L'Etat dans tous ses états, ses impots et Nous

Ce mauvais procès que l’on fait au libre-échange Par Alain Madelin

Ce mauvais procès que l’on fait au libre-échange  Par Alain Madelin, ancien ministre   /la tribune

Dans le procès contre la « mondialisation libérale » instruit par la quasi-totalité de la classe politique, les frères dumping sont au premier rang du box des accusés.

Ils sont trois : dumping social, dumping fiscal, dumping écologique. Avec quasiment les mêmes mots, tous dénoncent leurs méfaits. Et chacun de proposer ses mesures protectionnistes : préférence communautaire ou nationale, TVA sociale ou anti-délocalisation, taxe carbone sur les importations, écluses douanières aux frontières, harmonisation fiscale… Tous ces remèdes sont illusoires et tout est faux dans ce procès.

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 À commencer par l’usage du mot « dumping » qui n’est applicable qu’à des comportements potentiellement répréhensibles de vente à des prix inférieurs à ceux du marché national. Le protectionnisme repose sur une illusion d’optique. Ce que l’on voit, c’est une entreprise contrainte sous la pression de la concurrence de fermer ses portes ou de délocaliser. Mais le consommateur qui, en achetant par exemple une paire de chaussures importée 110 euros au lieu de 200, a gagné un pouvoir d’achat supplémentaire de 90 euros. Ce que l’on ne voit pas derrière la perte du producteur national, c’est le profit de cet autre producteur qui bénéficiera de ces 90 euros. Ce que l’on voit encore moins c’est que les 110 euros touchés par le producteur étranger reviendront inéluctablement, directement ou indirectement, sous forme d’achat de bien ou de services dans notre économie au profit d’un autre producteur. Ceci revient à dire que tout avantage obtenu par le producteur d’une activité protégée se fait nécessairement aux dépens du consommateur et de deux autres producteurs selon la règle « un profit, deux pertes » que les manuels d’économie enseignaient naguère.

C’est pourquoi globalement le libre-échange est toujours gagnant-gagnant.

Certes, si le dynamisme entrepreunarial est insuffisant et l’économie peu compétitive, les nouveaux emplois de substitution ne verront pas le jour. Mais est-ce là la faute du libre-échange ? D’autant que l’argent, les talents immobilisés dans les secteurs protégés du passé font défaut pour préparer l’avenir.

 Le libre-échange n’exige ni la réciprocité, ni l’égalité des conditions de concurrence. S’il est toujours souhaitable de faire pression pour l’ouverture des marchés, un échange fut-il avec un pays protectionniste reste par nature bénéfique. En protégeant durablement un secteur, ce qui détruit les signaux des prix qui permettent l’adaptation, un pays se pénalise lui-même. Quant à l’idée d’égalité des conditions de concurrence, si elle est excellente pour une régate, elle n’a pas de sens pour le transport maritime. L’économie n’est pas un jeu, et la recherche de l’efficacité doit primer. Le climat, les aptitudes, la législation économique, les charges publiques, les salaires, l’abondance du capital, l’accès à des réserves de matières premières sont autant d’inégalités de conditions de concurrence qui, grâce à l’échange, vont créer de la valeur. Il n’y a pas de différence entre la concurrence d’une main-d’oeuvre étrangère bon marché et celle d’une machine qui économise le travail humain et fait baisser les prix. D’ailleurs voudrait-on égaliser les conditions de concurrence, qu’il faudrait dire lesquelles et jusqu’où ? Le temps de travail ? Les impôts ? Les salaires ? Et si oui, faut-il le faire par le haut, par le bas, par la moyenne ? Et les conditions naturelles ? Faudrait-il harmoniser les jours de soleil pour préserver l’égalité des conditions de concurrence dans le tourisme ? 

Dumping fiscal ? Assurément, beaucoup de pays ont des impôts inférieurs aux nôtres : un faible impôt sur les sociétés en Irlande, un impôt au taux unique d’environ 20 % dans les pays Baltes, pas d’ISF en Allemagne… Mais cela correspond à une dépense publique inférieure. Qui doit se rapprocher de qui ? Baisser l’ISF, copier la flat tax… L’Irlande ne pourrait-elle pas reprocher à la France la concurrence déloyale de ses exonérations de charges ? 

