Art de la guerre monétaire et économique

Quand la confiance s’érode Par Beat Kappeler

Quand la confiance s’érode Par Beat Kappeler

Les Etats-Unis et la zone euro jouent avec le feu, pensant pouvoir tirer les cordons de la bourse pour éponger leurs gigantesques dettes. Mais un jour l’investisseur n’y croira plus.

L’Etat américain amortit courageusement sa dette. En effet, il paie 1,9% pour ses papiers de dette sur dix ans, mais l’inflation est de 3,77%, c’est-à-dire le double. Pour l’instant, la dette rétrécit chaque année de 1,87%. Le qualificatif «courageux» cependant prend une signification inattendue. Car l’Etat fédéral continue de faire des déficits énormes de 10% du produit intérieur, et les deux partis en lice n’ont encore rien économisé. C’est la Banque centrale, la Fed, qui est montée au créneau. En achetant à tour de bras les papiers de la dette américaine, elle a baissé les taux d’intérêt au niveau de 1,9% et augmenté l’inflation à 3,77%. Elle effectue la différence tant souhaitée par les autorités politiques!

 
 

 

Le courage de la Banque centrale est donc d’un genre très particulier. Elle fait le pari que l’inflation pourra être maîtrisée à un certain niveau, disons en dessous de 5%. Car, si les prix prenaient l’ascenseur avec 7 ou 8% d’augmentation, la Fed devrait freiner le mouvement. Mais ce serait très dur à réaliser. Elle devrait couper ou renchérir ses prêts aux banques et pousser par cette restriction le niveau des taux d’intérêt. En conséquence, elle devrait alors revendre les papiers de la dette étatique. Mais, pour que les investisseurs privés ou les Chinois mordent à l’hameçon, ces papiers se vendraient avec un rabais important, signifiant donc des pertes pour la Banque centrale… Pire, dans le même temps elle renchérirait encore les taux d’intérêt. Car, si la valeur vénale des papiers de dette baisse, les taux que l’Etat devra payer ensuite seront plus élevés.

Cette mécanique aurait pour effet d’augmenter encore le déficit américain, lequel représente toujours 100% du produit intérieur brut environ. 3 à 4 points de taux d’intérêt en plus signifieraient un déficit courant d’autant plus élevé.

Dans la zone euro, l’inflation grimpe aussi: elle atteint 3% chaque année. L’Etat allemand arrive à son tour à s’endetter pour 1,84% sur dix ans. Toutefois, l’Alle­magne commence à profiter aussi de l’inflation. Dans la zone euro, la Banque centrale achète également des obligations des Etats et alimente par là la circulation monétaire. Les prix de gros, c’est-à-dire de façon générale les prix d’usine, viennent d’augmenter de 5,9% dans la zone. Cette inflation va se répercuter dans quelques semaines dans les prix du détail.

Les experts américains conseillent aux politiciens de la zone euro d’installer «des leviers» dans les paquets de soutien aux pays faibles, ce qui revient à faire encore plus exploser la masse monétaire.

Et pour finir regardons la Suisse, où l’inflation n’est pour l’instant que de 0,5%, mais dont la Banque centrale vient de doubler la masse monétaire centrale en un seul mois entre juillet et août 2011.

Je pense que les autorités tant étatiques que monétaires oublient un fait fondamental: en tant que techniciens de la chose publique, ils savent bien que le fondement des monnaies est le papier – et le papier seulement. Ils sont sûrs de pouvoir tirer les cordons de la bourse quand ils le souhaitent. Mais le public se méfie. Mais les techniciens de la monnaie-papier ont oublié que la valeur de celle-ci repose sur la confiance du public. Si les attentes du public sont trompées, il adopte une attitude d’incrédulité, et alors la monnaie-papier est cuite.

Quel sera le signe de l’érosion de la confiance? Lorsque arriveront les premiers contrats entre acteurs privés comportant des clauses-or: «Vous repaierez mon prêt par ce qui vaudra plus, à savoir les 100 000 francs prêtés, ou la valeur en or actuelle de cette somme.» Pour l’instant, les acteurs privés n’achètent que de l’or pour diversifier leur fortune. Mais la mutation des contrats utilisant l’or comme ancre et comme garant sera un signe très fort.

Un petit exemple supplémentaire pour l’érosion de la confiance, cette fois envers les banques: la banque Dexia doit être sauvée pour la deuxième fois déjà par les Etats français et belge, et pourtant elle avait passé le «stress test» européen en beauté il y a trois mois. Pour les économistes, la réputation des politiciens américains et européens et celle des eurocrates sont au plus bas.

source le temps oct11

1 réponse »

  1. Samedi 8 octobre 2011 :

    Dette : Christine Lagarde à l’Elysée, tractations avant un sommet Sarkozy/Merkel.

    La directrice générale du Fonds monétaire international, qui avait été la première à appeler fin août à une recapitalisation « urgente » des banques européennes et qui reste très attendue sur ce sujet, a quitté l’Elysée après une heure d’entretien avec le chef de l’Etat français Nicolas Sarkozy sans faire de déclaration.

    A Berlin, dimanche, le président français et la chancelière allemande Angela Merkel, dont les divergences sur la manière de recapitaliser les banques européennes ont été démenties à Paris, devraient rechercher un terrain d’entente.

    La France s’est ralliée à l’idée d’une opération coordonnée au niveau européen, après avoir martelé pendant des semaines que les établissements français resteraient solides même en cas de faillite de la Grèce.

    http://www.boursorama.com/actualites/dette-christine-lagarde-a-l-elysee-tractations-avant-un-sommet-sarkozy-merkel-7154fb6c737a703c56492826bf2ea2c2

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