Carmignac Gestion

Carmignac Gestion : Diversifions les régions et les classes d’actifs

Carmignac Gestion : Diversifions les régions et les classes d’actifs

Didier Saint-Georges, membre du comité d’investissement de Carmignac Gestion, explique le mécanisme qui permet aux fonds de sa société de limiter les baisses lors d’une année aussi mauvaise que 2011. La société a lancé un nouveau fonds «émergent» en avril.

Le Temps: Pourquoi les actions des pays émergents sont-elles si décevantes en 2011?

Didier Saint-Georges : Effectivement leur performance boursière a été décevante avec un recul de 15%, ce qui est tout de même meilleur que l’Euro Stoxx. Mais les pays émergents ne connaissent pas du tout une crise aussi grave que l’Europe. Jusqu’à récemment les pays émergents étaient confrontés à un problème spécifique, une poussée d’inflation. Ce n’est que depuis deux mois que l’inflation a commencé à baisser. Les effets positifs de cette nouvelle tendance se liront dans les cours ces prochains trimestres.

La deuxième raison de la baisse est très différente. Dans les pays industrialisés, les marchés émergents sont encore perçus par les investisseurs comme des actifs dans lesquels on investit seulement lorsque l’on a un fort appétit pour le risque. Dans le cas actuel, cela incite à rapatrier ses fonds pour acheter des actifs européens ou américains. L’année a été très mouvementée en Europe et aux Etats-Unis, si bien que les marchés émergents souffrent de sorties de capitaux. C’est un grand classique. Notre métier consiste à regarder au-delà de ce phénomène et à tirer profit des opportunités créées par ces effets secondaires.

– Pour préserver son capital, est-il préférable d’investir sur les ex-placements sans risque, les obligations souveraines AAA, ou les titres des pays émergents?

– En tant qu’investisseur européen, les actifs sans risque sont de plus en plus rares. Si nos ambitions dépassent la conservation de notre argent sous notre matelas, nous proposons un portefeuille contenant des actifs permettant de couvrir les principaux risques.

Quels sont ces risques?

Le risque principal est une détérioration de la dette souveraine des pays périphériques européens. Un second est celui d’une récession en Europe en 2012. Un troisième risque est l’exposition au secteur bancaire, lequel est soumis aux risques conjoncturels et au crédit en Europe. Un quatrième risque doit être intégré, celui de la baisse de la monnaie.

L’épargnant européen doit couvrir ces 4 risques. Le premier risque est couvert en investissant dans d’autres actifs que la dette souveraine. La gestion globale de Carmignac ne détient aucune dette souveraine européenne en dehors de la dette allemande. De même, elle ne détient aucune action de banque européenne. Ensuite, pour se couvrir contre le risque de ralentissement économique en Europe, notre choix s’est porté sur les actions de sociétés les moins exposées au risque européen et le plus exposées aux régions de croissance, dans les pays émergents, ou des actions d’entreprises de ces pays-là, en Asie ou en Amérique latine. Cela permet une très forte diversification.

PLUS DOPCVM DE HEDGE FUNDS ET DENTRETIENS EN SUIVANT :

– Comment se couvrir contre le risque de l’euro?

– Avec un portefeuille diversifié géographiquement, automatiquement vous vous retrouvez avec des placements dans d’autres monnaies que l’euro. A l’horizon d’un an, l’investisseur sera protégé vis-à-vis des risques de la zone euro et il pourra espérer une performance positive si ses actifs internationaux se comportent bien et, qu’en plus, les monnaies dans lesquelles ils sont libellés (yens, dollars) s’apprécient.

Même les titres européens plus dépendants des pays émergents, comme le luxe, ont été fortement sous pression cet été. Quand faut-il procéder à des achats de titres prometteurs?

