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A méditer : La pénurie de main-d’œuvre qualifiée pénalise le Brésil

A méditer :  La pénurie de main-d’œuvre qualifiée pénalise le Brésil

L’offre de bras et de cerveaux ne répond pas à la demande attisée par la croissance (NDLR: offre  pénalisée par l’idéologie de la préférence nationale) 

Immense et riche pays émergent, forte croissance, faible chômage, recherche main-d’œuvre de qualité: ainsi pourrait-on définir sommairement le Brésil d’aujourd’hui, tandis que sa présidente, Dilma Rousseff, a lancé un ambitieux programme de formation des jeunes pour pallier l’une des grandes faiblesses de l’économie: la pénurie de travailleurs qualifiés.

PLUS DE PENURIE DE QUALIFICATION EN SUIVANT :

L’offre de bras et de cerveaux ne répond pas à la demande attisée par la croissance (7,5% du produit intérieur brut, PIB, en 2010). Deux employeurs brésiliens sur trois disent rencontrer des difficultés pour recruter une main-d’œuvre adéquate.

C’est particulièrement le cas dans les secteurs en pleine expansion: la construction civile, dopée par un ambitieux programme de logements sociaux et par les projets d’infrastructures liés à la préparation de la Coupe du monde de football (2014) et des Jeux olympiques à Rio (2016); l’exploitation minière, encouragée par la flambée des cours mondiaux; celle de l’énergie, stimulée par les riches découvertes de pétrole et de gaz en eau profonde.

Le Brésil forme moins de 40 000 ingénieurs et architectes par an, mais l’industrie et la construction en demandent 60 000. A l’inverse, par rapport à ses besoins, le pays produit trop de diplômés dans les matières littéraires et artistiques (20 000), et 10 000 psychologues. Ces déséquilibres ont plusieurs effets néfastes. Ils réduisent la productivité du travail et la compétitivité des entreprises, contraintes de renoncer à certains projets, faute de pouvoir les mener à bien efficacement et en temps voulu.

Selon l’économiste Norman Gall, la compagnie d’Etat Petrobras utilise jusqu’à six fois plus de main-d’œuvre que ses homologues étrangères pour compenser partiellement la pénurie d’ingénieurs.

Les grosses rémunérations versées aux salariés haut de gamme qu’on s’arrache alimentent l’inflation. Tout cela alourdit le «coût Brésil» des projets, déjà grevés par une fiscalité pesante, les lenteurs de la bureaucratie, une législation du travail complexe, rigide – quelque 900 articles dont certains ont valeur constitutionnelle – et systématiquement défavorable aux employeurs.

Une solution provisoire consisterait à accueillir plus d’étrangers hautement qualifiés. Le Brésil y rechigne. Cette grande nation chaleureuse se définit volontiers comme ouverte au monde et hospitalière. Mais cet autoportrait est plus juste en matière de tourisme que d’emploi.

Selon une étude publiée par la société d’analyse The Economist Intelligence Unit, portant sur le degré d’ouverture des trente plus grands pays, le Brésil n’arrive qu’en 23e position: le nombre d’immigrés légaux – 1 million – ne représente que 0,5% de sa population (contre 2% au Chili ou 4% aux Etats-Unis).

Les gouvernants assument ce protectionnisme, au nom de la préférence nationale. Le ministre du Travail, Carlos Lupi, défend l’idée qu’il n’est «pas possible de donner des autorisations de travail à des étrangers pour des fonctions susceptibles d’être exercées par des Brésiliens».

Il préfère accepter que la pénurie se prolonge, plutôt que de la combattre en accueillant des contingents de professionnels dûment sélectionnés en fonction des besoins prioritaires de l’économie.

En attendant, faute d’une politique globale d’immigration, les visas de travail continueront d’être accordés au coup par coup.

La présidente, Dilma Rousseff, est résolue à attaquer le mal à la racine. Elle a annoncé, jeudi 28 avril, que l’Etat financerait massivement un «programme national d’accès à l’enseignement technique» (Pronatec). Objectif: former 3,5 millions de nouveaux travailleurs d’ici à 2014, dont 500 000 dès cette année. Sont visés en priorité les étudiants du secondaire public, les jeunes chômeurs et les bénéficiaires de la «bourse famille», l’allocation sociale versée aux familles pauvres.

Les cours seront donnés dans les établissements techniques. Cent vingt nouveaux centres de formation seront créés, et 3000 enseignants recrutés.

Les secteurs visés figurent parmi les plus demandeurs: la construction civile, les services, notamment hôteliers, et les technologies de l’information. Avec, pour horizon, les deux grandes échéances sportives planétaires de 2014 et 2016.

Par Jean-Pierre Langellier /le temps 11

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