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La France n’a toujours pas compris par Martin Feldstein

La France n’a toujours pas compris par Martin Feldstein

Le gouvernement français semble décidément ne pas avoir compris les implications réelles de l’euro, monnaie unique partagée par la France avec 16 autres pays de l’Union européenne. 

Martin Feldsein to appear at World Business Forum 2011

Les responsables français réagissent désormais à la perspective d’une dégradation de leur notation de crédit en s’en prenant à la Grande-Bretagne. Le dirigeant de la Banque centrale, Christian Noyer, a fait valoir que les agences de notation feraient bien de commencer par dégrader la note britannique. Le ministre des Finances, François Baroin, a récemment déclaré qu’il était « préférable d’être Français plutôt que Britannique en termes économiques. » Le Premier ministre français lui-même, François Fillon, a fait remarquer que la Grande-Bretagne présentait une dette plus élevée et des déficits plus conséquents que la France.

Ces dirigeants français ne semblent pas reconnaître l’importance du fait que la Grande-Bretagne se situe en dehors de la zone euro, et dispose ainsi de sa propre monnaie, ce qui signifie que le risque de défaut de la Grande-Bretagne sur sa propre dette est inexistant. Lorsque les intérêts et le principal sur la dette du gouvernement britannique seront exigibles, ce même gouvernement pourra toujours émettre davantage de devises afin de répondre à ces obligations. En revanche, le gouvernement français et la Banque de France de sont pas en mesure d’émettre d’euros.

Si les investisseurs refusent de financer le déficit budgétaire français – c’est-à-dire si la France ne parvient pas à emprunter pour financer ce déficit – la France se retrouvera nécessairement en défaut. C’est la raison pour laquelle le marché considère les obligations françaises comme plus risquées, et exige des taux d’intérêt plus élevés, même si le déficit budgétaire français représente 5,8% du PIB, contre 8,8% pour la Grande-Bretagne.

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La situation britannique est moins risquée que celle de la France pour une seconde raison. La Grande-Bretagne a la possibilité de réduire son déficit courant en affaiblissant la livre sterling par rapport au dollar et à l’euro ; ce qu’encore une fois la France n’est pas en mesure de faire avec sa propre monnaie. En effet, c’est précisément ce à quoi s’est livrée la Grande-Bretagne dans sa politique budgétaire : abaisser les taux de change livre sterling-euro et livre sterling-dollar vers des niveaux plus compétitifs.

Les déficits fiscaux de la zone euro et ses déficits courants constituent aujourd’hui le symptôme le plus flagrant de l’échec de l’euro. Mais la crise du crédit en Europe et la fragilité des banques de la zone euro sont sans doute plus graves encore. Les écarts de chômage persistant au sein de la zone euro sont encore le reflet de l’effet néfaste de la décision d’imposer une monnaie unique et une politique monétaire unique à un ensemble hétérogène de pays.

Le président Nicolas Sarkozy ainsi qu’un certain nombre d’hommes politiques français sont sans doute déçus que le récent sommet européen ait échoué dans la recherche d’une meilleure intégration des politiques de l’UE. Les responsables français Jean Monnet et Robert Schuman furent les artisans de l’union politique en Europe, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, destinée à constituer en quelque sorte les États-Unis d’Europe. La France a considéré la création de l’euro comme un symbole important en direction de cet objectif. Dans les années 1960, Jacques Delors, alors ministre français des Finances, avait encouragé la monnaie unique dans son rapport « One Market, One Money », qui impliquait l’idée que les accords européens de libre-échange ne pouvaient fonctionner sans le recours à une monnaie unique.

Pour les Français, la quête d’une union politique européenne est une manière de renforcer le rôle de l’Europe au sein du monde, et celui de la France au sein de l’Europe. Mais cet objectif paraît plus difficile à atteindre qu’il ne le semblait avant la crise européenne. En s’attaquant à la Grande-Bretagne dans le but d’élever les coûts d’emprunt britanniques, la France ne fait qu’engendrer davantage de conflit entre elle et la Grande-Bretagne, tout en alimentant les tensions au sein de l’Europe dans son ensemble.

Dans une perspective d’avenir, le remède à la crise financière européenne ne requiert nullement l’union politique ou l’engagement de l’Allemagne en faveur d’un soutien financier. La sortie de crise dépend des pays de la zone euro pris individuellement – notamment l’Italie, l’Espagne et la France – qui devront apporter des changements dans leurs dépenses et fiscalité domestiques afin de convaincre les investisseurs financiers mondiaux que les pays s’orientent vers des excédents budgétaires et vers une baisse des ratios de la dette par rapport au PIB.

La France ferait mieux de concentrer son attention sur les questions fiscales nationales et sur la situation désastreuse de ses banques commerciales, plutôt que de s’en prendre à la Grande-Bretagne ou d’en appeler à des changements politiques qui n’arriveront pas.

Martin Feldstein, ancien président du Conseil économique du président américain Ronald Reagan et ancien président du Bureau national pour la Recherche économique, est professeur d’économie à Harvard.

 Project Syndicate, dec 2011.

2 réponses »

  1. Cet article ne tient pas compte du fait que si la Grande Bretagne dévalue sa monnaie de 20% disons, ça équivaut à un défaut de 20% sur la dette.
    On a bien vu avec le cas de la Grêce. Si défaut il y a, ce défaut est en général partiel.
    Donc évidemment la somme en livres sterling sera la même mais bon être remboursé en monnaie de singe ou être remboursé seulement en partie c’est du pareil au même.
    Si un investisseur raisonnait comme l’auteur de cet article il serait vite ruiné.
    On dirait les collectivités locales françaises qui ont contracté des prêts en franc suisse et qui se retrouvent à rembourser des sommes importantes car le franc suisse a pris de la valeur…

  2. La question n’est pas de savoir si la GB va dévaluer mais si elle peut rembourser ses dettes! En l’état, elle ne le peut ni la France non plus… Dans notre cas, si l’Allemagne ne continue pas de payer pour notre pays, les carottes seront cuites, archi cuites – et elles le sont déjà à mon avis car les politiques ne sont pas prêts à se sacrifier pour mettre en place les mesures nécessaires au rétablissement de nos comptes!

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