L’autre problème de la dette européenne
Ce n’est pas encore une crise à la grecque, mais ça y ressemble.
Les clubs de l’élite du football anglais affichent une dette cumulée de 2,6 milliards de livres (3,6 milliards de francs), pour des revenus qui ont augmenté de 5% au niveau record de 2,7 milliards de sterling en 2009/2010, selon une étude de Deloitte. Et une perte avant impôt de 445 millions de livres, qui marque un record également.
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La bonne nouvelle est que près de 40% de cette dette (un milliard de livres) est constituée de «soft loans» non porteurs d’intérêt, concernant principalement deux clubs – Chelsea et Fulham. Également positive, la baisse du niveau de dette globale, de 20% par rapport aux 3,3 milliards de livres de 2008/2009. Ce recul découle notamment de la conversion de dette en capital, en particulier à Manchester City, et de la vente d’actifs immobiliers, comme c’est le cas pour Arsenal. De l’autre côté du bilan, les clubs anglais disposent de 1,8 milliard de livres d’actifs tangibles nets, ce qui reflète leurs importants investissements dans les installations depuis vingt ans et la valeur des joueurs, qui dépasse le milliard.
Le chiffre d’affaires cumulé des clubs de Premier League devrait atteindre un nouveau record en 2010/2010, à plus de 2,2 milliards de livres, grâce à l’entrée en vigueur de nouveaux droits de diffusion, selon le 20e Annual Review of Football Finance du groupe Sports Business de Deloitte. La preuve d’une résilience économique certaine, selon Dan Jones, associé de Deloitte: «Malgré l’environnement économique difficile, les revenus tirés des droits de diffusion ont augmenté de 7% à 2,04 milliards de livres l’an dernier. C’est la première fois qu’une source de revenus dépasse le milliard de livres pour une ligue de football domestique, et la saison 2010/2011 devrait générer de la croissance supplémentaire grâce à l’augmentation des droits de diffusion internationaux. Les revenus commerciaux ont également progressé, de 6%. Le football de haut niveau a montré une remarquable résistance à la récession».
Mais l’augmentation des salaires des joueurs a dépassé celle des revenus l’an dernier, pour la deuxième année consécutive. La masse salariale totale de la ligue atteint 1,4 milliard de livres, ce qui se traduit par un ratio salaires/revenus de 68%. «Sur les 49 millions de livres de revenus supplémentaires, moins de 10% s’est traduit en bénéfice opérationnel, qui est passé de 79 à 83 millions de livres, explique Alex Byars, senior consultant chez Deloitte. Le défi pour les clubs continue à être de convertir l’impressionnante croissance des revenus en bénéfices durables, qui permettent d’investir à la fois dans l’infrastructure et les talents». Bien sûr, la perte avant impôt cumulée de 445 millions est une source d’inquiétude, poursuit Byars, d’autant plus que le crédit sera probablement moins accessible aux clubs de football qu’il ne l’était il y a deux ou trois ans. Ce qui explique probablement, au moins en partie, pourquoi le total des sommes dépensées en transferts de joueurs a décliné de plus de 20% en 2009/2010, par rapport au record de 713 millions de livres de la saison précédente. À noter enfin que le deuxième échelon de l’élite anglaise, le Football League Championship, a vu ses revenus dépasser la barre des 400 millions de livres pour la première fois l’an dernier (+9%), notamment grâce à la présence de Newcastle United.
Le Championship est la troisième ligue d’Europe en termes de spectateurs, devant les premières divisions espagnole, italienne et française.
source afp juin11
EN COMPLEMENT : L’aspect business du football reste un sujet un peu tabou en Europe.
Y compris pour les hommes politiques pour qui le foot business reste un angle mort de la politique. Et pourtant, un rapport remis par un groupe de travail français permettrait de découvrir des choses intéressantes sur le football professionnel européen. En premier lieu, le fait que ce foot européen risque de connaître un krach financier généralisé. Pour tout dire, un krach similaire à celui de la crise immobilière des subprimes aux Etats-Unis !
