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Il est pertinent de récompenser l’initiative et de favoriser la richesse pour réduire la pauvreté.

 Il est pertinent de récompenser l’initiative et de favoriser la richesse pour réduire la pauvreté.

Avec «A quoi servent les riches» (JC Lattès), Jean-Philippe Delsol et Nicolas Lecaussin tentent de démonter, les nombreux clichés sur les personnes fortunes véhiculés par les médias et le pouvoir politique français. Sans pour autant les défendre. Les auteurs rappellent également, qu’à force de s’attaquer aux riches du privé, on oublie souvent ceux qui s’enrichissent sur le dos de l’Etat et des contribuables. Cet essai cherche à démontrer qu’à l’inverse de ce qu’énonce le discours politiquement correct, il est pertinent de récompenser l’initiative et de favoriser la richesse pour réduire la pauvreté.

«vous ne pouvez pas donner la force au faible en affaiblissant le fort… Vous ne pouvez pas aider le pauvre en ruinant le riche».

Limiter les salaires et les profits aboutit généralement à l’effet inverse de celui escompté. Non seulement cela ne sert à rien, mais ce sont les plus pauvres qui en pâtissent parce que l’économie tout entière en est atteinte. Et même lorsque des salaires minimum sont fixés pour protéger les salariés du bas de l’échelle, c’est toute l’échelle qui en est fragilisée et les salariés les plus démunis qui en fait descendent de l’échelle.

PLUS DE RICHES EN SUIVANT :

 Déjà la crise de 2008 a eu besoin de boucs émissaires. Elle a désigné les banques et plus encore les bonus des traders et autres employés de banque dont tous les économistes avertis s’accordent pourtant à considérer qu’ils n’étaient pas la cause de la déréliction des marchés, du moins la cause unique, voire la cause principale. Mais plus généralement, le contrôle des rémunérations du secteur bancaire participait de l’idéologie anti-riches, de l’esprit niveleur que chaque campagne électorale réactive en France.

La dernière trouvaille de campagne de la majorité dite de droite en France au printemps 2011 a été de vouloir obliger les sociétés qui distribuent des dividendes à verser des primes aux salariés. La loi s’impose dans la relation entre employeurs et employés, et à titre obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés.

La confusion est ainsi à son comble. Les salariés n’attendent pas, heureusement, que des dividendes soient distribués pour bénéficier d’augmentations ou de primes. Et les actionnaires, heureusement, n’exigent pas de recevoir des dividendes chaque fois que les salariés sont augmentés ou primés. Beaucoup de sociétés ne distribuent pas de dividendes. Certes, depuis 2008, les grandes sociétés ont mieux rémunéré leurs actionnaires, sans doute parce qu’elles en avaient besoin pour attirer des capitaux que les banques distribuaient, elles, avec plus de parcimonie. Mais les hommes politiques enfermés dans leur citadelle de certitudes administratives, en majorité issus de la fonction publique, oublient que pour faire vivre les entreprises il faut des capitaux et que si ceux-ci ne sont pas rémunérés, ou susceptibles de l’être, leurs détenteurs ne les risquent pas dans l’entreprise. Car les actionnaires risquent effectivement leurs capitaux et n’ont pas de fonds de garantie pour les leur rembourser en cas de dépôt de bilan alors que l’AGS assure le versement des salaires dans ce cas.

La droite française est ainsi tombée dans le piège de ses ennemis qui veulent contrôler toujours plus les salaires autant que les comportements, qui veulent décider de la juste rémunération de chacun. C’est pourtant moins de contrôle que de liberté et de morale dont la société a besoin. Cette position idéologique de vouloir maîtriser les salaires doit s’analyser dans la tendance étatiste générale à l’ingérence dans la relation entre employeurs et employés et à sa hargne niveleuse pour raboter les hauts salaires en même temps qu’elle cherche à augmenter artificiellement les bas salaires. Dans les deux cas, cette politique est au détriment des plus pauvres.

Les sociétés communistes ont voulu limiter les rémunérations de tous, les égaliser au mieux. La réalité a d’ailleurs été différente car l’homme est ainsi fait qu’il cherche toujours à optimiser son avoir. Les avantages en nature et les bakchichs ont recréé une inégalité souvent bien pire, d’autant plus qu’elle était moins transparente. Certains en rêvent encore pourtant. L’ex-trotskyste Jean-Luc Mélenchon veut tout prendre au-dessus de 350.000 euros de salaire par an, soit 20 fois le revenu médian, avec un taux d’imposition de 100% au-delà de cette limite. Les écologistes souhaitent instaurer une tranche d’imposition à 70% au-delà de 500.000 euros et imaginent que la loi pourrait fixer «un salaire forfaitaire maximum». L’économiste Piketty propose de taxer, au premier euro, au taux de 60% tous les salaires au-dessus de 100.000 euros de revenu brut par an. Plus réaliste, le parti socialiste envisage des rémunérations qui seraient «comprises dans une échelle de l’ordre de un à vingt» dans les entreprises ou l’État est actionnaire.

