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L’âge d’or du gaz par Martin Wolf

 L’âge d’or du gaz par Martin Wolf

Le monde connaît une révolution du gaz naturel. L’Agence internationale de l’énergie évoque elle-même un « âge d’or du gaz ». Si un tel optimisme s’avérait justifié, les conséquences seraient bien plus importantes qu’une dissolution douloureuse de la zone euro, et surtout positives sur le plan économique.

La montée en puissance économique des pays émergents va faire croître de manière spectaculaire la demande d’énergie commerciale dans les décennies à venir. Le gaz est donc important.Cette révolution a un nom : « fracturation hydraulique ».

Comme pour pratiquement toutes les innovations technologiques du XXe siècle, celle-ci a vu le jour aux Etats-Unis. La US Energy Information Administration (EIA) explique que « la mise en oeuvre simultanée du forage horizontal et de la fracturation hydraulique a accru de manière notoire la capacité des opérateurs à produire du gaz naturel à partir de formations géologiques de faible perméabilité, notamment des formations de schiste » (« World Shale Gas Resources : an Initial Assessment of 14 Regions Outside the United States », 5 avril 2011, www.eia.gov).

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PROGRESSION ÉNORME

Aux Etats-Unis, la production de gaz de schiste est passée d’environ 8 millions de tonnes en 2000 à 96 millions en 2010, soit 23 % de la production américaine de gaz. Et la progression devrait être énorme dans les années qui viennent.

L’EIA estime à plus de 17 milliards de tonnes les réserves de gaz de schiste « techniquement exploitables » aux Etats-Unis. Si ces estimations sont correctes, le gaz de schiste satisferait à lui seul, au rythme actuel, quarante années de consommation de gaz aux Etats-Unis.

L’EIA a demandé à des consultants d’étudier quarante-huit gisements de gaz de schiste dans trente-deux pays. Leur rapport estime que les ressources mondiales de gaz de schiste « techniquement récupérable » seraient supérieures à 130 milliards de tonnes, soit à peu près l’équivalent des réserves prouvées actuelles.

Les plus grandes ressources identifiées, hormis celles des Etats-Unis, se trouvent en Chine (25,5 milliards de tonnes), en Argentine (15,5 milliards), au Mexique (13,5 milliards), en Afrique du Sud (9,7 milliards), etc., et en France (3,6 milliards).

Parmi les régions n’ayant pas fait l’objet d’une étude figurent la Russie, l’Asie centrale, le Moyen-Orient, l’Asie du Sud-Est et l’Afrique centrale. Le potentiel mondial devrait donc être bien plus vaste encore.

Quelles conséquences cette abondance de gaz naturel (en prenant aussi en compte le gaz conventionnel) pourrait-elle avoir sur l’avenir énergétique mondial ? Dans ses « Perspectives énergétiques mondiales 2011 », l’EIA remarque que, « dans tous les scénarios examinés (…), le gaz naturel représente en 2035 une plus grosse part du mix énergétique mondial qu’aujourd’hui ».

Selon le scénario de son « âge d’or », la demande de gaz croît de 2 % par an entre 2009 et 2035. Même selon un scénario plus modéré, la demande augmente de 1,7 % par an, ce qui représente une augmentation totale de 55 % sur cette même période.

Il en résulte que le gaz remplace d’autres combustibles, notamment dans la production d’électricité et le chauffage. D’une manière générale, souligne BP dans ses dernières « Perspectives énergétiques », le gaz pourrait rivaliser dès 2030 avec le charbon et le pétrole comme source d’énergie primaire.

SUBSTITUER LE GAZ AU CHARBON OU AU PÉTROLE SOUHAITABLE

Substituer le gaz au charbon ou au pétrole est souhaitable du point de vue des émissions de gaz à effet de serre et de nombreux autres polluants.

Par unité de production d’énergie, le gaz émet un peu plus de la moitié du gaz carbonique émis par le charbon et 70 % de celui émis par le pétrole. Les émissions de monoxyde de carbone dues au gaz représentent le cinquième de celles du charbon.

Les émissions d’anhydride sulfureux et de particules sont négligeables. Dans n’importe quel scénario plausible de gestion des émissions de gaz à effet de serre, le gaz naturel devra se substituer aux autres combustibles.

Le gaz de schiste représente-il vraiment le développement bénéfique que vantent ses partisans ? Pas si sûr. L’aspect controversé de cette nouvelle énergie est son impact sur l’environnement. Dans un article publié dans le numéro de novembre 2011 du Scientific American, le journaliste scientifique Chris Mooney rappelle que « la fracturation horizontale exige d’énormes volumes d’eau et de produits chimiques. Il faut également prévoir d’immenses bassins ou réservoirs afin de stocker l’eau polluée qui remonte par le puits une fois la fracturation accomplie ».

Un seul forage latéral consomme entre huit et seize millions de litres d’eau et de 60 000 à 240 000 litres de produits chimiques. Il n’est guère étonnant dans ces conditions d’entendre les adversaires de la nouvelle technologie affirmer qu’elle pourrait entraîner une pollution grave des nappes phréatiques et qu’elle constitue pour cette raison un cauchemar écologique.

