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Konrad Hummler : la «malédiction de la garantie», source de la crise de l’endettement, et le culte quasi religieux et suspect de la liquidité en tant que remède à cette malédiction

Konrad Hummler : la «malédiction de la garantie», source de la crise de l’endettement, et le culte quasi religieux et suspect de la liquidité en tant que remède à cette malédiction

L’Europe suit le même chemin que les Etats-Unis en privilégiant la liquidité. La BNS prend le risque de l’inflation pour sauver les meubles. La crise de la dette souveraine trouve aussi l’une de ses causes premières dans une imbrication suspecte entre milieux politiques et bancaires.

Jeudi 8 septembre, 15h45. La grande salle de conférence du Victoria-Jungfrau Grand Hotel à Interlaken s’emplit à vive allure. Konrad Hummler, associé-gérant de la banque Wegelin & Co, s’apprête à livrer son discours. Banquier à la fois attaché aux valeurs traditionnelles tout en sachant être iconoclaste vis-à-vis des dogmes de la finance moderne, il débute par un acte d’accusation. Les Etats-Unis sont en première ligne, mais l’Europe n’est pas en reste.

Konrad Hummler est revenu sur l’un de ses thèmes de pédilection: la «malédiction de la garantie», source de la crise de l’endettement, et le culte quasi religieux et suspect de la liquidité en tant que remède à cette malédiction. En réalité, le deuxième terme n’est qu’un mode pour occulter la gravité du premier. En vain, puisque les marchés s’interrogent….

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 Trois ans après la plus grande financière de l’histoire, le monde n’est pas plus avancé. La crise de la dette souveraine trouve aussi l’une de ses causes premières dans une imbrication suspecte entre milieux politiques et bancaires.

En Europe, il existe trois remèdes à la crise de la dette,  suggère Konrad Hummler.

«Le premier consisterait à effecteur des dons en faveurs des états les plus vulnérables. Peu probable.

Le deuxième serait de négocier un accord entre débiteurs et créanciers.

Le troisième réside dans la faillite pure et simple.

Quel que soit l’antidote retenu, il sera politiquement et économiquement douloureux, car le créancier serait obliger d’assumer des pertes résultant de risque qu’il a pourtant sciemment décidé de prendre.» D’où les efforts des autorités politiques, sous pression, pour reculer aux calendes grecques l’application d’une solution viable sur le long terme.

«En attendant, on martèle que l’injection de liquidités via un fonds de stabilisation (EFSF) est la seule issue possible, car on veut à tout prix écarter la possibilité d’une participation des créanciers.» C’est comme s’il s’agissait de récompenser les banques par un sauvetage, le terme de sauvetage désignant ici la liquidité, cet éternel échappatoire qui est au cœur de l’implosion du système financier moderne. L’associé-gérant de Wegelin avait déjà souligné que l’octroi et l’acceptation de l’argent est une opération fondée sur la réciprocité, sans droit de préférence asymétrique en faveur de l’une ou de l’autre partie.

Les effets pervers de la solution prônée actuellement par les responsables politiques de la zone euro se font déjà sentir. L’Italie fait partie des principaux garants du fonds EFSF destiné à sauver la Grèce. Pourtant, à l’heure actuelle, la probabilité que l’Italie manque d’honorer ses engagements et fasse faillite est de 25%, sur la base des niveaux actuels des CDS. La probabilité est déjà de 10% pour la France. Cet état de fait traduit précisément l’inquiétude des marchés, conscients des inconvénients qu’implique nécessairement un sauvetage de la Grèce coûte que coûte. Ces derniers se posent la question de savoir qui sauvera l’Italie, puis la France et, qui sait, l’Allemagne. EFSF ou Eurobonds, on ne fait, à l’instar des subprime, que saucissonner des dettes et disséminer des risques des entités les plus vulnérables aux plus solides. Affaiblissant ainsi l’ensemble de l’union monétaire.

Quant à la Suisse, sa solidité financière ne doit pas l’inciter à s’endormir sur ses lauriers. «La dernière intervention de la BNS est certainement la plus intelligente. En fixant un plafond sur la parité, l’institut d’émission fait en sorte que la base monétaire cesse d’augmenter. Elle élimine la nécessité d’intervenir ultérieurement sur le marché des changes, puisqu’elle oblige le marché à ne plus parier exclusivement sur la hausse du franc.»

Il convient néanmoins de garder à l’esprit que cette initiative ne règle pas tout. La BNS se rend désormais plus dépendante qu’auparavant de l’évolution économique et politique de la zone euro. Elle fait un pari osé mais rationnel. «Si les parlements européens, en particulier en Allemagne, devaient agir de manière à exacerber les craintes du marché, celui-ci se verrait alors contraint de tester encore davantage l’autorité de la BNS en revenant massivement sur le franc suisse.»

De plus, en insistant sur le fait que la BNS se dit prête à acheter des montants illimités de devises étrangères, elle signifie par là qu’elle prête à payer le prix de l’inflation pour mener sa politique monétaire. «En définitive, c’est l’évolution du niveau des prix qui dira si cette politique aura été efficace ou non», renchérit Konrad Hummler. A la fin des années 80, lorsque le Royaume-Uni avait cappé la livre contre le deutschemark, l’inflation s’est soudainement mise à galoper et la bulle du marché immobilier qui s’ensuivit ne manqua pas d’éclater brutalement.

Faut-il conclure de tout ce qui précède que le capitalisme a capitulé? Que l’argent est un mal en soi? Pas le moins du monde.

«J’associe l’argent à une grâce divine, car toute monnaie se caractérise par la confiance qu’ont ses utilisateurs dans la permanence de sa valeur et de sa fonction d’échange.» Le rôle purement financier de l’argent a pris le dessus sur son rôle social, qui est de permettre à l’humanité de pouvoir se doter de biens vitaux afin de continuer à vivre sans devoir stocker péniblement des bœufs, du sel, du nacre ou du métal à échanger contre d’autres biens. «La perte de confiance dans le numéraire n’est pas le résultat du capitalisme, mais du détournement par les hommes des fonctions vitales de la monnaie», conclut Konrad Hummler.

Levi-sergio mutemba/Agefi sep11

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