Pour comprendre pourquoi ce risque existe, il faut remonter à 1995, date de l’arrêt Bosman, du nom de l’ancien footballeur belge Jean-Marc Bosman, qui était en litige avec le FC Liège. Je vous passe les détails de cet arrêt de la Cour de justice européenne. Il a notamment eu pour conséquence de mettre fin aux quotas de joueurs étrangers par club. Avant 1995, les joueurs étrangers étaient en effet limités à trois par club.
L’application de cet arrêt Bosman a entraîné une augmentation des transferts et, surtout, une envolée des prix de transfert. Pour ne citer que deux exemples, le Real Madrid a payé 75 millions d’euros pour Zinedine Zidane et, plus récemment, 100 millions d’euros pour Cristiano Ronaldo.
Vous me direz que, face à cette explosion salariale, les clubs peuvent tout de même compter sur leurs recettes commerciales, billetterie, sponsoring, merchandising, droits télé et j’en passe. A ceci près que, selon ce rapport, ces recettes commerciales ne suffisent plus à couvrir l’explosion des charges salariales.
Pour boucler leur budget, les clubs se livrent à la spéculation, bref, à de la cavalerie financière. En clair, le club acheteur verse une indemnité de transfert lors de l’achat d’un joueur et reçoit une indemnité quand il revend ce même joueur. Tant que le marché des joueurs est à la hausse, tout va bien.
C’est pourquoi ce marché des transferts est maintenu artificiellement à la hausse. D’abord, par les clubs qui peuvent grâce à cela boucler leur budget ; ensuite, par les agents de joueurs qui sont rémunérés sur le prix de vente ; enfin, par le système comptable qui encourage cela en permettant aux clubs de mettre à l’actif des joueurs. Autrement dit, l’achat d’un joueur équivaut à l’achat d’une machine ou d’un immeuble dans le bilan d’un club. C’est grâce à cet artifice comptable qui, en temps normal, serait interdit, que ces clubs de foot peuvent s’endetter.
Seul hic, en Europe, l’endettement des clubs professionnels a atteint la cote d’alerte : 15 milliards d’euros de dettes. Il suffirait que l’un ou l’autre gros club fasse faillite pour que cette hausse artificielle des transferts cesse d’un seul coup. Un peu comme le marché de l’immobilier américain a cessé de grimper en 2007, entraînant la pire crise financière depuis 1929. Selon les spécialistes, le football européen risque de connaître le même sort si rien ne change
Amid Faljaoui/trends avril11
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Football en Bourse : condamné à l’échec ?
Beaucoup de clubs européens se sont cassé les dents sur les marchés financiers. Pourtant, des modèles à succès existent. Décryptage avec Bastien Drut, auteur de l’ouvrage «Economie du football professionnel», sorti en avril.
Le titre de champion de France s’éloigne pour l’Olympique Lyonnais, le projet de nouveau stade s’enlise et le cours de bourse se traîne. Introduite à 24 euros en bourse il y a 5 ans, une action de l’OL s’échange aujourd’hui à moins de 6 euros. Pour les actionnaires du meilleur club de foot français sur les 10 dernières années, le bilan boursier est donc clairement négatif. Mais l’OL n’est pas le seul club de foot dans ce cas là.
Dans toute l’Europe, en effet, des équipes ayant tenté leur chance en bourse ont vu leur valeur s’effondrer. Pour preuve, le nouveau champion d’Allemagne, le Borussia Dortmund. Son action a certes triplé au cours de la saison. Mais les investisseurs ont pris leurs bénéfices dès le lendemain du sacre. L’action a chuté de près de 8% en une séance. Il faut dire qu’elle ne vaut qu’aux alentours de 2,60 euros, soit quatre fois moins que lors de son introduction en bourse 11 euros, en 2000. Avoir une action “sous l’eau” – sous le cours d’introduction- semble être un grand classique pour les clubs entrés en bourse… tout du moins quand ils s’y trouvent encore. Le Dow Jones Stoxx Football, l’indice européen des clubs en bourse, ne compte plus que 23 pensionnaires aujourd’hui contre 32 à son apogée.