– La corrélation au sein des actions européennes est si forte qu’il n’y a pas de défense parfaite aux fortes baisses à court terme. Mais il est clair que les exportateurs appuyés sur des marques fortes sont aujourd’hui très attrayantes pour le moyen terme. Dans l’immédiat, il est utile de couvrir les risques de marché par la vente de contrats à terme sur indice et la réduction du taux d’exposition. Aujourd’hui, chez nous, cette dernière est très faible. Mais nous ne souhaitons pas nous contenter de cela. Il faut garder une construction de portefeuille qui saura générer de la performance quand le moment sera venu de lever les couvertures.

Quels sont les fonds les plus demandés en ce moment?

– Ce sont ceux qui correspondent le mieux à ce positionnement. Il est évident que les fonds spécialisés comme les matières premières ne sont pas les plus recherchés. Mais un fonds diversifié comme Carmignac Patrimoine a présenté une performance positive en août. Il était très protégé contre la baisse du marché. Ce type de fonds reste très demandé. D’ailleurs, en 2008, il n’avait pas perdu d’argent et il a très bien su participer à la hausse en 2009.

– Comment se comporte votre fonds émergent?

– Nos fonds émergents surperforment largement leurs indices de référence, même s’ils n’ont pu éviter entièrement, en tant que fonds actions, la baisse des marchés depuis le début de l’année. Ils recèlent clairement un fort potentiel à moyen terme. Afin d’offrir aux clients un accès au potentiel des pays émergents tout en en maîtrisant davantage la volatilité, nous avons créé un fonds, en avril, qui fonctionne sur le même modèle que Carmignac Patrimoine mais sur l’univers émergent: Carmignac Emerging Patrimoine. Il est diversifié en actions, obligations et devises. Et il peut utiliser les Futures sur indices pour faire varier son degré d’exposition. Le comportement des marchés des derniers mois nous a permis de vérifier sa capacité à résister aux phases de fortes tensions. Il a très peu baissé. Dès que les choses iront mieux, il générera de la performance positive.

N’est-il pas préférable d’acheter un fonds spécifique aux seuls pays disposant de bonnes perspectives plutôt qu’un généraliste?

– Il me semble plus avisé d’investir dans un fonds diversifié. Les émergents ne forment pas une zone homogène. Même entre deux pays d’Asie, les écarts sont significatifs. La sélection d’un pays supprime les avantages de la diversification entre des pays peu corrélés. J’irais plus loin: le type Emerging Patrimoine ajoute une diversification par classe d’actifs. C’est une façon efficace d’aborder les émergents en limitant la volatilité.

– Dans une période où les décisions économiques rationnelles peuvent être réduites à néant sur une simple déclaration d’un homme politique, n’est-il pas préférable d’avoir une gestion passive?

– Au contraire. Si vous prenez des ETF, vous supportez la totalité du risque de marché. L’intérêt de la gestion active est de gérer votre risque de marché pour le réduire. Carmignac Patrimoine est en baisse d’environ 2% depuis le début de l’année. Essayez d’y arriver avec des ETF. La solution passe par l’optimisation du couple risque/rendement en utilisant les leviers des devises, des obligations et des actions. Avec ces leviers, vous pouvez acheter une action à fort potentiel libellée dans une monnaie faible et protéger la devise pour conserver la performance. Effectivement, beaucoup de mouvements financiers sont motivés par des décisions politiques. Si vous naviguez avec une gestion passive, vous ne dormez pas beaucoup la nuit et vous êtes emporté dans les profondeurs des indices. Carmignac Patrimoine peut encore finir l’année 2011 en hausse et il gagne en moyenne 9% par an depuis 20 ans! Une gestion active bien faite me paraît préférable à la gestion passive.

– Sur les marchés émergents, quand surviendra le changement de tendance?

– La baisse des taux d’intérêt va beaucoup aider. Mais il faut surtout que les mouvements de ces marchés ne soient plus motivés par la peur. A très court terme, en raison du risque systémique dans la zone euro, la classe d’actifs émergente va rester volatile. La sortie du risque systémique permettra de revenir à une approche économique. Comme on ne pourra pas éviter un fort ralentissement économique et une compression des marges dans les pays industrialisés, les capitaux iront rationnellement s’investir dans les émergents.

