Au coeur de la création de richesse : l'Entreprise

Zone Euro : Des prêteurs qui ne prêtent pas

Le tassement de la croissance monétaire au sens large (M3 en hausse de 1.6% en glissement annuel en décembre) et des crédits octroyés au secteur privé (1% de progression sur douze mois) traduit la prudence des banques qui cherchent prioritairement à renforcer leurs bilans dans la perspective de Bâle III. Les prêts généreusement accordés par la BCE ne sont pas transmis aux ménages ou aux entreprises. Les montants extravagants placés quotidiennement auprès de la banque centrale (près de 500 milliards!) sont symptomatiques d’une grande méfiance mutuelle parmi les banques commerciales.

 Pour un entrepreneur, l’enfer doit ressembler à ceci: un grand immeuble de marbre où des centaines de banquiers, assis sur une grosse pile d’argent, vous accueillent avec le sourire… en refusant de vous prêter le moindre sou. Jour après jour. En Europe, des milliers de chefs d’entreprises, petites et grandes, vivent ce cauchemar infernal ces temps-ci.

Les chiffres officiels, tombés vendredi, sont éloquents : la croissance des prêts au secteur privé a chuté en décembre de moitié (à 1% sur une base annuelle) par rapport à la moyenne de l’été dernier. Bref, le crédit est en panne.

PLUS/MOINS  DE CREDIT EN SUIVANT :

Pourtant, les banques regorgent de liquidités: la Banque centrale européenne (BCE) les a inondées en décembre de 489 milliards d’euros , prêtés à un taux dérisoire de 1%, afin de relancer le crédit et l’économie. Rien n’y fait, les banquiers distribuent l’argent au compte-gouttes.

Or, si elles continuent ainsi, les banques provoqueront une vague de faillites en 2012, prévient Standard&Poor’s dans une nouvelle note financière.

Le taux de faillite des entreprises européennes, actuellement de 4,8%, pourrait bondir à 8,4% cette année, les caisses des sociétés se vidant à vue d’oeil face à la récession. On parle de milliers de faillites possibles.

Et c’est mal parti. Petroplus, le plus grand raffineur indépendant d’Europe, vient de déposer son bilan après le refus des banques de renouveler une ligne de crédit. On en est rendu là: même une société pétrolière ne peut obtenir un prêt ces jours-ci sur le Vieux Continent.

Peur et opportunisme

Que font les banques européennes avec leur argent? Deux choses essentiellement.

D’une part, depuis l’aggravation des tensions en zone euro l’été dernier, une partie de ces liquidités est redéposée temporairement à la BCE. Ces dépôts ont culminé la semaine dernière à 528 milliards d’euros, un énième record.

En temps normal, les banques ne font jamais ce genre de transaction nettement moins payante – avec un rendement de 0,25% – que les prêts interbancaires ou commerciaux. Or, c’est «la méfiance des banques entre elles» qui les incite à se réfugier à la BCE, dit la Banque HSBC dans une étude.

D’autre part, les banques ont trouvé mieux que les prêts: elles réinvestissent de plus en plus l’argent de la BCE dans des obligations gouvernementales, qui leur rapportent 2,5 à 3% de plus.

L’Italie, l’un des «cancres» financiers de l’Europe, a vite trouvé preneur jeudi pour une émission obligataire de 5 milliards d’euros à un taux de 3,76% (deux ans). Cela se compare à un taux de 6% que Rome payait en novembre. Même chose pour l’Espagne, dont les obligations se vendent soudainement comme des petits pains chauds devant la forte demande des investisseurs.

Qui achète? Des fonds privés, certes. Mais aussi des banques européennes, indiquent des négociateurs cités par l’agence Bloomberg.

Et pourquoi pas ? Les banquiers savent que la BCE et le FMI (Fonds monétaire international) vont soutenir l’Italie et l’Espagne durant cette crise. L’opération est donc simple, sans risque et profitable. Pourquoi prêter à des entreprises qui, elles, peuvent fermer les portes du jour au lendemain en pleine crise?

