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L’indépendance de la BCE encore une fois transgressée

L’indépendance de la BCE encore une fois transgressée

La France avait obtenu fin avril de l’Italie la promesse du départ de Bini Smaghi avant la fin de son mandat.

En poussant l’Italien Lorenzo Bini Smaghi à démissionner du directoire de la Banque centrale européenne pour laisser la place à un Français, Paris et Rome ont fait peu de cas de l’indépendance de l’institution monétaire au nom de leurs propres intérêts.

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 M. Bini Smaghi «va quitter le directoire de la BCE dans le délai imparti», c’est-à-dire avant la fin de l’année, a annoncé la chancelière allemande Angela Merkel à l’issue d’un sommet des dirigeants de l’Union européenne à Bruxelles.

«M. Bini Smaghi va prendre toute décision future (concernant son avenir) en toute indépendance», selon un bref communiqué de la BCE qui tente de sauver les apparences.

En échange de son appui à la candidature de l’Italien Mario Draghi, officiellement nommé vendredi pour remplacer le Français Jean-Claude Trichet à la tête de la BCE à partir du 1er novembre, la France a obtenu fin avril de l’Italie la promesse du départ de M. Bini Smaghi avant la fin de son mandat initialement prévu en 2013. Mais il résistait, faute d’avoir obtenu de Rome un poste de compensation en Italie suffisamment intéressant à ses yeux, et il était protégé par le statut de la BCE qui garantit l’indépendance de ses dirigeants à l’égard des gouvernements. L’impasse menaçait d’empêcher l’ascension de M. Draghi.

Le mandat de huit ans des banquiers centraux, inspiré du modèle de la Banque centrale allemande (Bundesbank), «avait été pensé pour préserver l’indépendance des banquiers centraux vis-à-vis des élus politiques, dont les mandats sont plus courts», souligne Thorsten Polleit, économiste de Barclays Capital. «Les intérêts politiques ont conduit à ce que l’on s’écarte de cette règle, ce qui est dommageable à la Banque centrale européenne, à son respect et son indépendance (…). Quand on commence à enfreindre une règle, c’est la porte ouverte à d’autres prises de liberté», déplore-t-il.

Plus une banque centrale est indépendante, «plus elle est capable d’atteindre ses objectifs, comme maintenir une inflation faible, et plus elle est crédible auprès des marchés financiers», estime son confrère Clemente De Lucia de BNP Paribas.

Angela Merkel a néanmoins assuré que «l’indépendance de la BCE est pleinement préservée en ce qui concerne son activité».

«Pour l’Europe, le mieux serait (…) des membres choisis en fonction de leur compétence et non en fonction de leur nationalité», regrette M. De Lucia.

Un accord tacite prévoit que les grands pays de la zone euro puissent envoyer un membre au sein du directoire de la BCE, qui en compte six. Avec la désignation de M. Draghi, l’Italie se serait retrouvée avec deux représentants au sein de cet organe clé de la politique monétaire européenne.

L’institution a déjà été confrontée à l’interventionnisme des politiques: en 1998, Paris avait obtenu que le premier président de la BCE, le Néerlandais Wim Duisenberg, parte plus tôt que prévu pour laisser la place à M. Trichet.

Si le principe du remplacement de M. Bini Smaghi par un Français est décidé, aucun candidat ne s’impose d’évidence. Un banquier, sous couvert d’anonymat, estime que la secrétaire générale de l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP), régulateur français des banques et des assurances, Danièle Nouy, a le profil du poste.

Quant à M. Bini Smaghi, il peut espérer un lot de consolation: vendredi le Premier ministre italien Silvio Berlusconi a estimé qu’il avait «toutes les compétences» pour succéder à Mario Draghi à la tête de la Banque d’Italie, un poste qu’il convoite, tout en rappelant qu’il y avait aussi deux autres candidats.

source agence juin11

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