Commentaire de Marché

Politique Friction du 6 Mai 2012 : La grande faucheuse a fait son œuvre par Bruno Bertez

Politique Friction du 6 Mai 2012 :   La grande faucheuse a fait son œuvre par Bruno Bertez

   Voilà, le résultat de l’élection présidentielle est connu.  On sait que les Français  ont choisi François Hollande et que,battu, Nicolas Sarkozy a néanmoins réalisé une performance honorable.

En tant que Président sortant, il avait contre lui:

–  le fait d’avoir exercé le mandat, nous ne disons pas le pouvoir, les sortants ont toujours un handicap

– le fait d’avoir débuté à contretemps sur un programme de libération des énergies et de déculpabilisation de la richesse

– le fait de n’avoir pas explicité solennellement la rupture survenue en cours de mandat, de ne pas en avoir tiré les conclusions par un changement d’hommes et de politique

– le fait d’avoir été entouré par des stratèges superficiels, politiciens, voire idéologues, incapables de saisir les glissements tectoniques qui se produisaient au sein du système français et européen.

D’une certaine façon, et pour caricaturer, Sarkozy a été prié de quitter le palais présidentiel parce qu’il s’est présenté comme capable de protéger les Français, sans bouclier pour lui même, contre le cours de l’histoire, la modernité, la crise, le tout ensemble.

La tâche était démesurée, nous-mêmes pensons qu’elle était impossible, mais, en plus, avec des analyses fausses, des conseillers étriqués et il faut bien le dire, sans réel allié de poids, il n’avait aucune chance. Vu sous cet aspect, les résultats de l’élection sont en sa faveur, s’il n’avait pas eu des qualités exceptionnelles, une combattivité hors de normes, le score aurait pu être infamant.

Nous poursuivant un peu l’analyse car elle est utile pour le raisonnement.

Bien entendu, les idées que nous développons sont réductrices et, nous le disons tout de suite,  les événements sont surdéterminés, ils ont de multiples causes, enchevêtrées.

En sortir une ou plusieurs est un choix d’exposition, ce n’est absolument pas prétendre que les autres n’ont pas leur importance.

La stratégie de Sarkozy était fondée sur la crise. Elle était centrale dans son dispositif.

Tout s’est passé comme si l’axe était: la crise est là, elle est terrible, j’ai fait ce qu’il fallait, j’ai joué un rôle de leader dans le traitement de cette crise, je dois continuer, vous avez besoin de moi.

Déjà, dans cet axe, il y a une contradiction. On ne peut faire passer au peuple que des messages primaires. Ou bien on a réussi, ou bien on a échoué.

Le message dialectique selon lequel la crise est encore là et je dois continuer ne passe pas. C’est le fameux grand écart qui consiste à dire une chose et son contraire, conformément aux mouvements du réel, mais c’est inacceptable pour les peuples qui fonctionnent lorsqu’ils sont en masse, en foule, en noir ou blanc.

Ensuite, il y a le calendrier et le balisage du terrain de combat. Pour que Sarkozy ait un avantage en choisissant cet axe, il eut fallu planter le décor de l’élection plus tôt et plus fermement. Il eut fallu imposer dans les médias le thème de la crise, il eut fallu que toute la droite, tout le monde aille dans ce sens. Ayant échoué à imposer le cadre de la crise comme cadre de l’élection, Sarkozy s’est battu sur ce terrain comme Don Quichotte, seul contre les moulins à vent, les adversaires l’ayant délaissé.

Ceci explique que vous ne voyez aucun programme cohérent de lutte et d’adaptation à la crise dans les programmes de gouvernement. Nous laissons de côté les extrêmes qui ont peut-être raison, mais qui sont hors d’actualité.

La crise, que les opposants ont perçu comme favorable à Sarkozy, ont choisi, à juste titre, leur objectif unique étant de gagner des voix, ils ont choisi de l’escamoter ou de n’en parler que de façon vague et creuse.

Il est possible aussi qu’on leur ait conseillé de ne pas être trop clair, car après clarification, il serait apparu que, à part quelques détails, les propositions des candidats dits de gouvernements étaient les mêmes. Bonnet blanc et Blanc bonnet.