Dumping social ? Il faudrait soustraire nos producteurs nationaux à la concurrence d’exportateurs en provenance de pays aux droits syndicaux trop faibles et aux salaires trop bas. Il y a là beaucoup d’hypocrisie. Qu’on ne dise pas que l’on défend les droits fondamentaux quand on les réduit aux droits syndicaux. Quant aux salaires, s’ils sont bien entendu plus faibles dans les pays pauvres que dans les pays riches, c’est que la productivité globale y est aussi beaucoup plus faible.

Dumping écologique ? Nos contraintes environnementales sont loin d’être partagées par tous. En fait, la valeur de l’air, de l’eau ou d’un paysage, n’est pas la même dans un pays riche et dans un pays émergent confronté à la famine, aux épidémies et à la pauvreté. Et il n’est guère réaliste d’imaginer une taxe frappant les produits importés des pays qui ne pratiquent pas les mêmes limitations de rejets de CO2 que nous. Pourquoi pas une taxe frappant les exportations des pays riches en raison de leurs rejets passés dans l’atmosphère ?

 D’autant que la plupart des produits aujourd’hui sont le résultat d’assemblages extrêmement complexes à l’échelle de la planète. Une étude récente a montré toute la complexité de l’assemblage international des pièces composant un iPhone importé de Chine. Pour une valeur d’importation de 179 dollars, la part chinoise n’est que 6,50 dollars. Le libre-échange a aujourd’hui atteint un point de non-retour. Tous les discours protectionnistes n’y changeront rien. 

Alain Madelin – 23/04/2011, /la Tribune

EN COMPLEMENT : La mondialisation, vous dis-je !

 Au chevet de nos maladies économiques et sociales, nos modernes médecins politiques, de gauche comme de droite, ne connaissent, tels ceux de Molière, qu’un seul diagnostic : «Un manque d’État, vous dis-je.» Malheureusement, après tant d’échecs de cette médecine officielle, d’autant plus inefficace qu’elle est aujourd’hui sans le sou, la tentation est grande de faire appel aux rebouteux. Nos populaires rebouteux cependant n’ont guère d’imagination, ils ne font que promettre d’augmenter la dose du «toujours plus d’Etat». 

Le Front national, qui affole aujourd’hui les baromètres politiques, a désigné la cause de tous nos maux. C’est la «mondialisation ultralibérale imposée par les Etats-Unis et la finance internationale». Son remède, c’est la reprise du contrôle de l’économie et de nos frontières par le politique. Sa promesse, c’est celle d’un Etat fort pour mettre en oeuvre «un protectionnisme social et territorial». En fait, le refus de la mondialisation libérale et la condamnation des excès de la finance internationale sont des discours convenus, à gauche comme à droite

Tout comme la volonté de protéger les Français contre tous les soi-disant dumpings fiscaux, sociaux, environnementaux. Après tout, la «préférence communautaire» – c’est-à-dire la version européenne de la préférence nationale – est une proposition de l’actuel président de la république. Tout comme la TVA sociale qui prétend faire contribuer les produits étrangers au financement de notre protection sociale ou la taxe carbone sur les produits importés. Et les propositions les plus radicales du Front national sur la rupture européenne ne font que suivre celles des souverainistes de gauche et de droite. En fait, le Front national ne fait le plus souvent que surenchérir dans des propositions puisées chez ses adversaires. Du maintien exigeant des services publics jusqu’aux nationalisations sanctions pour les banques ! 

