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En Chine, la chute des prix de l’immobilier met à mal les finances locales

En Chine, la chute des prix de l’immobilier met à mal les finances locales

Dans les 300 principales villes de Chine, les prix des terrains ont baissé de 29% en un an : Shanghaï  ou Canton serrent leur budget.

La chute du marché immobilier chinois met à rude épreuve les gouvernements locaux dont les comptes sont abondés par le transfert de terrains publics aux promoteurs privés. A Hefei, capitale provinciale de 3,3 millions d’habitants, avec ses nouvelles barres de logement grisâtres qui ont poussé comme des champignons, il a ainsi fallu repousser au 10 février des enchères prévues le 6 janvier et qui avaient déjà été décalées une première fois. Des trois lots mis en vente vendredi 10 février, dans une salle aux trois quarts vide, l’un n’a pas trouvé preneur et un autre est parti au prix de réserve.

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Depuis avril 2010, le gouvernement central a imposé des restrictions à l’achat d’appartements, notamment sur la part de paiement comptant, afin d’endiguer la spéculation. Au même moment, la banque centrale a resserré ses crédits pour contenir l’inflation. Cette rigueur est en conflit avec l’exigence des provinces, municipalités et autres collectivités locales, de tenir la vitesse de croisière d’une économie assise en partie sur des investissements financés par la cession des terres.

Song Weidong, le chef des opérations de transfert du bureau des terrains d’Hefei, préfère invoquer pudiquement les perturbations du Nouvel An chinois pour expliquer ces ajournements. Il reconnaît que l’économie locale est affectée – « C’est la tendance générale » – depuis que le gouvernement central s’est décidé à dégonfler la bulle. Il assure que la croissance est toujours au rendez-vous grâce au slogan : « Stimuler notre ville par l’industrie ! » Puis il concède que les prix des terrains ont dégringolé de 30 % en un an.

Selon Chen Sheng, sous-directeur de China Index Academy, le nombre de ces opérations de « transfert » a chuté de moitié depuis janvier 2011 dans les 300 principales villes du pays. Les prix des terrains ont baissé de 29 % en un an, selon lui, un chiffre plus vertigineux que la baisse des prix des logements, car les promoteurs dans l’incertitude cessent d’acquérir les terrains en amont.

M. Chen constate que les gouvernements locaux accentuent la pression pour que Pékin lâche du lest. Dans des remarques publiées dimanche 12 février, le premier ministre a annoncé que le gouvernement « affinera » sa politique macroéconomique tout en balayant les rumeurs d’un assouplissement des contrôles sur l’immobilier.

Sous le regard attentif d’un cadre du Bureau de la propagande, Song Weidong répète qu’il adhère à la politique du gouvernement central : « Les logements doivent servir à héberger des gens, leurs prix doivent redescendre à des niveaux normaux. » Mais il espère que Pékin « pourra apprendre de l’expérience des derniers mois pour réaliser de petits ajustements ».

Certaines villes ne sont plus si révérencieuses. Wuhu, une préfecture de 2,2 millions d’habitants à 140 kilomètres d’Hefei, a tenté, vendredi 10 février, d’introduire une nouvelle subvention à l’achat pour réanimer le marché alors que les revenus municipaux des cessions de terrains ont chuté de 18 % en 2011. Cette fronde a été suspendue dès le lendemain, signe de la réprobation du « centre ».

Les autorités locales sont peu enclines à évoquer les conséquences directes de ces baisses de revenus, mais dans un article publié en janvier, le magazine Caixin évoquait le report d’un projet de ligne de métro à Shanghaï et citait un cadre du grand constructeur ferroviaire chinois affirmant que « des villes qui n’ont jamais eu de soucis de liquidité auparavant, telles que Canton, Shenzhen et Shanghaï, sont toutes contraintes en capitaux ».

Les ventes de terrains devaient représenter la garantie infaillible des crédits souscrits massivement par les gouvernements locaux dans le cadre du plan de relance déployé après l’automne 2008. Leur encours s’élevait, fin 2010, à 10 700 milliards de yuans, près de 1 300 milliards d’euros, et ont permis aux autoroutes et aux gares de se multiplier.

Pour éviter les défauts, les banques publiques sont invitées à revoir les échéances au cas par cas. Nombre de prêts sont fondés sur un marché immobilier systématiquement en hausse, explique Patrick Chovanec, professeur à l’université de Tsinghua, à Pékin : « Un pilier du système, dit-il, est qu’il sera toujours possible de vendre d’autres terrains au cas où. Cela se révèle faux. » Pour Yang Zhiyong, un spécialiste des finances publiques à l’Académie des sciences sociales, « les gouvernements locaux doivent à terme se financer autrement ».

La solution pourrait être de créer une nouvelle taxe foncière qui permettrait aussi de freiner la spéculation. Elle est à l’essai depuis un an à Shanghaï, où sont visées les résidences secondaires, et à Chongqing, où elle concerne les logements onéreux. Mais il faudra que la cible soit élargie, car à Shanghaï la nouvelle taxe a rapporté seulement 22 milliards de yuans en 2011, contre 400 milliards issus des transferts de terrains. Il faudra aussi que tous les cantons de Chine disposent d’évaluations du prix des parcelles, ce qui est loin d’être le cas.

Harold Thibault/le monde fev12

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