AUCUNE PREUVE

L’article indique cependant qu’à ce jour aucune preuve d’une telle contamination n’a été établie. Au stade actuel, conclut l’auteur, les risques sont incertains. Les activités de la nouvelle industrie doivent être, partout, rigoureusement contrôlées.

Les bénéfices pouvant résulter d’une mise en oeuvre rapide de la fracturation hydraulique à l’échelle mondiale dépendront de plusieurs considérations : tout d’abord, des coûts d’opportunité locaux de l’eau ; en deuxième lieu, de la compétence et de la fiabilité des opérateurs ; troisièmement, des capacités des régulateurs ; quatrièmement, des avantages du gaz par rapport aux combustibles alternatifs (ou à la préservation des milieux naturels), y compris sur le plan de la sécurité ; cinquièmement, enfin, d’une meilleure connaissance des impacts de cette technologie.

Pour ne prendre qu’un seul exemple, la concomitance d’une forte demande d’eau et des risques de pollution pourraient rendre dangereuse l’extraction à grande échelle du gaz de schiste en Chine.

Le gaz de schiste met en lumière l’ingéniosité de ceux qui s’efforcent de trouver de nouvelles sources d’énergie. Il entrouvre aussi la perspective bienvenue d’un gaz naturel peu coûteux disponible durant de nombreuses décennies. Mais cette révolution pourrait tourner au pacte faustien.

Il faut faire preuve de prudence dans les conditions et le rythme de mise en oeuvre de la fracturation hydraulique : les coûts environnementaux pourraient être élevés. « Hâtons-nous lentement », comme disaient les Romains (cette chronique est publiée en partenariat exclusif avec le « Financial Times ». © FT. Traduit de l’anglais par Gilles Berton)

Source Le monde fev12

EN COMPLEMENT : Deux milliards investis dans le gaz de schiste

Blackstone. Le fonds va investir dans le groupe américain Cheniere pour l’aider à construire une usine de liquéfaction.

Le groupe Cheniere, qui supporte déjà une dette importante, a besoin de lever 5 milliards de dollars pour construire la première de ses deux unités où le gaz naturel sera liquéfié pour permettre son transport par voie maritime.

Ce sera la première installation du genre aux Etats-Unis qui, jusqu’il y a peu, étaient importateurs net de gaz naturel. Cette unité de production de gaz naturel liquéfie (GNL) doit être construite à Sabine Pass, en Louisiane (sud des Etats-Unis). 

Cheniere Energy Partners va «finaliser et exécuter un accord définitif selon lequel Blackstone va acheter de nouveaux» titres de dette «pour 2 milliards de dollars», indique le communiqué de Cheniere. Cheniere va notamment «utiliser les fonds pour financer le coût de conception, construction et mise en service du projet de terminal de liquéfaction de Sabine Pass», en Louisiane (sud des Etats-Unis), ajoute-t-il.

Cheniere y possède déjà une usine de gazéification, qui permet de restituer le GNL à l’état gazeux, mais cette usine est au point mort, puisque les Etats-Unis n’importent pratiquement plus de gaz naturel avec le spectaculaire essor de leur production nationale de gaz de schiste. L’entreprise veut donc lui adjoindre une usine de liquéfaction et d’exportation.

Cheniere Partners «progresse vers une décision finale d’investissement dans la conception et le développement des deux premiers trains de liquéfaction» dont le coût est estimé à entre 4,5 et 5 milliards de dollars», poursuit le communiqué. Le projet prévoit jusqu’à quatre trains de GNL avec chacun une capacité d’environ 4,5 millions de tonnes par an, détaille le communiqué.  

Le financement de la dette pour ce projet devrait être achevé à la fin du premier trimestre 2012 et la construction devrait débuter au premier semestre de cette année.

6 réponses »

  1. E corp international est entré en négociation exclusive avec Gasfrac pour l’exploitation en Europe de la technologie révolutionnaire de Gasfrac effectuant la fracturation horizontale avec un gel de propane à la place de l’eau;pas de contamination le gel de propane étant de même nature chimique que les produits en place dans la roche et fini les besoins en eau d’ou un prix de revient bien plus compétitif
    on comprend que les verts soient vent debout, leur millénarisme s’effondre si le gaz de schiste est exploité;ils ont déjà perdu la guerre ,ils ne le savent pas;Cependant chez nous ils peuvent et ont fait beaucoup de mal
    resterons nous le seul pays au monde à ne pas vouloir du gaz de schiste?

  2. Géant, donc en gros, il faudra choisir entre rouler et manger (biofuel) et rouler et boire …
    Oui, peut-être le capitalisme survivra, mais a quel prix …

  3. http://soberlook.com/2012/03/natural-gas-storage-still-out-of-whack.html

    Le prix du gaz n’arrete pas de chuter , sauf en Europe bien sur!
    Le patron de Solvay déclarait recemment aux Echos que ses achats de gaz coutaient 300 M€ de + en Europe qu’aux US. Moralité, il délocalise toutes ses usines aux US.
    Alors si vous croisez un UMP ou un PS qui vous parle de réindustrialisation, rappelez-lui que ce n’est pas en lançant des fatwa obscurantistes contre les gaz de schistes qu’on va y arriver.
    Si ces types là étaient au pouvoir ds les seventies, on en serait encore aux centrales à charbon!

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