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Les Clefs pour comprendre : Hollande, Juppé : le beurre et l’argent du beurre par Bruno Bertez

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Les Clefs pour comprendre :  Hollande, Juppé : le beurre et l’argent du beurre par Bruno Bertez 

Nous avons assisté jeudi soir au débat qui opposait- est-ce le bon mot?- ou réunissait, François Hollande et Alain Juppé. Incontestablement, Juppé est meilleur débatteur, plus structuré, plus de confiance et d’assise. 

Mais Hollande est en rodage, étriqué et sur la défensive, peut-être qu’il se débridera et parviendra à extérioriser son potentiel avec la répétition de l’exercice. A notre avis, s’il a accepté une confrontation avec Juppé, malgré le rang inférieur de Juppé, c’est dans une optique d’entraînement. Et entraînement, il en a grand besoin. Comme il l’a dit lui-même,  il est pudique, c’est à dire timide, et pour se protéger il a besoin d’une carapace, c’est un handicap colossal pour des débats au plus haut niveau . 

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La situation de Sarkozy n’est pas bonne, il paie à la fois le prix de son positionnement initial inopportun, le prix de ses erreurs personnelles et le prix des erreurs de ses communicants.

Le positionnement initial était un choix de libérer la France de ses blocages, de sa culture de partageux, de son penchant pour le moindre effort. Ce que, gentiment, on appelle la spécificité française ou le modèle français. Chirac n’y avait pas touché, car il est radical socialiste; Sarkozy, sous l’influence des chefs d’entreprise amis, croyaient que l’on pouvait sortir de tout cela et redynamiser le pays. Restaurer la compétition sociale, sortir de l’assistanat généralisé et de la victimisation, Sarkozy et ses amis n’ayant pas vu venir la crise, ils sont montés au créneau sur ces thèmes alors que se profilait à l’horizon la grande peste, la grande calamité. Calamité qui allait bouleverser la donne économique, financière et donc sociale. La demande sociale et politique, du jour au lendemain, a basculé vers la frilosité, la peur, donc la demande de protection. Sarkozy et ses amis ne l’ont pas compris assez vite, ils ont poursuivi leur marche vers l’aventure, déstabilisé, effrayé, choqué un pays qui ne demandait qu’une chose, être rassuré et infantilisé. Contrepied terrible qui consiste à exhiber une offre politique et sociale symétriquement, diamétralement opposée à la demande des citoyens électeurs.

Le prix des erreurs personnelles est évident. Il y avait une façon de manier la provocation dans le bling, une manière de forcer à la déculpabilisation de l’argent, une manière de se mettre en avant de dire « moi Je » qui ne pouvait que se retourner contre lui. C’est certainement une erreur personnelle de n’avoir pas changé de Premier ministre; il aurait pu marquer qu’il avait compris que les conditions avaient changé, qu’il allait écouter la demande sociale et politique des Français. En changeant de Premier ministre, c’était un signe fort, qui, les Français ayant la mémoire courte, aurait permis d’oublier la première partie du quinquennat. Mais les erreurs personnelles sont les plus redoutables, elles sont liées à la personnalité profonde et sont souvent inséparables des qualités que l’on a par ailleurs: l’homme est un tout.

Le prix des erreurs de communicants est élevé, très élevé. Il fallait réintroduire l’usage des fusibles, cesser de se mettre en avant. Il fallait expliquer le changement de situation du pays et ainsi justifier son changement de priorité. Il fallait tenir compte du fait que les commentaires négatifs de l’étranger allaient être réimportés en France et donc soigner son comportement dans les sommets, rencontres etc. Ces erreurs ont été graves car les Français, moqués par la presse étrangère, et singulièrement anglaise et allemande, en ont été humiliés par identification. Au lieu d’avoir un grand homme dans lequel ils pouvaient se reconnaitre, ils ont eu un homme qui voulait jouer au grand. Les Britanniques ont excellé dans l’implantation de cette image terrible. Terrible et fausse, car Sarkozy a remarquablement, dans les limites du poids de la France, défendu les intérêts français. Si la BCE sauve la mise en ce moment, c’est en grande partie à Sarkozy qu’on le doit.

Le programme de Hollande est une compilation électorale qui cherche en surface à se donner l’apparence de la cohérence. On peut regretter l’absence de culture économique et de vision des animateurs de débats, mais c’est la loi du genre. On donne la priorité à la forme et on passe à coté du fond. Les débatteurs n’ont en réalité qu’un objectif, ne pas se rater, paraître à la hauteur, et, si possible, à leur avantage.

Ils sont passés à coté du sujet.

Le sujet, c’est la crise, pour parler selon le langage convenu, même si nous préférons dire que le sujet ,c’est le constat que l’on a touché les limites des pratiques économiques, financières et sociales des 30 dernières années.

Source Der Spiegel 

Les grands pays et singulièrement l’Europe, et encore plus singulièrement la France, ont succombé au désir d’avoir un welfare state, d’avoir de plus en plus de protection, de faire de plus en plus de répartition sans oser la taxation correspondante. Ils ont voulu l’impossible et, à la faveur de la dérive laxiste du système monétaire et financier, ils ont remplacé la taxation par la dette, l’endettement . Non pas le bon endettement, celui que l’on reporte dans le temps sur les générations futures, mais le mauvais endettement, celui que l’on n’a pas l’intention de rembourser et que l’on entend accroître à perpétuité.

Le programme de Hollande n’esquive pas la problématique, même s’il la dissimule.

Soit on arrête le tonneau des Danaïdes du welfare state, soit on monte fortement, très fortement, les impôts. Voilà la problématique.

Que répond Hollande à la question qu’il n’ose pas poser ?

Il répond, je ne veux pas choisir, je vais prendre quelques mesures à la marge sur les dépenses et les recettes, mais je vais laisser subsister le système en place et me contenter de ne décevoir personne.

La France va continuer à vivre dans le système du beurre et de l’argent du beurre généralisé.

+

Mais d’où viendra l’argent du beurre, si on consomme déjà tout le beurre?

Il viendra:

1 – des Allemands, je vais exiger cela à la faveur de ma légitimité de nouveau Président

2 – de la BCE, je veux que la Banque Centrale achète les obligations des pays souverains et finance mes excédents de dépense par la planche à billets.

L’argent du beurre, ce sera pour partie l’argent des Allemands, pour partie de la fausse monnaie.

 

BRUNO BERTEZ Le 27 Janvier 2012

EN LIEN : Les Clefs pour Comprendre : François Hollande : Qui veut faire l’ange fait la bête Par Bruno Bertez

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