Et cela, le système ne voulait pas que cela soit dit. Il faut maintenir le mythe d’une alternance, d’une opposition, bref le mythe de la démocratie.

Les conseils et l’entourage de Sarkozy ont pressenti le problème et compris qu’ils allaient à l’échec si on restait sur le terrain de l’alternance social-démocrate de droite contre social-démocrate de gauche et ils ont essayé de raidir, de durcir, de, comme ils ont dit, débusquer Hollande. De le placer sur le terrain réel. Ils ont été jusqu’à lui affubler des noms d’animaux particulièrement fuyants et glissants. Peine perdue, faute pour la droite de contrôler les médias, le thème s’est retourné contre eux, Hollande n’est pas rentré sur le champ de bataille,  il a continué à esquiver et la droite s’est discréditée par ses qualificatifs déplacés.

Notre idée est que, dès le départ, les conseillers de Hollande ont compris une chose fondamentale, à savoir que Sarkozy était battu d’avance et qu’ils n’avaient qu’une chose à faire pour ramasser le pouvoir, ne rien faire, ne pas faire de bêtise, ne pas faire d’erreur.

Et Hollande a bien tenu sa feuille de route, a minima, se contentant de travailler la forme, son style, son personnage, son aisance, tout en débitant quelques litanies classiques pour conforter les projections du peuple de gauche sur sa personne. Hollande a constitué un réceptacle, une forme en creux, lisse, pour récolter les projections anti-Sarkozy et les rêves pro-socialistes, anti-effort, du peuple.

Tout ceci nous conduit à une idée centrale qui ne doit pas passer inaperçue. Hollande n’a pas payé cher son élection. Il n’a pas dû promettre grand chose, il n’a pas fait beaucoup de promesses claires, manifestes, il a gagné son élection presque sans dette vis à vis de ses électeurs. Et cela est très important. Avec une élection à coût minimum, il a, à ce stade les mains libres. Son apparence de programme est très mince, en plus ce n’est pas celui du PS, il l’a réaffirmé, ce n’est pas celui de Mélenchon.  Mélenchon est d’ailleurs en train de faire le grand écart entre les anciens LCR et le PC et les syndicats pour s’en sortir. Mélenchon est dans la seringue.

Le fait de ne pas avoir de dette manifeste, de ne pas avoir promis grand chose est déterminant, mais cela a des limites. En effet Hollande n’a pas dette explicite, mais il a des dettes latentes vis à vis du peuple de gauche. On a voté sur une image, une forme en creux et d’une certaine façon, on en attend quelque chose même si ce n’est pas explicite.

La culture de gauche est là et elle attend des gestes, des signaux.

Hollande aura t il la même habilité à retarder, à maintenir dans le flou, les décisions et orientations implicitement attendues. Cela reste à voir.

Maitrisera t-il les forces que sa victoire va libérer? Forces de revanche, forces de libération, forces de haine quelquefois. Saura t-il imposer l’austérité qui est au centre, enfouie au cœur de son programme, bien dissimulée ? Saura t-il canaliser les aspirations à plus de jouissance et moins de morosité?

C’est dans cette épreuve de vérité, dans cette confrontation au réel qu’il se révèlera. N’est-il que ce qu’il est, ou bien est-il un autre Hollande que personne, pas même ses compagnons socialistes n’ont eu l’occasion de connaître?

BRUNO BERTEZ Le 6 Mai 2012

PLUS DE GRANDE FAUCHEUSE EN SUIVANT :

EN COMPLEMENTS : LA GRANDE FAUCHEUSE  A LETRANGER

Au Royaume Uni

Elections locales : Avec tous les résultats désormais connus pour les 181 conseils locaux en jeu en Angleterre, en Écosse et au Pays de Galles, les travaillistes ont remporté 823 nouveaux sièges, quand les conservateurs en ont perdu 405. Les libéraux démocrates, dont la popularité s’est effondrée depuis qu’ils se sont alliés aux conservateurs pour former un gouvernement en 2010, ont abandonné 336 élus. Ils n’ont jamais connu un tel désastre électoral lors de scrutins locaux en Angleterre. Sur le plan national, le Labour a réuni 38 % des suffrages, contre 31 % pour les conservateurs et 16 % pour les Lib Dems. La participation a été faible (32 %).

