service pour un temps. De nombreuses usines ont cessé leur production. Le président de Honda, Takanobu Ito, a estimé qu’il faudra «deux à trois mois» avant que son groupe puisse envisager un retour aux niveaux de production d’avant le 11 mars.

A Iwaki, treizième ville du Japon, forte de 340 000 habitants, en partie vidée des siens depuis un mois à cause du risque radioactif, on prie, ces jours-ci, pour que Nissan rouvre son usine comme prévu, ce 18 avril. Carlos Ghosn, venu à Iwaki le 29 mars l’a dit. Il envisage un retour à une «production pleine début juin». Le premier constructeur du pays, Toyota, juge quant à lui «inévitable» une mise à l’arrêt temporaire de ses 13 usines américaines et de plusieurs sites de production en Europe, pour des durées diverses. En cause: les retards et carences en cascade dans les livraisons d’équipements causés par la double catastrophe du mois dernier au Japon. La situation est d’autant plus gênante pour Toyota que pour assembler ses voitures et camions aux Etats-Unis – un marché clé – il importe 15% de ses équipements du Japon. Or, sans ces pièces détachées Made in Japan, impossible de finaliser le travail sur les chaînes. Les 500 entreprises américaines sous-traitantes de Toyota dépendent toutes de ces pièces en provenance de l’Archipel.

Depuis trois semaines, la production automobile a chuté de 500 000 véhicules au Japon, soit près de 37 000 véhicules produits en moins chaque jour. «Dans notre ville, à Iwaki, précise Keisuke Kumagai, de Honda, l’activité économique reprend peu à peu, très lentement. Les entreprises déploient de grands efforts pour un retour à la normale.» Mais ces jours-ci, à Iwaki comme en plusieurs points de la côte Est, le problème, c’est l’eau. «Elle avait été rétablie il y a quelques jours, puis a été de nouveau coupée hier suite aux derniers tremblements de terre», précise Akira Yamanobe, de la garde des pompiers d’Iwaki. Masque sur la bouche, il concède craindre que sa ville se mue peu à peu en cité fantôme.

Emiko Oyake, gérante avec son mari d’un restaurant en centre-ville, est obligée, depuis hier, de venir pomper l’eau – peut-être contaminée – de la ville dans un point de distribution. «Sans eau, dit-elle, impossible de cuisiner et faire tourner notre enseigne. Nous sommes très angoissés.» Pour autant, malgré les risques sismiques et l’éventualité radioactive, les natifs du coin refusent de partir. «Les gens ont un lien très fort, charnel, à leur territoire: ceux qui sont nés ici ne peuvent envisager de partir. Leur priorité, c’est que l’activité économique reparte vite», explique un routier sur la chaîne de télé locale NHK. Mais le retour à la normale sera long: 130 000 Japonais auraient été évacués de leur domicile pour cause de risque radioactif et 450 000 autres sont aujourd’hui sans abri.

Selon l’Agence de police nationale, plus de 150 000 habitations avaient été comptabilisées comme détruites, fin mars, par le séisme et le tsunami. Pour la seule préfecture de Miyagi, dont Sengai est la capitale, le montant des dégâts est estimé par les autorités à quelque 2000 milliards de yens (près de 17 milliards d’euros). Le prochain risque, désormais, pour la 3e économie mondiale toujours en déflation, de surcroît abonnée depuis vingt ans à une croissance faible ou quasi nulle, est celui d’une gigantesque déflagration sociale et économique. «Le tremblement de terre [et ses conséquences] devrait avoir un impact considérable sur les activités économiques d’un grand nombre de secteurs», a reconnu, la semaine passée, le porte-parole du gouvernement japonais, Yukio Edano. Dans plusieurs villes clés sises autour des zones d’exclusion de 20 et 30 kilomètres autour de la centrale de Fukushima, tout comme au long de la côte du Nord-Est, la plupart des activités côtières, à commencer par le tourisme, sont réduites à néant.

D’innombrables secteurs et géants industriels sont concernés. L’usine Toshiba située à Kitakami, dans la préfecture d’Iwate, qui produisait des ordinateurs montés à bord de voitures, voit ses opérations remises en cause depuis le 11 mars. Les trois usines du groupe Murata Manufacturing, producteur d’équipements électroniques, ne cessent de voir la reprise de la production reportée à cause des répliques sismiques incessantes.

