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Démographie : L’Asie a besoin de petits dragons

Démographie : L’Asie a besoin de petits dragons

 Avec l’année du Dragon qui débute , l’Asie s’attend à connaître un mini baby-boom en 2012. Mais les nouveau-nés auront beau cracher du feu et brandir les griffes, ils n’écarteront pas une menace qui plane sur la région: un vieillissement accéléré de la population.

L’année du Dragon promet courage et sagesse aux enfants nés sous ses auspices, selon des croyances ancestrales, ce qui incite beaucoup de couples à avoir un enfant. Un poupon né sous le signe du dragon, symbole des empereurs, devrait apporter le bonheur à toute sa famille, selon l’astrologie chinoise. Aussi, en Chine, on prévoit une hausse de 5% des accouchements cette année, disait l’agence de presse officielle Chine Nouvelle la semaine dernière. Le même phénomène est attendu à Hong Kong, Taïwan et Singapour.

Le problème, c’est que le satané dragon ne se pointe le museau que tous les 12 ans, ce qui n’aidera pas beaucoup à redresser un taux de natalité beaucoup trop faible.

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Chine

En Chine, le dernier recensement montre que 178 millions de personnes avaient plus de 60 ans en 2009. Or, ce chiffre atteindra 437 millions d’ici 2050, soit le tiers de la population, prévoit l’Organisation des Nations Unies (ONU) dans un récent rapport. Après avoir augmenté de 2,5% par an au cours des trois dernières décennies, le nombre de personnes en âge de travailler a presque cessé de croître. Il devrait même diminuer de 1% par an durant les années 2020, soutient le Center for Stategic and International Studies, un organisme de recherche basé à Washington. Au coeur de la force ouvrière, soit les 15 à 24 ans, il faudra composer d’ici 15 ans avec 62 millions travailleurs en moins, soit le tiers de cette main-d’oeuvre, selon des chiffres de l’ONU compilés par l’agence Bloomberg.

Faut-il le rappeler, le vieillissement en Chine est surtout le résultat de la politique de l’enfant unique. Instaurée en 1979, cette mesure était sans pitié dans les années 80 et 90 pour les «délinquantes»: ainsi une femme travaillant pour une société publique, qui mettait au monde un deuxième enfant, risquait même de perdre son salaire pendant des mois. Cette politique aurait empêché à ce jour la naissance de 400 millions de Chinois, a récemment reconnu le gouvernement.

Les Chinois ne sont pas les seuls avec ce problème. Taiwan, l’île «rebelle» que Pékin veut toujours ramener dans son giron, détient le triste record de la population qui vieillit la plus vite au monde.

Taïwan et Singapour

Avec un taux de natalité de seulement 0,9% par femme, Taiwan verra sa population passer de 23 millions, actuellement, à 19 millions en 2060, selon le Conseil du développement économique du pays.

Ce trou démographique affectera évidemment l’économie, dont la croissance annuelle moyenne de 5,1% enregistrée depuis 20 ans chutera à 3,5% durant la prochaine décennie, évalue la DBS Bank, de Singapour. «Taiwan va connaître la même chose que le Japon, dont la population diminue», affirme Tim Codon, économiste pour la Banque ING, dans une récente note financière.

Singapour ne fait guère mieux: avec un taux de natalité de 1,15 bébé par femme, la cité État est loin du taux de 2,1 requis pour renouveler sa population. De sorte que Singapour doit attirer un nombre croissant d’étrangers pour faire tourner ses usines, si bien que ceux-ci représentent le quart de la population aujourd’hui.

Les BRIC au ralenti

Le vieillissement constitue également une menace pour un autre fleuron du «BRIC», ce club sélect formé du Brésil, de la Russie, de l’Inde et de la Chine.

Au pays de Vladimir Poutine, la part de 65 ans et plus mesurée sur l’ensemble des Russes de 20 à 64 ans atteindra 45% en 2050, comparativement à 20% en 2000, estime l’OCDE dans un rapport publié en décembre.

Le déséquilibre démographique est tel qu’il freinera l’élan économique du BRIC dans l’avenir, prédit Jim O’Neill, ce célèbre économiste de Goldman Sachs qui a accouché de cet acronyme il y a 10 ans. Selon lui, le vieillissement contribuera à réduire du tiers la croissance des comètes du BRIC, à environ 5,2% annuellement, durant la prochaine décennie

Dans un récent commentaire, M. O’Neill juge désormais que d’autres pays – dont l’Indonésie, la Turquie, l’Égypte et le Mexique qui ont une population jeune et éduquée – connaîtront une croissance économique supérieure durant la prochaine décennie. À moins que le dragon vienne faire son tour plus souvent en Asie…

«L’argent ne rachète pas la jeunesse», dit un proverbe chinois…

Richard Dupaul/La Presse janv12

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