Le scepticisme prend le dessus/ FMI : L’art de se réinventer ne parvient plus à dissimuler l’inutilité d’une institution obsolète.
Au-delà d’une course à la succession, les déboires judiciaires de l’ancien directeur général du Fonds monétaire international (FMI) attirent à nouveau l’attention sur une question moins banale: à quoi sert encore cette institution?
A ses débuts, elle était destinée à aider les gouvernements en manque de liquidités à maintenir les taux de change fixes décrétés par les accords de Bretton Woods de 1944. Or, ce système n’existe plus depuis 1971.
Des économistes monétaires éminents, comme Anna Schwartz, Allan Metzler ou Roland Vaubel critiquent depuis longtemps les prémisses le plus souvent erronées qui servent à justifier les interventions du FMI. Le moment semblerait idéal pour envisager d’abolir cette bureaucratie pour le moins anachronique, qui n’a guère connu de résultats positifs tangibles depuis sa reconversion en agence de développement.
«Ses seuls effets ont été la promotion d’une culture de dépendance dans de nombreux pays pauvres, en plus du renforcement de régimes autoritaires», remarque Donald Boudreaux, professeur à l’Université George Mason. Ce n’est pas la première fois qu’une bureaucratie internationale se réinvente pour survivre et étendre ses prérogatives. C’est même un trait caractéristique de la plupart des agences financées par la contrainte: il est très difficile de s’en débarrasser une fois devenues inutiles. Dans le cas de l’euro, le FMI ne fait à nouveau que perpétuer un modèle inefficace et soutenir des politiques publiques qui ont échoué.
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«Le FMI a passé des décennies à subventionner les parias économiques du monde, dont pratiquement aucun ne s’en est sorti grâce à ses programmes», observe Doug Bandow, chercheur senior au Cato Institute, à Washington.
Les fonctionnaires du FMI se focalisent trop étroitement sur des données comptables et des objectifs chiffrés arbitraires sans lien avec la complexité du terrain. Cela les conduit à prodiguer des conseils aux effets souvent pervers, comme des hausses d’impôts.
Loin de promouvoir des réformes libérales, comme le voudrait le mythe, le FMI tend plutôt à fausser le potentiel des marchés en maintenant en place des gouvernements incompétents, corrompus ou kleptocrates, provoquant ainsi régulièrement des émeutes de rue et de la violence
La faiblesse du FMI réside dans son activité elle-même: l’octroi de prêts. «Dans sa conception actuelle, le FMI cause davantage de dommages qu’il n’est utile», constate Roland Vaubel, professeur à l’Université de Mannheim. En effet, le FMI est obligé de prêter de l’argent pour justifier d’en avoir. Ce n’est également qu’ainsi qu’il peut financer ses dépenses de personnel et de fonctionnement. Les Etats créanciers ne lui allouent de fonds supplémentaires que s’il épuise largement son potentiel de crédit existant.
Cette réalité relativise la notion de conditionnalité. Les conditions d’octroi sont limitées à un strict minimum. Le FMI n’a ainsi jamais été en mesure d’encourager des réformes ou une croissance économique orientées sur le long terme. Ses fonds ont au contraire souvent servis de soutien à des politiques collectivistes.
Le FMI se targue lui-même d’aider «tous les types d’économies» incluant des instruments comme les contrôles de production, les prix administrés et les subventions. Le problème semble à certains égards encore plus insidieux: les prêts du FMI sont susceptibles de retarder de véritables réformes et de permettre aux gouvernements de poursuivre leurs pratiques, sans procéder aux changements internes nécessaires qui mèneraient à une prospérité durable.
Les postures et le lobbying du Conseil fédéral pour maintenir le siège sans influence notable de la Suisse au conseil d’administration du FMI, tout comme l’engagement de la Banque nationale en faveur d’un renflouement, paraissent d’autant plus déplacés.
Pour Kurt Schiltknecht, professeur à l’Université de Bâle et ancien chef économiste à la Banque nationale, l’attractivité et la résistance du FMI malgré son obsolescence s’expliquent principalement par le nombre de postes attrayants qu’il offre sur le marché du travail politique et administratif. Les conférences qu’il organise se laissent par ailleurs idéalement combiner avec d’agréables voyages. A ceci s’ajoute la tribune qu’il met à disposition pour se présenter en sauveur du monde… Ce sont des qualités prisées par la caste politico-administrative.
En parallèle, d’autres organisations internationales, comme l’OCDE, l’UE ou la BIS, mènent les mêmes discussions avec les mêmes protagonistes. «L’onéreux tourisme de conférences prend des ampleurs toujours plus importantes, mais jusqu’ici il n’a pas conduit à de meilleures solutions.»
Pierre Bessard agefi mai11