– Ne faut-il pas préférer un fonds émergent géré par des experts dans les différents pays émergents à un fonds géré depuis Paris?

– Notre modèle consiste à ne pas avoir 30’00 personnes réparties dans le monde, mais des gérants capables de se réunir chaque matin autour d’une table, à Paris. Chaque gérant profite alors de la contribution des autres gérants. C’est absolument essentiel. Dans un fonds émergent, vous allez trouver un producteur de cuivre, mais c’est peut-être le gérant en matières premières qui l’a découvert. De même, le gérant obligataire et le gérant en actions travaillent côte à côte. Sur chaque entreprise, ils peuvent comparer l’action et l’obligation. Supposons un resserrement de la réglementation bancaire en Corée, vous pourrez en déduire qu’il s’agit d’une mauvaise nouvelle pour les actions bancaires coréennes. En revanche, c’est peut-être une bonne nouvelle pour les obligations.

En plus, lorsque vous vous demandez s’il faut plus d’actions, d’obligations ou de couverture, la présence des gérants de chaque classe d’actif et de l’allocation globale permet seule une vraie gestion active. Si vous avez à l’inverse un expert à Hong­kong, un autre au Brésil et l’allocation à New York, ils auront de la peine à coordonner leurs réactions.

– Quelle est la stabilité de cette équipe de gestion?

– Effectivement, cette question est importante de même que de définir sa taille optimale. Nos gérants ont une forte expérience commune et constituent une équipe suffisamment resserrée pour pouvoir se réunir autour d’une table tous les matins, à 10 heures. C’est une des clés du succès. Nous avons recruté ces dernières années des gérants extérieurs qui ont découvert tout ce qu’apporte un vrai «Investment committee» à leur gestion.

– En 2012, quelle classe d’actifs devrait ressortir gagnante?

– La typologie de fonds qui nous semble la plus pertinente pour l’an prochain est à la fois très diversifiée et effectivement très fortement positionnée sur les émergents. Nous aurons une période assez rare où les actions pourront profiter d’une croissance économique bien meilleure qu’en Europe et les obligations d’une baisse de l’inflation, avec en parallèle des monnaies probablement plus fortes que l’euro. Nous avons créé ce fonds Carmignac Emerging Patrimoine, parce que les perspectives à trois ans nous paraissaient favorables. Peu d’investisseurs regardent les émergents de cette façon.

– Est-ce qu’il est préférable d’investir aujourd’hui dans les actions européennes fortement exposées aux émergents ou directement dans des sociétés locales émergentes?

Il faut distinguer, selon les cas. Si vous achetez une société européenne parce qu’elle est fortement exposée aux émergents, cela peut être une bonne idée, mais il faut considérer le vrai levier des émergents. Beaucoup d’entreprises ont une part de leur chiffre d’affaires importante sur les émergents, mais une plus petite partie des bénéfices, parce que pour prendre des affaires dans ces régions, elles ont accepté des marges inférieures. Pour ces entreprises, l’activité dans les émergents est peu rentable. Un secteur qui est au contraire bien positionné est celui du luxe, qui profite de marges parfois plus élevées dans les émergents qu’en Europe, à l’image de Richemont et Hermès.

On parle toujours du luxe actuellement. N’y a-t-il pas d’autres secteurs attractifs?

Toute entreprise à marque forte qui saura éviter les compressions sur les marges. Vous l’avez aussi dans l’automobile. Comparer les comptes de Peugeot et Fiat à BMW et vous verrez que la croissance du résultat dans les émergents est très différente.

