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Matières Premières agricoles : Un an plus tard, le marché du sucre vit son deuxième «krach»

Matières Premières agricoles : Un an plus tard, le marché du sucre vit son deuxième «krach»

Les cours mondiaux ont plongé de 27% depuis fin février. Les spéculateurs soldent leurs positions acheteuses. Comme il y a un an

«Je simplifie: le sucre, Monsieur l’Inspecteur, c’est un pari. Un pari sur l’avenir. Aujourd’hui il est à 2000 la tonne, l’autre jour il était à 1850. Vous m’auriez pris un lot – un lot, c’est 50 tonnes – vous auriez payé 92 500. 92 500! Vous vendriez aujourd’hui, vous empocheriez 100 000. Moins 92 500, égale? 7500 francs… vous me suivez? Champagne!» A l’heure où les cours du sucre font le grand plongeon, il faut revoir avec jubilation le plaidoyer de Roger Hanin – caricature du trader pied-noir – face à un Jean Carmet médusé, dans Le Sucre, film culte de 1978 ressorti il y a peu en DVD. Depuis fin février la valeur du sucre roux a plongé de près de 30% à New York. L’automne dernier encore, les scénarios d’une pénurie – «phénomène mondial» résumait Gérard Depardieu dans Le Sucre – semblaient vouer l’édulcorant à une inexorable raréfaction.

Ceux qui n’ont pas soldé à temps leurs positions en sont aujourd’hui pour leur argent, alors que leurs conseillers révisent le scénario du grand déséquilibre mondial de la scène sucrière.

«Hormis la possibilité que la Chine [profite de la baisse] pour stocker en avance, les principaux facteurs qui avaient poussé les prix à la hausse ne sont plus là», résument les spécialistes de BNP Paribas. Ces derniers rappellent qu’au Brésil, premier pays producteur où la récolte commence, «les quantités escomptées apparaissent déjà meilleures que prévu». L’absence des phénomènes climatiques El Niño et La Niña permet à l’Inde, deuxième récoltant, «de s’attendre à produire cette année 24,5 millions de tonnes, soit plus que [ses] besoins, ce qui l’autorise à exporter 0,5 million de tonnes». L’attente de quantités importantes en provenance de Thaïlande – le pays pourrait exporter 6,2 millions de tonnes – nourrit également le sauve-qui-peut sur les marchés. Les hedge funds et les autres intervenants financiers réduisent aussi vite que possible leurs positions acheteuses: celles-ci sont retombées à leur niveau de septembre.

Ces montagnes russes dans lesquelles est pris l’édulcorant n’ont rien d’atypique. Il y a un an, les cours mondiaux enchaînaient un troisième mois de baisse leur faisant perdre 30%, alors que les positions spéculatives étaient réduites à tour de bras.

Ce yo-yo pourrait-il avoir un effet très limité sur des chocolatiers, utilisant en moyenne 430 grammes de sucre par kilo de chocolat? Il y a un an les sucreries Aarberg et Frauenfeld précisaient que les prix de gros en Suisse «n’étaient pas touchés» par ces fluctuations, dépendant avant tout de ceux en vigueur en Europe. Or ces derniers restent déconnectés des marchés mondiaux, en raison de l’entrelacs de quotas régissant les betteraviers de l’Union. Aucun spécialiste des sucreries helvétiques n’était disponible hier pour commenter la situation. Selon leurs statistiques, en 2008, la moitié des 0,5 million de tonnes consommées dans le pays était produite localement, le reste provenant essentiellement des pays voisins.

Par Pierre-Alexandre Sallier/le temps mai11

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