Au coeur de la création de richesse : l'Entreprise

Jean Marc Daniel : le chroniqueur du «Monde» qui veut en finir avec le keynésianisme

Jean Marc Daniel : le chroniqueur du «Monde» qui veut en finir avec le keynésianisme

 La campagne présidentielle est l’occasion pour quantité d’économistes français de présenter leur lecture de l’économie. Si bien des ouvrages nous laissent sur notre faim, celui de Jean-Marc Daniel, professeur à l’ESCP, fait exception

La campagne présidentielle française est l’occasion pour quantité d’économistes de débattre des thèmes actuels. Avec son Ricardo, reviens! Ils sont restés keynésiens, Jean-Marc Daniel, professeur à l’ESCP, s’inscrit dans cette logique. Ce chroniqueur au Monde et à la radio BFM Business se livre à une analyse approfondie des politiques économiques et en particulier du keynésianisme*. Ouvrage admirablement construit, portant d’abord son regard d’économiste sur l’état du monde puis sur celui de la science économique pour conclure sur ses propositions pour la France, il offre, dans un style très agréable, d’intéressantes pistes de réflexion.

 

L’auteur se place d’emblée à mille lieues du «politiquement correct». Pour lui, «nous ne traversons ni une crise de l’économie de marché, ni du capitalisme, mais une crise de la politique économique». L’universitaire ose écrire que «la crise ne vient pas de la folie des banques», mais de l’arbitraire de l’Etat dominant, les Etats-Unis, plus exactement des «cigales de Washington». Les politiques keynésiennes ont fait exploser la dette publique américaine. Barack Obama et Ben Bernanke tentent de la gérer en la vendant à l’étranger et en créant de la monnaie sans limites. Mais cette politique est inefficace et dangereuse. A son avis, «le monde vit dans la stagflation, mais les commentateurs ne le voient pas parce que le chômage et l’inflation ne sont pas à la même place». La hausse des prix perturbe les pays émergents (Printemps arabe) et le chômage frappe les pays occidentaux.

PLUS DE JEAN MARC DANIEL EN SUIVANT :

Son analyse de la perte d’efficacité keynésienne part des observations suivantes. Les bas taux d’intérêt ne créent pas de croissance. Leur seul mérite est d’alléger le coût de la dette à un moment où les déficits budgétaires explosent. Car l’outil de référence demeure budgétaire et la politique monétaire lui est subordonnée, selon Jean-Marc Daniel.

L’auteur rappelle que, dans l’histoire, la doctrine keynésienne, d’abord adoptée par les sociaux-démocrates, a été ensuite reprise par les républicains – les déficits étant alors causés par la baisse d’impôts – et aujourd’hui par le démocrate du nord du pays qu’est Barack Obama. Les seuls présidents luttant contre les déficits ont été des démocrates du sud, comme Bill Clinton et Jimmy Carter.

Sous l’angle plus théorique, le critère fondamental qui oppose Ricardo à Keynes, c’est l’approche du temps, selon l’auteur. La comparaison nous offre alors la partie la plus instructive de l’ouvrage. Keynes sacrifie en effet le futur à l’immédiat. Il espère que le temps effacera les problèmes. Avec Ricardo, la politique budgétaire sert au contraire à régler les problèmes du long terme (formation, infrastructures). Il se concentre sur la qualité de la dépense et son action sur l’offre. Pour Ricardo, l’action de l’Etat consiste à renforcer la concurrence, créatrice de croissance et de richesses.

Jean-Marc Daniel ne défend pas à tout prix l’équilibre budgétaire. Cela reviendrait à nier toute fonction de régulation à la politique budgétaire et, selon lui, à isoler l’Etat de la réalité économique. Quand l’entreprise se trompe, elle en assume les conséquences. Mais l’Etat n’est pas une entreprise. S’il commet des erreurs, il laisse aux autres le soin de payer les dettes. D’ailleurs, la France d’aujourd’hui solde dans sa dette publique des investissements qui furent en leur temps présentés comme des dépenses d’avenir et ne furent que des erreurs – les abattoirs de la Villette, les déficits cumulés des Charbonnages, le Concorde, le Minitel. L’auteur autorise donc à l’Etat la fonction d’amortisseur des cycles à travers les «stabilisateurs automatiques». Il distingue entre les «bons» déficits (conjoncturels) et les «mauvais» déficits (structurels). Malheureusement, le déficit français est presque exclusivement structurel.

Pour le long terme, c’est la politique monétaire qui doit occuper les premières loges et mettre en place les conditions de la croissance.

Le chroniqueur du Monde refuse la fuite à travers l’inflation. Il reprend Thomas Sargent (Prix Nobel 2011) et Neil Wallace pour qui l’inflation est un phénomène monétaire mais son origine réelle la plus fréquente est budgétaire. Il s’insurge contre l’idée d’Olivier Blanchard (FMI) de créer de l’inflation pour faire disparaître la dette. Cela ferait porter sur la génération future le poids de la désinflation en termes de chômage. En somme, Jean-Marc Daniel considère les keynésiens comme des pompiers de la politique économique: l’Etat intervient dans des économies en feu. La vision plus moderne de l’auteur le place dans un rôle d’architecte cherchant à superviser la construction de l’édifice économique.

La France ne souffre pas d’un problème de compétitivité, mais de productivité. Le coût du travail est passé de 100 en 1998 à 153 fin 2011 tandis que les prix à la production étaient montés à 120 et la productivité à 115.

 

La croissance faiblit de cycle en cycle. La solution «ricardienne» de l’auteur passe par la combinaison d’une baisse des dépenses publiques et d’un accroissement du PIB par une politique de l’offre. Il propose un allégement des dépenses de transferts sociaux, la réduction de la masse salariale dans la fonction publique (23% de l’emploi total) – surtout dans l’éducation où la France a créé une sorte de prolétariat cognitif et la mise sur le marché de jeunes aux qualifications imprécises.

La solution ne passe pas davantage par une hausse d’impôts, sachant que le taux de prélèvements obligatoires atteint déjà 44% du PIB et celui des dépenses publiques 56% du PIB.

Sur les recettes fiscales, il propose une réorientation de l’imposition des ménages vers les externalités afin d’accroître la fiscalité verte (à peine 2% du PIB), en remplaçant les impôts indirects par une taxe carbone. Et il l’accompagnerait d’une baisse de l’impôt sur les sociétés à 15%. Enfin, comme l’Etat français n’a pas vocation à se faire producteur, la dette devrait être apurée en vendant des actifs.

Par Emmanuel Garessus/Le Temps mars12 

* Ricardo, reviens! Ils sont restés keynésiens, Jean-Marc Daniel, François Bourin Editeur,200 pages, 2012.

EN RAPPEL :

1 réponse »

  1. Le problème c’est que les réformes nécessaires et utiles étaient dans le rapport Attali dans le début de mandat de notre président. la France est un pays singulier qui tape sur ses fontionnaires. mais les notaires, pharmaciens, médecins…ne sont-ils pas des fonctuionnaires à 15 000 euros par mois protégé non pas par une sécurité de l’emploi mais par des rentes de situation et de snumérus clausus ? Monti est en train de faire ce que nous devrions faire et l’Italie nous passera rapidememnt devant si on ne réagit pas

Laisser un commentaire