Art de la guerre monétaire et économique

Matières Premières : Le marché des métaux sous l’influence de Ben et Pékin

Le marché des métaux sous l’influence de Ben et Pékin

La notion un peu désuète selon laquelle l’offre et la demande détermineraient les prix des métaux a été ébranlée par Ben Bernanke et par Pékin. En résulte une certaine volatilité sur les marchés, comme celle observée la semaine dernière.

source Wall Street Journal

Les stocks des entrepôts de métaux sont surveillés de près. En théorie, lorsqu’ils augmentent, un excès d’offre se forme, ce qui fait baisser les prix des métaux, et vice-versa. Le ratio des stocks par rapport à la demande donne une meilleure idée du degré auquel les marchés physiques sont tendus. Ce n’est pas parfait, puisque ce ratio est un indicateur reflétant les conditions actuelles alors que les prix anticipent les conditions futures, mais en général, cela fonctionne bien. Entre 2000 et le deuxième trimestre de 2011, les mouvements trimestriels des prix de l’aluminium, du nickel, de l’étain et du zinc ont été inversement corrélés à l’évolution du ratio des stocks, à 50% ou plus.

Cette corrélation inverse s’est néanmoins affaiblie. Les prix du plomb et du zinc et les ratios stocks/consommation ont grimpé simultanément pendant une grande partie des trois dernières années. Les prix de l’aluminium sont remontés cette année à leurs niveaux de 2008, bien que les stocks couvrent aujourd’hui environ huit semaines de demande, contre seulement quatre à l’époque.

Deux nouveaux venus, ou relativement nouveaux, sont entrés en scène: la Réserve fédérale américaine et la Chine. La faiblesse des taux d’intérêt permet de stocker à peu de frais des métaux et de les vendre à terme pour s’assurer les prix actuels. Selon les estimations des analystes, la majeure partie des stocks d’aluminium, par exemple, est engagée dans de tels contrats. Par conséquent, une petite partie seulement des quelque 7 millions de tonnes de stocks d’aluminium est disponible pour répondre à la demande réelle. Ce qui soutient les prix.

Et puis il y a la Chine. Depuis 2005, son appétit pour le cuivre, l’aluminium, le plomb, le nickel et le zinc est passé de 23% de la consommation mondiale à 42%, selon Barclays Capital. La transparence de sa communication n’a cependant pas augmenté au même rythme, et déterminer combien de métal la Chine utilise vraiment relève de l’exploit.

Prenons l’exemple du cuivre. Les importations chinoises nettes de cuivre raffiné pendant les sept premiers mois de 2011 ont baissé de 36% par rapport à la même période de l’année précédente, selon Royal Bank of Scotland. Les prix du cuivre se sont cependant remarquablement bien maintenus pendant cette période. Pourquoi ? A cause de l’hypothèse répandue selon laquelle la Chine aurait utilisé des stocks non répertoriés, ce qui signifierait que la consommation est restée soutenue même si les importations ont chuté.

Compte tenu de l’opacité qui entoure les données chinoises, cette hypothèse est peut-être juste. Mais alors que RBS et Barclays s’attendent à ce que la Chine se lance dans une vaste reconstitution de ses stocks de cuivre, ce n’est pas le cas de Société Générale, qui se base pourtant sur les mêmes données et estimations. La banque française pense que la catastrophe qui a frappé le Japon a entraîné une distorsion des échanges de cuivre en Asie, et que les acheteurs chinois ont davantage recyclé de cuivre de récupération et ont acheté le métal lors des baisses de cours au lieu de reconstituer leurs stocks en gros.

En outre, certains spécialistes chinois du négoce de matières premières ont utilisé cette année le cuivre comme garantie pour obtenir des prêts pour d’autres usages, en raison du resserrement du crédit imposé par Pékin. Cela a stimulé les importations de cuivre, mais ne correspond pas à une demande véritable.

Pour ceux qui veulent investir dans les métaux, prévoir l’évolution des prix suppose de plus en plus de savoir déchiffrer les données sur la Chine ainsi que de lire dans les pensées de Ben Bernanke. Difficile de dire ce qui est le plus difficile, mais dans les deux cas, ce n’est pas une sinécure.

Liam Denning, Wall street Journal sep11

(Version française Agnès Adourian)

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