Art de la guerre monétaire et économique

La hausse des coûts en Chine pousse de plus en plus d’usines à s’installer au Vietnam

La hausse des coûts en Chine pousse de plus en plus d’usines à s’installer au Vietnam

Les salaires s’envolent dans la 2e économie du monde. Samsung, Canon, et autres Foxconn déplacent leurs sites de production

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La route qui relie Mong Cai (à la frontière vietnamienne) à Nanning, capitale de la province du Guangxi à l’extrême sud de la Chine, ne désemplit pas. Quantité de camions roulent à tombeau ouvert sur cette «tranchée» de 150 kilomètres refaite à neuf il y a quelques années. Ils viennent chargés à plein de vêtements, de chaussures, de fournitures bas de gamme qu’ils écoulent dans la région et jusque dans le Guangdong voisin.

Au Vietnam, «tout est meilleur marché, explique un entrepreneur local chinois. Ici, nos ouvriers coûtent de plus en plus cher». Là-bas, de l’autre côté de la frontière, «c’est encore rentable», avoue-t-il. A l’écouter, la Chine – désormais deuxième puissance économique du globe – n’est plus l’eldorado d’autrefois où les cols bleus trimaient en usine contre des salaires de misère. A Shenzhen par exemple (où des grèves d’ouvriers ont éclaté il y a tout juste un an aux portes d’usines étrangères) «les choses se sont améliorées», reconnaît quant à lui Qiang Li, représentant de l’ONG américaine China Labor Watch (CLW). Dans ces entreprises, «85% des ouvriers ont été augmentés» sur l’année écoulée. L’impact de la pression sur les salaires est «sensible» (141 dollars/mois minimum, +21% en moyenne en un an), explique-t-il même s’il estime que «les conditions de travail sont souvent inacceptables». Conséquence: de plus en plus de donneurs d’ordres chinois et internationaux se tournent vers les pays de l’Asean – le Vietnam en particulier où le salaire minimum dans les grandes zones de production n’excède pas 85 dollars par mois.

Il suffit d’aller à Bac Ninh, à 40 kilomètres au nord de Hanoi, pour se rendre compte de cette «poussée» vietnamienne. Là, sur ce qui n’était il y a quelques années que de vastes rizières, se sont installées quantité de multinationales – accompagnées de leurs nombreux sous-traitants locaux. On y croise Samsung (9600 employés, la plus grande usine au monde du fabricant coréen), Canon (8500 personnes) mais aussi le taïwanais Foxconn (5600 ouvriers), premier fabricant mondial de produits électroniques et plus gros employeur privé en Chine (420 000 emplois). «Le Vietnam est devenu un pays très compétitif», assure depuis le siège l’équipe communication du groupe, «et très dynamique». Depuis 10 ans, la croissance industrielle du pays (+14% en 2010) a connu en moyenne une progression supérieure de 6 points à celle du PIB. Impossible en revanche de connaître précisément le nombre d’acteurs chinois qui ont récemment délocalisé leur production sur place ou près de Ho Chi Minh-City au sud (la plus grande zone économique du pays). Une chose est sûre: «Les deux parties (Chine et Vietnam) ont commencé à ouvrir et à faciliter les investissements», confirme un expatrié européen qui effectue des contrôles qualité en usine dans la région de Hanoi. En janvier 2011, la Chine a investi plusieurs millions de dollars dans deux projets et est actuellement le 8e investisseur au Vietnam.»

Surtout, l’accord de libre-échange Chine-Asean, en application depuis début 2010, a boosté les exportations vietnamiennes vers l’Empire de 49% sur les douze derniers mois; même si le déficit commercial avec Pékin reste proche de 9 milliards d’euros en 2010.

Les premières à profiter de ce boom sont les PME vietnamiennes. A Dongxing, ville chinoise située juste en face de Mong Cai, de larges panneaux saluent l’accord et annoncent la fin de la construction – à la lisière de la ville – du plus important marché transfrontalier de la zone Asean (51 hectares, 200 millions d’euros dépensés). Sous peu, quantité d’exposants et de négociants vendront et/ou achèteront en direct tout ce que le Vietnam produit à bas prix.

En face, côté vietnamien, l’empreinte chinoise est de plus en plus visible. Le géant (public) du BTP, la compagnie CSGEC construit à Mong Cai d’importants complexes industriels. De nombreux intermédiaires du Guangdong y ont également leurs bureaux et surtout le yuan chinois y est devenu une monnaie de référence (alors que le dông vietnamien a subi en février une quatrième dévaluation en 15 mois). Beaucoup sur place se plaignent toutefois d’une sujétion croissante au dragon chinois – premier importateur du pays, grand pourvoyeur d’équipements industriels, électroniques, d’acier et de produits pétroliers.

«Notre marché intérieur est inondé de produits manufacturés chinois», s’inquiétait en début d’année le quotidien Vietnam News.

Hanoi décourage désormais 15 000 articles à l’importation, notamment les vins et des produits manufacturés (machines). Des observateurs sur place notent une hausse des droits de douane sur quelques produits. Enfin, le gouvernement vietnamien a lancé en début d’année une campagne de sensibilisation à l’achat de produits locaux.

Par Pierre Tiessen Mong Cai (Vietnam) /le temps juin11

RAPPEL : Vietnam: l’inflation à 21% en juin

L’inflation a encore augmenté au Vietnam en juin, à près de 21% sur un an, selon des chiffres officiels publiés vendredi qui attribuent ainsi au pays communiste un taux parmi les plus élevés de la planète malgré de récentes mesures de rigueur. L’indice des prix à la consommation devrait s’établir d’ici la fin du mois à +20,82% comparé à juin 2010, a indiqué le Bureau général des statistiques. L’inflation augmente tous les mois depuis août 2010 et se rapproche des 28,3% d’août 2008.

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