Propos recueillis par Emmanuel Garessus/le temps

EN COMPLEMENT : Emergents : L’avenir appartient aux fonds d’allocation d’actifs

Gavin Ralston, responsable du développement des produits de la banque Schroders, déclare que son établissement investit de plus en plus dans les équipes de gestion «multi assets» et dans l’expertise en dérivés afin de répondre au défi représenté par les ETF

Le Temps: Quelles ont été les grandes tendances de votre ­industrie en 2011?

Gavin Ralston: Au plan du secteur, la première tendance a été la fuite vers la sécurité. Vous pouvez l’observer dans l’attrait évident des fonds obligataires. Dans les actions, les deux régions les plus recherchées ont été les Etats-Unis et les pays émergents. Elles sont perçues comme plus sûres que l’Europe.

– Les investisseurs, surtout le grand public, n’aiment plus les produits bancaires, en raison de leur mauvaise performance. Quelle est votre réponse à ce défi?

– Nous profitons de cette aversion pour les banques puisque nous ne sommes pas une banque. L’un des grands défis des investisseurs est d’avoir des possibilités de choix presque excessives. La sélection en est rendue plus ardue. Les psychologues vous expliqueront que face à un trop grand nombre de choix possibles, l’individu préfère ne pas choisir. C’est ce qui explique la tendance à l’acquisition de solutions plus complètes telles que les fonds d’allocation d’actifs.

Depuis deux ans, notre stratégie a consisté à lancer davantage de fonds appelés «outcome», où le produit est défini par son résultat final et non par l’évolution d’un marché financier.

– Est-ce la fin du fonds de placement traditionnel, basé sur la stratégie «long only» (acheter et conserver)?

– Non, ce n’est pas la fin des fonds «long only». Ils répondent toujours aux besoins de très nombreux gérants. Ces derniers apprécient les fonds traditionnels parce que les gérants peuvent modifier les allocations et passer rapidement d’une catégorie à l’autre.

Le grand défi des fonds «long only», c’est la concurrence avec les ETF. Beaucoup d’investisseurs gagnent une exposition directe à un actif ou une région à l’aide des ETF plutôt qu’avec des fonds actifs.

Nous avons également répondu aux nouveaux besoins de gestion du risque et aux ETF avec des fonds sur les ressources naturelles. Nous permettons à l’investisseur d’avoir une gestion de l’exposition en vertu d’un «overlay». Nous l’avons fait avec un fonds centré sur l’Asie en 2007, qui a attiré 1,4 milliard de dollars, un fonds sur les marchés émergents et nous nous apprêtons à lancer un fonds sur les actions européennes selon le même principe.

– Quelle est la performance de ces fonds?

– La performance est bien meilleure que celle des indices de référence et la volatilité est moindre. Elle est égale aux deux tiers de celle de l’indice.

Comment est-ce que vous gérez vos ressources et vos compétences dans le groupe si vous investissez davantage dans de nouvelles pistes, comme les fonds d’allocation d’actifs, au détriment d’autres fonds?

Oui, nous investissons beaucoup dans notre équipe «multi assets», récemment passée à 70 spécialistes, et nous investissons dans l’expertise en produits dérivés. C’est une façon appropriée de gestion de l’exposition aux différents actifs ou de protection contre une exposition non désirée.

Est-ce que cela crée un problème de transparence ou de coûts si le fonds devient une combinaison entre une exposition et un produit structuré?

– J’ai parlé à dessein de produits dérivés et non de produits structurés. Ces derniers tendent à être chers, alors que notre objectif est transparent. L’emploi de dérivés est meilleur marché en termes de coûts de transactions pour gérer l’exposition que de modifier les sous-jacents. Il est meilleur marché de gérer l’exposition avec des futures. Le résultat répond à un besoin puisque ces secteurs appartiennent à ceux qui marchent le plus fort actuellement.

– Quelle est votre opinion sur les fonds liés au cycle de vie de l’investisseur dans une perspective de prévoyance?

