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Dark Pools : Le côté le plus obscur de la finance

Dark Pools :  Le côté le plus obscur de la finance

Leur nom inspire la crainte, vous savez qu’elles existent, mais vous en entendez parler très peu: ce sont les Dark pools (littéralement «piscines obscures»), c’est à dire des plateformes extérieures aux circuits financiers réglementés. Leur apparition remonte à l’avènement de l’électronique dans la finance, il y a vingt ans, même si leur poids a augmenté énormément au cours des six dernières années. La revue britannique The Economist a estimé qu’en Europe 10% des actions échangées passent par les Dark pools, alors qu’en 2005 ce chiffre était de moins de 5%.

«Dark pool est un terme utilisé pour décrire des mécanismes de négociation qui se caractérisent par un manque de transparence», affirme Barbara Alemanni, professeur de finance à l’Université de Gênes et à la School of Management Bocconi de Milan. «Les deux principaux mécanismes sont les suivants: il y a d’une part des intermédiaires financiers qui répondent à des ordres de vente et d’achat qu’ils reçoivent, sans passer par un marché réglementé et qui fixent eux-mêmes un prix, d’autre part il y a les segments des marchés boursiers dans lequel les operateurs de Dark pools fournissent un filtre passif, avec lequel le prix des titres est déterminé ailleurs, en l’occurrence sur les marchés réglementés. Dans les deux cas, les négociations ne sont pas traçables et se réalisent dans un environnement totalement anonyme.»

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Bien sûr, dans le premier cas, il s’agit d’une activité qui a existé jusqu’en 2007 avant d’être interdite en Europe. Maintenant, elle est autorisée sous certaines conditions. Dans le second cas, cependant, on parle d’une sorte de plateformes indépendantes, fréquentées par les grands investisseurs institutionnels. Pourquoi un investisseur devrait-il être intéressé par ces plateformes? «D’abord il faut considérer l’anonymat», explique le professeur Alemanni. «Certaines personnes ont intérêt à ne pas faire connaître au marché ce qu’elles font». Mais ce n’est pas tout. «En réalité, le plus grand avantage est autre», explique le professeur. «En fait, en utilisant ces plateformes, les opérateurs minimisent le market impact, l’un des coûts de négociation implicites les plus importants pour les investisseurs institutionnels.»

En pratique, chaque fois qu’une personne exécute un ordre d’achat ou de vente avec un volume inhabituel, le prix décale. Cela n’arrive pas avec les Dark pools, plateformes non-transparentes où on ne sait pas qui opère et comment. «Le market impact est particulièrement important sur les échanges de titres illiquides, poursuit Alemanni. En fait les Dark pools sont utilisés principalement pour traiter les instruments avec une faible liquidité, comme les petites et moyennes capitalisations.»

Le problème principal de ces Dark pools est le manque de transparence sur le marché, ce qui signifie en pratique que l’information n’est pas disponible pour les opérateurs. Cela a pour conséquence qu’elles affectent la liquidité et donc les prix affichés sur les plateformes transparentes qui, par la force des choses, ne pouvant pas disposer de toutes les informations disponibles sur telle ou telle valeur, fournissent des prix ne correspondant pas toujours à la réalité des échanges.

Le terme Flash crash désigne un effondrement vertigineux, comme celui du 6 mai 2010 quand s’est produite une chute brutale de l’indice Dow Jones entre 14h42 et 15h07. «C’est exactement ce que les régulateurs veulent éviter», explique le professeur Alemanni. «Le problème est que les Dark pools peuvent augmenter la volatilité, en particulier lorsque derrière les activités de trading on ne trouve pas des investisseurs, mais un algorithme qui achète et vend automatiquement sous certaines conditions, également appelé high frequency trading».

Au fonds, c’est exactement ce qui s’est passé le 6 mai: les systèmes de négociation automatisés et les systèmes de gestion des risques ont passé une rafale de commandes les unes après les autres, et dans un court laps de temps ils ont fait s’écrouler le marché américain. «Les Dark pools peuvent augmenter ce risque, mais elles ne le génèrent pas par elles-mêmes», explique le professeur.

Les autorités européennes travaillent sur la révision de la législation MiFID, laquelle devrait également contenir des règles spécifiques aux Dark pools. On ne sait pas encore clairement quelles seront les nouvelles règles, mais il est certain que les autorités vont essayer d’éclairer les segments les plus sombres du marché.

«Sur les Dark pools, il y a un certain nombre d’investisseurs qui n’interviendraient pas dans de telles proportions sur un marche conventionnel», précise Barbara Alemanni. «Imposer des règles plus strictes uniquement sur les plateformes réduirait les prestations et augmenterait les coûts de négociation. Cela pourrait avoir un impact négatif sur la liquidité, réduisant ainsi considérablement le volume d’affaires. Il serait préférable d’imposer des règles plus strictes sur les contrôles et la gouvernance de ceux qui sont impliqués dans le recours aux Dark pools, en particulier sur l’utilisation d’algorithmes de négociation».

Valerio Baselli Rédacteur du site Morningstar Italie janv12

EN COMPLEMENT : Les défauts de la robotisation des marchés

« Avant 1986, les investisseurs qui souhaitaient obtenir le meilleur prix pour leurs ordres devaient simplement téléphoner à leur courtier, qui collectait l’information sur le parquet de la Bourse » souligne ce rapport.

« Aujourd’hui, personne n’a une visualisation directe du carnet d’ordres » ajoute-t-il.

En l’occurence, en Europe, en l’absence d’ »une base de données consolidées, comme aux Etats-Unis, cette recherche du meilleur prix est devenue la croix et la bannière pour les investisseurs.

Et je ne suis pas sûre que cette base de données consolidées suffise, au vu de l’extrême fragmentation des marchés américains.

En Europe, le gré à gré (soit les transactions opaques)  pèse environ 40% des volumes de transactions. A cela, il faut ajouter 36 dark pools, pesant 10% des volumes de transactions, et les plateformes de transactions alternatives qui se disputent le reste des volumes avec les Bourses réglementées.

Cette fragmentation est le résultat de l‘automatisation des marchés.

Le rapport de la Government Office for Science pointe aussi d’autres dangers.

—> L’automatisation peut détériorer la participation sur le marché

—>  Celle-ci a promu une innovation telle que chaque acteur a une vue limitée de l’ensemble du marché

—> L’automatisation a affaibli le mécanisme social de l’application des normes traditionnellement développées par les intermédiaires humains. Les normes sur le marché peuvent devenir plus faibles et leur application incertaine, favorisant la volatilité et l’opportunisme.

Bref, le contraire d’un marché transparent et régulé.

Les avantages, par contre,de l’automatisation des marchés reposent sur les coûts de transactions, qui ont diminué depuis dix ans. Les traders à haute fréquence argumentent aussi que celle-ci a conduit à une réduction des spreads.

Beaucoup, mauvais, à bon marché…

Jennifer Nille/ FAIR TRADE janv12

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