«Le délai de transmission (…) du financement des banques à une augmentation du crédit au secteur non financier, c’est trois trimestres», estime Gilles Moëc, économiste de la Deutsche Bank. Neuf longs mois. Minimum.

La Réserve fédérale, faut-il le rappeler, a fait essentiellement la même chose en 2008, après la faillite de Lehman Brothers, en finançant à coups de milliards les banques américaines qui ont mis du temps, elles aussi, à prêter au secteur privé.

Les entrepreneurs et les millions de chômeurs, qui attendent une reprise économique en Europe, devront donc s’armer de patience. On ne quitte pas l’enfer de sitôt.

Richard Dupaul/La Presse Janv12

///////////////////////////////////////////

Les conditions de crédit restent très tendues

Sondage BCE. Plus d’un tiers des banques ont reconnu avoir resserré au quatrième trimestre leur politique de prêt pour les entreprises du secteur non financier.

Les conditions du crédit bancaire se sont encore resserrées au quatrième trimestre 2011 en zone euro et vont continuer à le faire, malgré les prêts offerts en abondance aux banques par la Banque centrale européenne (BCE), a indiqué cette dernière mercredi.

Selon ce sondage trimestriel réalisé auprès d’un échantillon de 124 banques de la zone euro, 35% d’entre elles ont reconnu avoir resserré les conditions de l’allocation du crédit pour les entreprises du secteur non financier, contre 16% lors du précédent sondage au troisième trimestre.

Concernant les prêts immobiliers pour les ménages, 29% des instituts sondés ont déclaré avoir durci les conditions de leur allocation, contre 18% au troisième trimestre.

Les banques ont resserré dans une moindre mesure les conditions du crédit à la consommation (13% au quatrième trimestre, contre 10% précédemment).

Pour le premier trimestre 2012, «les banques de la zone euro s’attendent à un nouveau resserrement des conditions du crédit, mais à un rythme moins soutenu qu’au quatrième trimestre 2011», note l’étude de la BCE.

Les instituts de crédit ont justifié leur réticence à prêter par «l’assombrissement de la conjoncture économique et la crise de la dette en zone euro, qui a continué à miner la position financière du secteur bancaire» et «la vigilance accrue des marchés sur les risques d’insolvabilité des banques au quatrième trimestre a probablement exacerbé leurs difficultés à lever des fonds», ajoute l’étude.

Le resserrement du crédit bancaire a été un phénomène «largement partagé en zone euro, à l’exception notable de l’Allemagne», souligne encore la BCE.

Les banques restent donc réticentes à ouvrir le robinet du crédit, et ce malgré les montants de liquidités sans précédent qui leur sont prêtés par la BCE.

L’institution de Francfort (ouest) a en particulier accordé aux banques un prêt historique de près de 500 milliards d’euros sur trois ans fin décembre. Elle doit en accorder un autre fin février et la demande des banques pourrait doubler, selon la presse.

Le président de la BCE Mario Draghi n’a de cesse de défendre cette politique très généreuse, même si elle ne se traduit pas pour l’instant par un accès plus facile au crédit des consommateurs et entreprises européennes.

Il a toutefois reconnu la semaine dernière qu’il était encore trop tôt pour savoir si cet «argent finance vraiment l’économie réelle».

2 réponses »

  1. Magnifique complément au Delamarche du jour, qui vient l’étayer et le confirmer!

    Mazette!!!

  2. Lundi 30 janvier 2012 :

    Coup de frein à la croissance des crédits aux entreprises.

    Selon les dernières statistiques de la Banque de France, la croissance des crédits aux entreprises a été divisée par deux en un mois, entre novembre et décembre dernier, à 1,6 %. Une décrue liée à la chute des crédits de trésorerie.

    http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/finance-marches/actu/0201867842720-coup-de-frein-a-la-croissance-des-credits-aux-entreprises-281563.php

Laisser un commentaire