– Je suis sceptique à leur égard. Ils ont rencontré un franc succès aux Etats-Unis, moins en Europe. Ces produits supposent de réduire le risque à l’approche de la retraite.

L’expérience récente montre au contraire que les individus veulent prendre plus de risques en avançant dans la cinquantaine. Ils dépensent moins pour leurs enfants, leur formation et leur maison. L’industrie des fonds doit donc revoir sa copie.

– Est-ce que l’investisseur répond à l’offre de fonds sur les megatrends, comme la démographie ou le changement climatique?

– Nous avons lancé des fonds sur les megatrends comme la démographie, le changement climatique et les ressources naturelles. Les ventes ont été un peu décevantes. La perception du changement climatique évolue sensiblement. La stratégie qui cherche à profiter de l’évolution démographique est plus récente. Elle est apparue il y a un an environ. Ces solutions sont pénalisées par la morosité des marchés d’actions. Mais le moment viendra où ces produits thématiques auront leur place dans les portefeuilles.

– Quels sont vos objectifs stratégiques dans le développement de produits en 2012?

– Nous allons poursuivre la même stratégie qui privilégie de nouveaux fonds «outcome» et «multi assets». Nous élargirons notre offre de fonds actions et obligations en les rendant plus flexibles à l’aide de fonds «outcome», «multi assets», ou «total return». Nous n’entreprenons pas un changement radical de l’offre.

Est-ce que l’affaiblissement de la conjoncture affecte votre stratégie, en supposant que nous entrions dans une longue phase de stagnation?

– Il n’a pas changé notre stratégie de produits. N’oublions pas qu’il faut compter 3 à 4 ans pour qu’un nouveau produit atteigne vraiment ses objectifs de vente. Il y a bien sûr des exceptions avec des fonds qui rencontrent immédiatement un grand succès. En principe, un produit a besoin de faire la preuve de sa capacité à offrir le rendement voulu. Il faut bâtir sa crédibilité, sa notoriété, sa marque.

Avec le très bas niveau des taux d’intérêt, les caisses de pension peinent à obtenir les 4 ou 5% de rendement nécessaires pour maintenir le taux de couverture. Quelle est votre solution?

– Je mentionnerai d’abord que la caisse de pension de Schroders en Suisse a obtenu le prix de la meilleure caisse de pension du pays.

En termes de produits pour ces investisseurs, il faut distinguer la primauté des contributions et la primauté des prestations. La tendance majeure dans le secteur à primauté des prestations est d’investir dans les fonds adaptés aux engagements (liability driven). L’idée consiste à limiter la volatilité des déficits par rapport aux engagements. C’est en vogue au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. En ce qui concerne la primauté des contributions, l’attention se porte sur les fonds à faible volatilité et les fonds «multi assets». L’intérêt est d’offrir un cash-flow stable. La gamme de fonds est large. Elle va des fonds «croissance», pour l’aspect le plus risqué, «dynamic équilibré», aux fonds à revenu fixe.

Vous êtes un grand groupe international. Est-ce que vous observez de grandes différences entre les pays dans le comportement de l’investisseur?

– La grande différence se situe moins dans le comportement de l’investisseur que dans la stratégie de distribution. Nous avons des relations très étroites avec l’investisseur grand public au Royaume-Uni et en Italie. Nous parlons directement au client final. A l’inverse, en Suisse par exemple, la stratégie passe par des intermédiaires. Le client suisse achètera en général des composants qui s’intègrent dans son portefeuille global alors qu’en Italie l’investisseur est plus sensible à des fonds «outcome» ou «multi assets».

La crise de la zone euro est aussi une crise bancaire. Quelle est la réaction de l’investisseur en fonds de placement à la vulnérabilité des banques?

– La sensibilité de l’investisseur à cette question est surtout apparue après 2008. Schroders profite de cette recherche de sécurité en raison d’un bilan très solide et d’un bénéfice élevé, même en 2008. L’investisseur se sent logiquement plus confortable avec des fonds d’une banque solide.

