Changes et Devises

Un retrait provisoire de la zone euro ! par Hans-Werner Sinn

Un retrait provisoire de la zone euro ! par Hans-Werner Sinn

Soumis à une forte pression venant de l’extérieur, les pays de la zone euro frappés par la crise se sont enfin engagés sur la voie douloureuse de l’austérité. Diminutions de salaire et licenciements de fonctionnaires vont ramener les nouveaux emprunts à un niveau tolérable.

Pour autant, la compétitivité de la Grèce et du Portugal ne s’améliore pas. Les derniers chiffres d’Eurostat sur l’évolution de l’indice des prix de la production intérieure (le déflateur du PIB) ne montrent aucune tendance à une dévaluation en termes réels des pays les  plus fragiles de la zone euro. Mais une dévaluation réelle, une baisse des prix par rapport à ceux des concurrents de la zone euro, est le seul moyen pour ces pays de retrouver leur compétitivité. Une baisse du coût du travail peut aussi améliorer leur compétitivité dans la mesure où elle se traduit par une baisse des prix. C’est effectivement la hausse des prix dans les pays en crise, alimentée par des crédits bon marché après l’introduction de l’euro, qui a entraîné leur perte de compétitivité, creusant le déficit des comptes courants et une énorme dette extérieure.

Prof. Hans Werner Sinn, ifo - Institut für Wirtschaftsforschung

Maintenant que les marchés financiers ne veulent plus alimenter ces déficits, les prix devraient baisser dans ces pays, mais évidemment il n’en est rien. En 2010, dans certains d’entre eux l’inflation était légèrement inférieure à celle de leurs concurrents de la zone euro. Néanmoins les derniers chiffres d’Eurostat pour le troisième trimestre 2011 montrent déjà un changement de tendance : au Portugal et en Grèce les prix n’ont guère varié depuis un an, tandis qu’ils ont augmenté légèrement en Italie et en Espagne (de 0,4 et de 0,3% respectivement).

PLUS DHANS WERNER SINN :

Seule l’Irlande est restée sur la voie d’une déflation rapide – qu’elle suit depuis l’éclatement de la bulle de l’immobilier en 2006 – avec une baisse des prix relative de 2,2%. En moyenne, au cours des cinq dernières années l’Irlande est devenue moins chère de 15% par rapport à ses concurrents de la zone euro.

Cette dévaluation interne est rentable : la balance des comptes courants de l’Irlande qui était déficitaire en 2008 (à hauteur de 5,6% de son PIB) s’est redressée – la Commission européenne s’attend à un excédent de 0,7% pour 2011 ! Il est vrai que ce succès tient en grande partie à la baisse du service de la dette, car l’Irlande a pu rembourser son passif extérieur avec de la monnaie qu’elle imprimait elle-même avec un taux d’intérêt de seulement 1%. Néanmoins son important excédent commercial a encore augmenté.

Ce revirement tient essentiellement à l’efficacité du lobby pro-exportateur irlandais. A l’opposé, la Grèce est sous l’influence du puissant lobby des importateurs. Ainsi que l’a dit le ministre grec de l’économie, Michalis Chrysochoidis, ce sont les subventions de l’UE qui ont conduit les entrepreneurs à faire de l’argent en important.

Maintenant ces importateurs s’opposent efficacement à toute mesure déflationniste, alors que la baisse des prix – et par conséquent la réorientation de la demande en faveur des produits importés vers ceux produits localement et le soutien au tourisme  – est le seul moyen permettant de remettre sur pied l’économie grecque. Le déficit des comptes courants grecs rapporté au PIB étant trois fois supérieur à celui de l’Irlande, les prix grecs devraient diminuer de prés de 50% pour parvenir au même résultat que ce pays. Il est inconcevable que la Grèce puisse y parvenir au sein de la zone euro sans troubles sociaux généralisés, voire une situation proche d’une guerre civile.

Mais ce ne sont pas seulement les importateurs qui ne veulent pas d’une véritable dévaluation. Les syndicats aussi s’opposent à la nécessaire baisse des salaires. Quant aux débiteurs publics et privés, ils craignent la perspective d’une insolvabilité si leurs actifs et leurs revenus sont évalués à minima, tandis que le montant de leur dette ne baisse pas. La situation est inextricable.

Beaucoup de gens estiment que la restructuration et la mutualisation de la dette constitue la seule solution. Mais cela a déjà été fait. Le nouveau plan de sauvetage accorde 237 milliards d’euros à la Grèce, soit 30% de plus que son revenu national net, 180 milliards d’euros. Mais ce  plan conforte les « mauvais » prix – et de ce fait le manque de compétitivité de l’économie grecque. La dette va réapparaître comme une tumeur, grossissant année après année, et minant la solvabilité des pays stables de la zone euro.

Si ce scénario se réalise, l’euro finira par s’effondrer. Seule une baisse des prix permettra aux pays en difficulté de redresser leur balance des comptes courants et de rembourser leur dette extérieure. Il est temps que l’Europe se confronte à cette cruelle vérité.