Mais comme le disait en 1860 Abraham Lincoln, petit Blanc devenu Président des États-Unis, «vous ne pouvez pas donner la force au faible en affaiblissant le fort… Vous ne pouvez pas aider le pauvre en ruinant le riche». La question est de savoir si en réduisant l’écart des salaires, on permettra la hausse des petits salaires ou si, comme l’histoire économique l’a démontré cent fois, on appauvrira tout le monde. Que voulons-nous: favoriser la croissance des petits salaires, quand bien même les plus hauts salaires croîtraient plus encore, ou niveler les salaires car tout écart devient psychologiquement, et donc politiquement, insupportable au-delà d’un certain niveau?

Le Smig (salaire minimum garanti) a été institué en 1950 en France pour garantir un minimum vital. En 1970, il devient Smic (salaire minimum interprofessionnel de croissance) pour marquer la volonté qu’il participe à la croissance et il se rapproche de plus en plus du salaire moyen. Un salaire minimum national existe dans 21 des 34 pays de l’OCDE et dans 20 des 27 pays membres de l’Union européenne. Les sept États membres de l’Union européenne n’ayant pas à ce jour de salaire minimum légal sont l’Allemagne, l’Autriche, Chypre, le Danemark, la Finlande, l’Italie et la Suède. En Grande-Bretagne, il existe plusieurs salaires minimum (pour les jeunes, les seniors…). Parmi les pays où existe un salaire minimum national, la France fait partie de ceux où il est le plus uniforme. Elle est le pays où les règles de revalorisation sont les plus contraignantes à la fois par leur automaticité et le fait qu’elles dépassent la seule protection du pouvoir d’achat.

En réalité un salaire minimum évince les salariés les plus faibles, les moins productifs du marché du travail car au-delà d’un certain seuil, ils coûtent plus cher qu’ils ne rapportent. Les jeunes sont les plus vulnérables à ce phénomène d’exclusion dans un pays comme la France où il n’y a pas de différence de Smic selon les âges, où il n’y a pas de Smic jeune; de même dans les régions où les salaires sont plus bas qu’à Paris, le Smic est plus exclusif car il est plus proche du salaire moyen. Le salaire minimum est d’autant plus exclusif en France qu’il supporte des charges sociales qui sont parmi les plus élevées du monde. Un Smic de 1365 euros par mois pour 35 heures à 9 euros par heure représente un coût de 1810 euros (allègements de charges compris) pour l’employeur et à peine plus de 1000 euros (1073 euros) nets pour le salarié. C’est très difficile à supporter dans les très petites entreprises, les TPE, dont les patrons gagnent eux-mêmes en moyenne 3000 euros bruts par mois.

Des allègements de charges sur les bas salaires existent, mais c’est ainsi que le Smic devient une trappe à bas salaires car ces allègements augmentent encore le coût de sortie du Smic.

Certains voudraient que le salaire soit entièrement déconnecté de la charge qu’il représente pour celui qui le paye. C’est ce que dit la formule socialiste: «De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins», utilisée, semble-t-il, comme telle pour la première fois par Louis Blanc dans son Organisation du travail de 1839 avant d’être reprise dans La Critique du programme socialiste allemand de Gotha de 1875, par Karl Marx.

Marx pourtant savait que la formule n’était guère réaliste. Il la présentait plutôt comme l’idéal à promouvoir et à vivre dans une phase supérieure de la société communiste, une fois le communisme achevé: «Dans une phase supérieure de la société communiste, quand auront disparu l’asservissante subordination des individus à la division du travail et, avec elle, l’opposition entre le travail intellectuel et le travail manuel; quand le travail ne sera pas seulement un moyen de vivre, mais deviendra lui-même le premier besoin vital; quand, avec le développement multiple des individus, les forces productives se seront accrues elles aussi, et que toutes les sources de la richesse collective jailliront avec abondance, alors seulement… la société pourra écrire sur ses drapeaux: ‘De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins’». Lénine, dans L’Etat et la Révolution de 1917, partageait la même utopie: «L’Etat pourra disparaître complètement lorsque la société aura réalisé le principe: ‘De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins’, c’est-à-dire lorsqu’on sera tellement habitué à observer les règles primordiales de la vie sociale et que le travail sera devenu tellement productif que tout le monde travaillera volontairement selon ses capacités.»