– Depuis 2008, les réglementations se sont accumulées. Lesquelles constituent les plus grands défis pour vous?

– L’un des plus grands défis vient de FATCA. La loi américaine exige de chaque fonds de savoir s’il est détenu par des investisseurs américains. Nous ne vendons pas nos fonds aux clients américains, mais c’est un exercice logistique très compliqué de les identifier. Au Royaume-Uni, une revue est en cours sur les procédures de distribution, qui se penche sur la question des rétrocessions. Elle entrera en vigueur au début janvier 2013. Nous analysons aussi les ­conséquences possibles de MiFiD II sur le problème des rétrocessions. Et d’innombrables autres thèmes concernent par exemple les règles sur les UCITS. Le débat porte sur la définition des fonds complexes. S’ils ne le sont pas, il n’est pas nécessaire d’offrir un conseil au point de vente.

Beaucoup de banques occidentales investissent en Asie. Est-ce que les règles concernant les fonds sont différentes?

– Les règles ne sont pas les mêmes. En Asie, particulièrement à Hongkong et Taïwan, nous vendons des fonds luxembourgeois, mais dans certains autres pays ce n’est pas possible, notamment pour des raisons fiscales (Corée du Sud). Les régulateurs asiatiques sont devenus beaucoup plus envahissants ces 3 dernières années, surtout à Hongkong, qui commence à interdire les fonds UCITS parce qu’ils autorisent l’emploi de produits dérivés. Nous devons donc être très flexibles à l’égard en Asie.

– Dans quels pays vendez-vous le plus vos fonds?

– Il s’agit du Royaume-Uni et de l’Italie, devant l’Allemagne et la Suisse. En Italie, nous sommes implantés depuis 1995 où nous avons profité de la possibilité de ne plus détenir que des fonds domestiques et de certains avantages fiscaux, et nous avons débuté en Suisse à la fin des années 1990.

– Comment est-ce que vous gérez le problème de la taille optimale d’un fonds de placement?

– La question centrale est celle des capacités du gérant à continuer à produire de l’alpha. Nous nous sommes approchés de cette limite avec le fonds en matières premières ainsi que sur les petites et moyennes capitalisations aux Etats-Unis.

Sur les émergents, est-il préférable de gérer les fonds depuis Londres ou sur place?

– Nous avons des analystes dans tous les pays, mais la construction des fonds et la stratégie sont définies ici à Londres. Le plus grand fonds émergent est un produit diversifié.

– Est-ce qu’après une certaine euphorie à l’égard des obligations émergentes place est faite à une plus grande retenue?

– Non, mais les écarts sont moins attractifs aujourd’hui. Les fondamentaux des émergents sont cependant plus forts en termes relatifs. Je pense aux ratios de dette et aux déficits publics. Nous gérons notre fonds obligataire différemment de la concurrence avec un objectif clair de ne pas perdre de l’argent au cours des 12 mois. C’est l’un des plus grands fonds de notre offre.

– La tendance au «risk budgeting» est largement répandue dans la gestion de fortune. Est-ce que cela influence votre gamme de produits?

– Il existe une forte segmentation dans le marché entre des fonds avec un faible risque et un faible «tracking error» et les autres. La raison vient de la demande pour les ETF.

– En raison de la difficulté à générer de l’alpha, est-ce que les courtages baissent en général dans l’industrie?

– Non, si j’analyse le marché européen dans son ensemble. Les sondages montrent qu’ils sont stables. Mais il existe une tendance en direction de commissions de performance. C’est une façon d’aligner les intérêts.

Combien de vos fonds présentent un rendement supérieur à l’indice de référence?

– A la fin septembre, le ratio est de 77% de nos fonds. L’objectif interne est de 65 à 70%.