Et il n’est pas certain que l’injection dans l’économie du pays, ces quatre dernières semaines, de 40 000 milliards de yen (328 milliards d’euros), suffise. Le problème n’étant pas que financier. «Le Japon tout entier traverse un rare traumatisme, le plus grave depuis 1945. Il est impossible que la confiance des investisseurs et des consommateurs soit recouvrée rapidement», lit-on dans une note de l’Institut de recherche Nomura.

Le Japon planifie déjà la reconstruction de sa côte Nord-Est. Les banquiers estiment que les dommages matériels liés au séisme et au tsunami pourraient atteindre 172 milliards d’euros. La plus grande partie de cette ardoise serait à la charge du gouvernement. Le Japon a-t-il les moyens de financer une telle dépense supplémentaire sans trop plomber une dette publique déjà faramineuse?

Certains rêvent que le pays ose enfin des choix drastiques. «C’est clair, le Japon doit engager d’urgence une grande révolution énergétique. Il doit investir massivement dans l’éolien, le solaire et les autres énergies alternatives, tonne Kentaro, un ingénieur quadragénaire du groupe Sanyo Heating, fabricant de panneaux solaires, dont l’usine est située au sud de Sendai, à 60 kilomètres au nord-ouest des réacteurs de Fukushima.

Par Michel Temman Iwaki /le temps avril11

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Du coté de  Fukushima

Du strontium 90 radioactif a été mesuré jusqu’à 80 km de la centrale de Fukushima dans les sols et les plantes. Le strontium se substitue au calcium dans les os et provoque des cancers. Cerise sur le gâteau, sa demi-vie est de 28 ans (perd 50% de ses radiations en 28 ans). Le strontium est obtenu par la fonte des barres d’uranium dans un réacteur.

Mercredi  matin, nouvelle réplique sismique à Fukushima d’une magnitude de 5,8. Elle répond à une secousse de 6,0 Mardi après-midi. Tepco annonce qu’une évacuation de la centrale atomique n’est pas nécessaire

De nombreux Japonais en veulent aux autorités d’avoir attendu la fin des élections locales de dimanche passé pour élever subitement l’accident nucléaire de Fukushima au niveau 7 et d’élargir la zone de sécurité.

Selon les nombreux messages publiés dans les médias sociaux japonais et repris par de plus en plus de journaux, le Parti démocrate nippon a délibérément retardé l’annonce du niveau de gravité de la centrale de Fukushima pour tenter de limiter les dégâts durant les élections. La bonne nouvelle? Le Parti démocrate a finalement perdu ces élections

Le Département de la santé japonais indique qu’il a relevé les plus forts taux de contamination radioactive dans l’océan depuis le début des mesures il y a 3 semaines. Des prélèvements à 15 et 30 km de la centrale de Fukushima montrent des quantités d’iode 135 et de césium 137 bien supérieures aux limites légales. Les substances radioactives flottent et se dirigent vers le nord. Le gouvernement indique qu’il est très difficile de prévoir les trajectoires que vont suivre ces substances

Les opérations de pompage de 700 tonnes d’eau contaminée ont débuté dans une galerie souterraine du réacteur 2 de Fukushima. Cette eau hautement radioactive devrait être stockée dans un condensateur. L’opération est prévue pour durer 4 à 5 jours. Mais au fur et à mesure que cette eau est pompée, elle est remplacée par l’eau qui arrose et refroidit les réacteurs. Un vrai fil d’Ariane.

«Nous faisons de notre mieux pour trouver un moyen de nous débarrasser de cette quantité massive d’eau polluée de substances radioactives et pour limiter les radiations», a souligné le PDG de Tepco, M. Masataka Shimizu.

Les techniciens ont également prélevé des échantillons d’eau de la piscine du réacteur 4. Ces informations devraient permettre de connaître l’état des 1331 barres de combustible nucléaire qui stagnent dans ce bassin et d’examiner les moyens à mettre en œuvre pour les extraire et les mettre dans un lieu sûr.

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