Certes, sur la difficile question de l’immigration, le Front national, d’un point de vue populaire, bénéficie d’un avantage comparatif. Mais celui-ci tient davantage à la posture, volontairement provocatrice, qu’aux propositions – d’autant plus radicales qu’elles n’ont pas à être mises en oeuvre – qui appartiennent au même registre sécuritaire que celui de la majorité au pouvoir. Quant à «l’islamisation» absurde des problèmes de l’immigration, qui complaît assurément à une part de l’opinion, elle se voit dangereusement accompagnée par l’UMP au risque de transformer les militants du Front national en militants laïques ! Ce faisant, on oublie que les quartiers difficiles ne sont que le miroir grossissant des échecs de l’Etat, la remise en cause des mécanismes de notre État providence et le recentrage de l’Etat sur ses vrais métiers sont nécessaires

Au fond, dans le méchant procès fait par le Front national à l’UMP et au PS, il serait bien difficile de trouver quelques preuves de convictions mondialistes ultralibérales. En revanche, il existe assurément un décalage entre leurs promesses protectrices et les résultats. A gauche, c’est le constat désabusé d’un Lionel Jospin découvrant que «l’Etat ne peut pas tout». A droite, c’est le décalage entre le très volontariste «tout est possible» de l’actuel président de la république et la réalité. Entre l’annonce du grand «retour de l’Etat» pour discipliner des marchés financiers irresponsables et la réalité d’un retour des marchés financiers pour discipliner les États irresponsables

Un tel décalage, contrairement aux affirmations du Front national, ne provient pas d’une insuffisance d’Etat et de volontarisme politique. Il est trop facile de dire : les lois de l’économie dérangent, il suffit d’en voter d’autres. Nos souffrances viennent de l’euro, revenons au franc. La mondialisation opprime, sortons de la mondialisation

La société de la connaissance et de la créativité remet justement en cause cette prétention à commander l’ensemble de la société depuis l’Etat. C’est ce que le philosophe autrichien, prix Nobel d’économie, Friedrich Hayek, a appelé la «présomption fatale». 

Les échanges d’informations de techniques de capitaux de compétences se font à l’échelle de la planète. L’éclatement du savoir entraîne l’éclatement du pouvoir. Les marchés s’affranchissent des gouvernements et des États perdent leur pouvoir absolu. C’est pourquoi partout dans le monde aujourd’hui, le recentrage de l’Etat et la redistribution du pouvoir au profit des consommateurs et des entreprises sont à l’ordre du jour

C’est là une tendance lourde de la société qui dépasse les clivages politiques. Or la quasi-totalité de la classe politique s’inscrit à contre-courant de ce mouvement. Elle attise les peurs du nouveau monde. Pire, elle les instrumentalise, parce que ces peurs engendrent un besoin de sécurité qui permet à notre État providence désargenté de jouer les prolongations sécuritaires. 

En fait, dans son combat contre la «mondialisation ultralibérale», le Front national n’a pas de vrais adversaires. Ceux qui lui font face sont piégés. Négliger les peurs qu’exploite le Front national, c’est lui laisser le terrain libre. Y répondre par des politiques dirigistes, c’est prendre le risque de l’impuissance publique et frayer le chemin de la surenchère. Car le Front national sera toujours mieux-disant social, protectionniste et sécuritaire. En revanche, il lui serait difficile d’être mieux-disant libéral !

SOURCE ET REMERCIEMENTS :  LE BLOG D’ALAIN MADELIN

http://www.alainmadelin.fr/blog/analyses/la-mondialisation-vous-dis-je/

2 réponses »

  1. Mais quid du DIVIDENDE et de la PROPRIETE ?

    Ces analyses omettent toujours de parler du DROIT DE PROPRIETE, et notamment de la PROPRIETE SOUVERAINE des Citoyens sur leur NATION.

    Or la base même de la liberté c’est le DROIT DE PROPRIETE inaliénable, dont la première propriété qui est celle du CITOYEN nom d’une pipe !

    Où est donc le DIVIDENDE ? De ceux qui impunément s’approprient le droit d’utiliser les RESSOURCES ORIGINELLES sans payer de loyer aux CITOYENS ?

    John Locke a parfaitement bien précisé ce point fondamentale, base de toute analyse correcte de la liberté !

    http://www.creationmonetaire.info/2010/10/dividende-universel-john-locke-et.html

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