Mais cette utopie a mené inexorablement à l’appauvrissement de tous et à des différences de salaires indirects bien pires, au travers des avantages de la nomenklatura et des prébendes accordées aux serviteurs zélés d’un parti omnipotent et totalitaire.

Personne ne connaît le juste salaire. Ceux qui prétendent pouvoir le donner et qui voudraient l’imposer sont toujours dangereux parce qu’ils cherchent en fait, et souvent de toute bonne foi, à inscrire la réalité dans un cadre conceptuel théorique qui en deviendra bientôt le carcan, une idéologie en quelque sorte.

C’est pourquoi, si le marché n’est pas parfait, il apparaît comme le moins imparfait, du moins parce qu’il est capable de s’adapter tous les jours. Totalement débridé, le marché peut conduire à des excès, à des différences de rémunérations choquantes. Mais le contrôle des salaires peut mener à des risques bien pires, ceux de la pauvreté pour tous.

«Combien vaut un homme, interroge André Comte-Sponville?» La question est sans réponse possible: ni juridique, puisqu’on a aboli l’esclavage, ni morale, puisque la dignité, comme disait Kant, est la valeur de ce qui n’a pas de prix, ni économique, puisque aucun marchandage ne saurait en décider. Le marché du travail porte bien son nom: ce ne sont pas des humains qu’on y vend ou qu’on y achète, mais du temps de travail. C’est ce qui justifie, du moins en principe, les différences de salaire. Tous les êtres humains sont égaux en droit et en dignité, mais point en compétence, en talent, en créativité… Pourquoi paierait-on leur travail au même prix? Ce serait confondre l’économie et la morale… La dignité n’est pas à vendre; le travail, si.» Mais précisément conclut-il: «C’est parce que le marché n’a pas de morale que nous avons besoin d’en avoir une.» Le philosophe contemporain rejoint d’ailleurs ici Pierre-Joseph Proudhon qui déjà récusait le marché pour fixer les salaires et en appelait à la morale. Mais le marché est pourtant le critère d’évaluation du travail et l’aune de la réalité.

Vaut-il mieux faire travailler des enfants au Bangladesh ou refuser de les faire travailler au risque qu’ils meurent de faim? Certes, il faudrait donner de l’argent à leurs parents pour que ces enfants aillent à l’école. Mais ça n’est pas la mission de l’entreprise. En embauchant les petits Bangladeshis, elle leur permet de vivre et de développer leur pays qui peu à peu rattrapera les pays développés.

Vaut-il mieux que les États riches accordent aux États pauvres des subventions qui finissent pour une grande part dans la poche très personnelle de leurs dirigeants, ou vaut-il mieux que le marché s’ouvre aux produits des pays sous-développés et en voie de développement pour leur permettre de s’enrichir progressivement? La population chinoise élargit sa classe moyenne tous les ans par la liberté de commerce avec l’Occident et parce qu’elle a libéré l’initiative économique d’une nouvelle race d’entrepreneurs qui s’enrichit sans vergogne ni scrupules et en même temps enrichit la Chine.

Contrairement à ce qu’en dit André Comte Sponville, il existe un marché du travail où une forme de marchandage a lieu. Ce n’est plus la place de grève médiévale où chacun venait le matin louer sa peine pour la journée. Mais c’est un marché où s’échangent non seulement le travail, mais peut-être plus encore et surtout les talents, les compétences, les savoir-faire.

Source Agefi mars12

2 réponses »

  1. Le mythe de la richesse. C’est quoi être riche ? D’après monsieur Hollande ça prends pas grand chose pour l’être.
    Pour monsieur Rockfeller, ça prends de vivre des intérêts des intérêts. Et tant et tant de définitions qui dépendent
    des pays, des moeurs , des politiques, etc etc. Rappelons nous également que :

    NUL HOMME N’EST SATISFAIT DE SA FORTUNE …
    NI MÉCONTENT DE SON INTELLIGENCE.

    QUAND À MOI, JE DÉPLORE EFFECTIVEMENT QU’INTELLIGENT COMME JE LE SUIS JE NE SOIS PAS BEAUCOUP PLUS RICHE.

    C’est bien trop vrai hélas. Snif. ARGHHHHHHHHHH !

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