Les pays en crise qui se refusent à baisser d’eux-mêmes leurs prix devraient se voir offrir la possibilité de quitter temporairement la zone euro pour baisser leurs prix et réduire leur dette. Autrement dit, ils devraient prendre une période sabbatique hors de la zone euro – une proposition soutenue maintenant par l’économiste américain Kenneth Rogoff.

Une fois l’orage de la crise financière passée, le soleil brillera à nouveau très vite. Les pays créanciers devront faire face à des pertes importantes liées à la restructuration de la dette des pays les plus endettés, mais au bout du compte ils perdront moins que si ces derniers restent dans la zone euro. Car c’est en quittant la zone euro qu’ils parviendront à certaine une prospérité – la seule chance pour leurs créanciers de récupérer un tant soit peu leurs actifs.

Hans-Werner Sinn est professeur d’économie et de finance à l’université de Munich et président de l’Institut de recherche économique Ifo.Project Syndicate fev12

4 réponses »

  1. c’est moi qui inaugure les commentaires 🙂
    sortir temporairement la grèce ? que ne l’eussions-« nous » fait plus tôt ?
    Aaaah, ça me revient : il fallait d’abord prêter à la grèce des sous pour qu’elle les rende aux banques européennes endettées jusqu’à la moelle à cause des subprimes…; donc les grecs se sont fait enc…., ce qui est normal vu qu’ils sont grecs…
    à méditer quand même : une balle de kalachnikov peut tuer aussi bien les gens que les banksters !!!

  2. Vendredi 2 mars 2012 :

    L’IIF chiffre une faillite de la Grèce à plus de 1.000 milliards d’euros.

    L’organisation bancaire internationale IIF a chiffré à plus de 1.000 milliards d’euros le coût pour l’économie internationale d’un défaut incontrôlé de la Grèce, dans un rapport remis en février aux dirigeants européens, indique vendredi l’hebdomadaire grec Athens News.

    Selon Athens News, l’Institut de la Finance Internationale – qui a négocié avec le gouvernement grec au nom des créanciers privés un accord de restructuration et de réduction de la dette grecque – juge que la Banque centrale européenne sera particulièrement touchée, de par son exposition à la dette grecque et les actions qu’elle devrait prendre pour éviter une contagion de la crise aux autres maillons faibles européens.

    Selon l’IFF, un défaut de paiement de la Grèce menacerait directement de déstabiliser le Portugal, l’Irlande, l’Italie et l’Espagne, victimes suivantes les plus probables.

    L’organisation bancaire internationale évalue les recapitalisations bancaires nécessaires à environ 160 milliards d’euros. Elle estime aussi, selon Athens News, que l’économie européenne paierait une faillite grecque par un ralentissement, réduisant les revenus fiscaux.

    Ce rapport a été remis, d’après l’hebdomadaire, le 18 février aux dirigeants européens, avant qu’ils ne décident, jeudi soir, de finalement lancer le 9 mars un plan de renflouement et de désendettement du pays élaboré en octobre, si entre-temps les créanciers privés d’Athènes acceptent d’effacer un peu plus de 100 milliards de créances.

    Au vu de ces traumas financiers, il est difficile de concevoir que la Grèce pourrait rester un membre fonctionnel de la zone euro en cas de défaut désordonné, note le rapport cité par le journal.

    L’IFF juge également que les retombées sociales et politiques d’un défaut compromettraient l’effort de réforme mené par la Grèce à la demande de ses créanciers.

    http://www.romandie.com/news/n/_L_IIF_chiffre_une_faillite_de_la_Gr_lus_de_1000_milliards_d_euros__RP_020320121046-27.asp

  3. Sauve-qui-peut !

    C’est chacun pour soi !

    Chacun cherche à sauver sa peau, maintenant !

    C’est chacun pour sa peau !

    Vendredi 2 mars 2012 :

    L’Espagne revoit son déficit à la hausse, crise en vue avec l’Union Européenne.

    Le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy a averti vendredi que l’Espagne ne pourrait pas respecter ses engagements de réduction du déficit public, au risque de provoquer une crise avec ses partenaires européens à l’issue d’un sommet européen marqué par la signature d’un Pacte de discipline budgétaire.

    « L’objectif de déficit public sera pour cette année de 5,8 % du Produit intérieur brut », a-t-il annoncé au cours de sa conférence de presse, prenant tout le monde de cours. Or l’objectif imposé était de 4,4 % pour 2012.

    « C’est un très mauvais signal au moment où l’Europe s’engage à plus de discipline budgétaire », a confié à l’AFP le représentant d’un des 27 Etats de l’UE. « Il revient à la Commission européenne de réagir », a-t-il ajouté.

    Mariano Rajoy n’a informé personne de son intention de briser le Pacte de discipline budgétaire quelques heures seulement après l’avoir signé avec 24 de ses homologues.

    « Je n’ai pas informé les présidents et les chefs de gouvernement parce que je n’ai pas à le faire. Il s’agit d’une décision souveraine que nous Espagnols, nous prenons », a-t-il soutenu au cours de sa conférence de presse.

    http://www.boursorama.com/actualites/l-espagne-revoit-son-deficit-a-la-hausse-crise-en-vue-avec-l-ue-3cd6f31c81e0e3f2f1ff8133f2da76ee

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