 Propos recueillis par Emmanuel Garessus/Le temps dec11

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Les marchés promettent de nouvelles turbulences»

 Herwig van Hove, directeur exécutif de Notz, Stucki & Cie, responsable de la stratégie et du développement, est à la tête d’un institut réputé pour ses fonds de hedge funds. Il présente sa stratégie pour 2012, son scénario sur les marchés et sur l’avenir de la zone euro

Le Temps: Comment s’est déroulée l’année 2011 pour votre établissement?

Herwig van Hove: La performance des fonds a été difficile dans le secteur des hedge funds. Durant les turbulences des derniers mois, ces stratégies ont tout de même offert une bonne protection. Les gérants ont tiré les leçons de 2008 et n’ont pas autant de levier cette année. Même en novembre 2011, un mois très difficile, le rendement de nos fonds est resté stable et dépasse largement celui des fonds de placement. Les stratégies liées au crédit et à l’arbitrage se sont particulièrement bien comportées. Depuis le début de l’année et à la fin octobre, la performance de nos fonds se situe entre –2% et –6,5% dans la monnaie de référence, des chiffres à comparer à des chutes bien supérieures pour les principaux indices boursiers.

L’argent frais de Notz, Stucki & Cie vient du Nouveau Monde plutôt que d’Europe. Nous avions ouvert un bureau en Asie et un autre au Moyen-Orient. Nous constatons que la clientèle émergente commence à souscrire à notre modèle de gestion indépendante.

S’agissant du fonds souverain libyen, une rumeur court selon laquelle les nouvelles autorités libyennes, appréciant vos résultats de gestion, auraient renouvelé votre mandat. Est-ce exact?

Vous savez bien que, légalement, nous n’avons pas le droit de nous exprimer sur nos clients, réels ou supposés [ndlr: mais le sourire de Herwig van Hove est en lui-même une réponse…].

– Comment êtes-vous organisés dans les hedge funds?

– Nous avons récemment domicilié la plupart de nos fonds au Luxembourg. La majorité ont aujourd’hui une liquidité mensuelle ou hebdomadaire. Nos principaux produits comprennent l’un des plus anciens fonds de hedge funds sur le marché mondial (avec un rendement annuel de 15,5% depuis janvier 1974 et 8,7% depuis octobre 1991), ainsi qu’un fonds d’arbitrage connu, des fonds long/short sur chaque région et enfin un fonds de convertibles et crédit.

– Quelle sera votre stratégie en 2012?

– Nous favorisons tant les stratégies d’arbitrage que le crédit et nous avons augmenté notre pondération dans les stratégies «trend following» en réduisant un peu la part des «long/short equities».

J’observe que notre bureau de Singapour présente de plus en plus d’idées de placement dans les émergents, si bien qu’à l’avenir nous aurons davantage de titres asiatiques dans les portefeuilles.

Est-ce que vous restez négatifs sur les marchés?

Nous l’avons été toute l’année et nous le restons. Les problèmes sont devenus particulièrement aigus, fruits d’une évolution de 20 ans, influencée par les décisions politiques – l’Europe manque de leadership pour accroître la coopération interne. Les problèmes ne cessent donc de s’aggraver. Nous restons très inquiets sur les marchés. La question ne se limite plus à la Grèce mais s’étend à l’ensemble du projet d’euro.

Quelles sont vos convictions à ce propos?

– Comme il s’agit de convictions politiques, des surprises ne sont pas exclues. La France et l’Allemagne modifient leurs positions sans cesse. Il sera difficile de s’en sortir. Les conséquences d’une modification de la composition de la zone euro ne sont pas du tout comprises dans les cours. Elles ne sont maîtrisées ni par la classe politique ni par les banques et elles seraient énormes. Les grandes banques européennes ont des crédits dans tous les autres pays de la zone euro. La sortie d’un pays causerait de vastes problèmes de solvabilité. Chaque jour supplémentaire sans décision ferme aggrave le problème.

