Art de la guerre monétaire et économique

Taxer les riches? Un trompe-l’œil Par Beat Kappeler

Taxer les riches? Un trompe-l’œil Par Beat Kappeler

Les mesures fiscales visant les super-riches, annoncées en France, en Italie et en Grande-Bretagne, sont à courte vue. Elles n’atteindront pas leur but et ne cacheront pas le fait que ces gouvernements échouent à maîtriser leurs dépenses

 

Attention, mon argumentation sera un peu sinueuse, mais elle retrouvera sa cohérence vers la fin de la chronique, j’espère. Alors, en un premier temps, je dénonce les annonces des gouvernements italien, français et britannique de taxer encore plus «les riches» pour arriver à un équilibre budgétaire lointain, un jour. Ensuite, je critique le gouvernement italien, qui cette semaine revient sur sa décision de taxer plus les riches. Il va les épargner. Voyons de plus près.

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 Dans l’opinion publique, taxer les riches est souvent un projet populaire. Les quelques richards peuvent payer, pense-t-on. Cependant, si l’imagerie populaire tient, à savoir que les super-riches ne font qu’une infime minorité arrogante et avide, le rendement d’une taxe sur eux ne rapportera pas beaucoup, au moins rien qui puisse rapprocher les deux bouts de la bourse publique. Si, par contre, on veut ratisser large, le barème de taxation devra frapper des revenus de 90 000 euros comme en Italie, ou de 150 000 livres comme en Grande-Bretagne. Mais ce sont des revenus d’entrepreneurs des arts et métiers, de jeunes fondateurs, de cadres moyens. Il est clair que l’on décourage ainsi des milieux qui apportent beaucoup à la marche de l’économie et qui pourraient se décourager.

 Un éditorial du vénérable Financial Times de cette semaine montrait un aspect époustouflant de cette question. Il critiquait le taux de 19 à 34% des revenus d’investissement des avoirs non déclarés que les banques suisses dorénavant livreront à l’Echiquier britannique. Ce serait en deçà du taux d’imposition des hauts revenus en Angleterre, et ne découragerait donc pas la fuite vers la Suisse. Mais la Suisse prélève – pour les Suisses – 35% sur les intérêts et les dividendes, ce qui chez nous est bien supérieur au taux d’imposition effectif des revenus. Les Suisses sont donc astreints à la déclaration pour récupérer les 35%, tandis que les riches britanniques, imposés furieusement dans leur pays, n’en seront pas choqués. Mais alors à qui la faute? L’éditorial pensait qu’elle était du côté de la Suisse. Non, la faute incombe à la taxation stupidement élevée en Angleterre. Mais passons.

 Ma position sur la taxation des revenus élevés est donc claire, celle-ci peut être progressive, mais elle ne doit pas être confiscatoire

Le gouvernement Berlusconi annonçait une hausse de 5 à 10 pour cent de la taxation des «riches» au-dessus des 90 000 et 150 000 euros annuels. Les pays de l’Europe du Nord demandaient de telles mesures budgétaires en contrepartie de l’achat massif d’obligations de l’Etat italien par la Banque centrale européenne, BCE. Mais, cette semaine, le gouvernement italien reniait cette taxe, et encore bien d’autres mesures. La BCE en revanche a déjà agi et, par ses achats de titres, a abaissé les taux d’intérêt que l’Italie doit payer, de 6,3% à 5%. La prestation européenne est fournie, la contrepartie italienne est retirée. C’est un scandale de premier ordre. C’est pourquoi je tance Berlusconi pour l’abandon de la taxe sur «les riches». On voit maintenant pourquoi…

 Un jour, l’euro ne se remettra plus de telles tergiversations. La Grèce avait annoncé en juillet vendre illico des biens d’Etat, mais il s’avère qu’elle n’a encore rien préparé. Son ministre des Finances avouait même qu’il avait dépensé 27% de plus que l’année passée, pour les six premiers mois. Mais où sont les économies promises, et tant décriées par la rue?

 Je pense donc que, après les déclarations souvent bêtes et les mesures financières à courte vue faites par les politiciens européens, on entrera dans une deuxième phase qui exhibera cruellement l’inanité et la disfonctionnalité des politiques nationales dans les pays du Sud européen. Cela alimentera la résistance des partis de protestation en Europe du Nord, et amènera une dysfonctionnalité des politiques et des gouvernements là aussi. Affaire à suivre. L’imposition des riches n’en sera qu’un trompe-l’œil.

 source le temps aout11

1 réponse »

  1. Oh ben moi ça m’est égal : taxez-les ne les taxez pas : je n’ai pratiquement plus de travail, pas de fonds de pension … et d’ici peu je ne pourrais plus payer mon loyer.

    D’ici peu, seul les riches auront les moyens de payer, ce qui fait que toutes ces arguties, pleurnicheries et jérémiades de nantis deviendront parfaitement superflues, tandis qu’à l’heure actuelle elles ne sont que grotesques.

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