Les clubs de foot ne pourraient donc pas réussir en bourse ? Dans son ouvrage Economie du football professionnel, à l’intérieur duquel une large place est faite aux performances des clubs de foot sur les marchés financiers, Bastien Drut démontre que si. À condition d’user de la bonne tactique. “Il y a deux stratégies distinctes de la part des clubs de foot qui lèvent de l’argent en bourse.
La première d’entre elles consiste à lever des fonds pour les dépenser presque immédiatement sur le marché des transferts. Ils tablent ensuite sur de bons résultats sportifs pour obtenir une hausse de leurs résultats financiers. Malheureusement il ne suffit pas de recruter de grands joueurs pour s’imposer dans le monde du football. De plus, les contrats des footballeurs sont des actifs immatériels inscrits au bilan des clubs, dont la valeur est très instable et très difficile à chiffrer précisément.”
Diversifier son activité
Second objectif possible pour les candidats à la bourse : lever des fonds pour financer un projet de diversification de l’activité économique. “C’est la meilleur stratégie”, note Bastien Drut. “Les clubs qui font construire leur propre stade peuvent s’appuyer sur un actif matériel sur la valeur duquel pèse moins d’incertitude. Ils vont aussi pouvoir diversifier leurs recettes par d’autres activités.” C’est ce qu’a tenté de faire l’OL, mais les imbroglios administratifs répétés ont sans cesse repoussé la construction du complexe OL Land (stade, boutiques…), ce qui a fini par lasser les investisseurs.
Pour réussir en bourse, un club doit diversifier au maximum son activité pour minimiser l’incertitude liée aux résultats sportifs inhérente au monde du football. “Et la réussite économique permettra souvent au club d’améliorer ses résultats sportifs par la suite, ce qui pourra éventuellement accroître les recettes…”, indique Bastien Drut.
La réussite des clubs turcs
En matière de diversification financière, le club danois du FC Copenhague est avancé comme un modèle en Europe dans le livre Economie du football professionnel de l’économiste. “Les deux clubs de la ville ont fusionné en 1992 pour remplir les gradins du Parken Stadium, une enceinte sportive ultra-moderne de 42 000 places. Ensuite, le FC Copenhague s’est complètement diversifié en acquérant des entreprises centrées sur les loisirs,des centres de fitness, une société de billetterie ligne d’évènements sportifs, etc”, raconte Bastien Drut. Résultat, entre 1997 et 2008 le chiffre d’affaires du club a été multiplié par 47 et son cours en bourse a explosé avec une hausse de 700%. Les recettes tirées directement des résultats sportifs du FC Copenhague sont devenus très minoritaires.
C’est la même stratégie de diversification qu’ont employé les grands clubs turcs d’Istanbul. Avec succès. Le cours de leur action a grimpé et des dividendes sont versés aux actionnaires. Chaque année, le puissant Fenerbahçe, club de la rive asiatique d’Istanbul et notamment propriétaire de Fenerium une chaîne vestimentaire qui compte 64 magasins dans le monde, dégage un bénéfice de 25 à 30 millions d’euros. Son rival, Galatasaray, un autre club de la grande métropole turc, détient lui un gigantesque patrimoine immoblier dont un îlot sur le Bosphore où sont installées des activités sociales et un club de natation. Le poids boursier des clubs turcs, qui pèsent 42% de l’indice Dow Jones Stoxx Football, est considérable. Ils n’ont pourtant pas encore remporté la Champions League, la plus prestigieuse des compétitions européennes.
Camille Belsoeur, L’Expansion.com mai11