Après cette tempête parfaite, ce serait une opportunité d’achat unique pour notre génération. L’économie réelle est en bon état. Beaucoup de sociétés ont amélioré leur bilan et leurs structures depuis 2008. Toutefois, il est clair que l’économie européenne s’apprête à entrer en récession.

– Dans un scénario du pire, ne faudrait-il pas rester cash?

Il faut en effet disposer d’abondantes liquidités, mais c’est déjà le cas de la majorité des investisseurs. Même les hedge funds ont augmenté leur part de cash. A la mi-novembre, les indices étaient en baisse de plus de 10% alors que les hedge funds étaient stables en raison de leur positionnement prudent. Un portefeuille largement diversifié est la seule protection efficace contre les risques d’investissement et de contrepartie, une diversification doit porter sur les classes d’actifs, les devises et les banques dépositaires.

Nous avons connu une vague de turbulences dans les hedge funds en 2008. Est-ce qu’il faut craindre de nouvelles secousses?

– Non, nous pensons que les hedge funds sont mieux positionnés, les structures renforcées, le levier inférieur. Nos managers ont beaucoup appris des événements de 2008. Ils dégageront une meilleure performance.

Quel est le levier de vos fonds?

– L’exposition nette est inférieure à 30%. Ce n’est pas au plus bas historique, mais les liquidités sont supérieures à la moyenne.

Les monnaies sont sous pression. Faut-il privilégier les stratégies global macro?

– C’est effectivement une stratégie que nous favorisons. Dans un contexte de dévaluations compétitives et d’interventions des banques centrales, de la BNS à la Banque du Japon et à celle de Singapour, l’incertitude politique a fortement augmenté. Des traders appropriés peuvent présenter de bons rendements.

– Vous êtes en ce moment à Singapour. Quelle est votre opinion sur le risque chinois?

– Le ralentissement chinois doit être analysé en détail, mais notre scénario de base ne prévoit pas un atterrissage en catastrophe. La Chine domine la région et détermine son avenir, mais d’autres pays se portent très bien sans être aussi dépendant de la crise globale. Les taux de croissance de la région resteront supérieurs aux pays industrialisés. J’y vais régulièrement et j’y constate une main-d’œuvre très dynamique et un fort esprit entrepreneurial. La Chine a par ailleurs l’avantage de sortir d’une phase de resserrement des taux d’intérêt et dispose, contrairement aux banques centrales occidentales, d’une réelle marge de manœuvre.

Vous attendez un moment clé, une opportunité pour une génération. Faut-il l’attendre d’ici à la fin de l’année?

Je ne pense pas qu’il se produira à si court terme. L’année 2012 sera à nouveau tumultueuse. Mais le moment de vérité est impossible à prévoir. Il provoquera des dégâts considérables au secteur financier. Nous nous y préparons. Nous sommes attentifs aux fonds spécialisés dans l’investissement «distressed» en Europe. Nous ne sommes pas les seuls, à voir les fonds américains venir à Londres. Les banques européennes doivent encore se défaire d’actifs estimés à 1500 milliards d’euros.

Vous gérez activement le risque de contrepartie. A quelles banques européennes faites-vous confiance?

– Ce risque a été mieux géré par les hedge funds qu’en 2008. Ceux-ci sont plus flexibles et vont chercher des adresses plus sûres. Aujourd’hui les grands acteurs sont JP Morgan, Credit Suisse, Deutsche Bank, BNP Paribas et une filiale du Crédit Agricole. Un hedge fund peut travailler avec trois à quatre contreparties. Il est capable de modifier rapidement ses relations. Il suffit de deux jours actuellement pour aller d’une banque à l’autre.

Est-ce que la structure de la demande de hedge funds est en train de changer?

– La demande est davantage institutionnelle que privée. Et depuis quelque temps, la demande est plus forte dans les émergents, ce qui est encourageant. Jusqu’ici la culture était plus «brokerage», avec des achats/ventes plus rapides.

 Propos recueillispar Emmanuel Garessus/Le temps DEC11

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