En Grèce 

Les deux partis pro-rigueur grecs Pasok (socialiste) et Nouvelle Démocratie (droite) se sont effondrés lors des législatives dimanche, rassemblant entre 31 et 37% des voix à eux deux, jetant un doute sur la capacité de la Grèce à honorer ses engagements au sein de la zone euro.

Si elle se confirmait, cette débâcle, annoncée par un sondage sortie des urnes diffusé par les chaînes de télévision, rendrait quasi impossible la formation d’un gouvernement de coalition par ces deux partis pour poursuivre la politique de rigueur dictée par l’UE et le FMI. Pour obtenir une majorité absolue au parlement, soit 151 sièges, ils avaient besoin d’au moins 37% des voix à eux deux.Un mandat pour former un gouvernement devrait néanmoins être accordé au chef du premier parti, la Nouvelle Démocratie, qui a obtenu entre 17 et 20% des voix contre 33,5% en 2009 et qui a revendiqué la place de premier parti.

Le scrutin a été dominé par la contestation de la politique d’austérité menée sous l’impulsion des bailleurs de fonds du pays, donnant au petit parti de la gauche radicale Syriza entre 15,5 et 18,5% des voix, selon le même sondage diffusé par les télévisions à 16H00 GMT.Selon ce sondage, le parti socialiste Pasok enregistre une chute historique avec un score compris entre 14 et 17% contre 43,9% en 2009. Il perd même la seconde place au profit du Syriza qui lui enregistrait seulement 4,6% des voix il y a trois ans.Quant au parti d’extrême droite Aube dorée, il devrait, comme attendu, faire son entrée au Parlement.

En Allemagne

La coalition CDU-FDP au pouvoir en Allemagne sort perdante des élections dimanche dans le Land du Schleswig-Holstein, d’après les résultats de sondages sortie des urnes dévoilés par la télévision allemande. 

Ce scrutin local constitue un test du soutien dont bénéficie la coalition conservateurs-libéraux dirigée par Angela Merkel, 16 mois avant les élections législatives prévues au niveau fédéral en Allemagne. Selon les sondages sortie des urnes, la coalition CDU-FDP qui gouvernait jusqu’ici le Land du Schleswig-Holstein n’a pas atteint la majorité des voix dont elle avait besoin pour rester au pouvoir. 

Les chrétiens-démocrates de la CDU ont remporté 30,5% des voix, tandis que leurs partenaires libéraux du FDP en ont obtenu 8,5%. Les sociaux-démocrates du SPD, le principal parti d’opposition, affichent quant à eux un score de 29,5%, montrent ces sondages. Les Verts ont remporté 14% des voix et le jeune parti des Pirates 8%, un score qui lui permettra de faire son entrée dans un troisième Parlement régional

9 réponses »

  1. Une fois encore, MER.CI pour ce résumé impeccable de la situation.
    Laquelle au vu des résultats des AUTRES élections laisse présager une aggravation considérable
    des tensions entre les états, compte tenu de la pression populaire et des conséquences
    à tirer de ces élections. Les allemands cherchant apparemment à durcir une situation
    que les autres souhaitent assouplir ! La réaction des marchés demain ?
    Pfiouuu, va y avoir d’l’ambiance j’cré ben !

    Quand au nouveau président de la France, ce qui me vient à l’esprit pour le saluer
    c’est cette saillie (sic) que l’on a prêté à Georges Clemenceau :

    LE MEILLEUR MOMENT DE L’AMOUR ? C’EST QUAND ELLE MONTE L’ESCALIER !

    Ouais, pis après me direz vous ?

    Ah ! Ben là ? Tiens, une évocation de la « botte » :

    « E LA MI.SE;RIA !!! »

  2. Lundi 7 mai :

    Nous ne pensons pas qu’il convient d’attacher beaucoup d’importance aux réactions à chaud des médias, des marchés, de la foule . Chacun, comme on dit voit midi à sa porte et ce n’est pas le temps d’espérer un peu de clairvoyance.

    Les chefs d’État européens sont dans leur role en félicitant Hollande.
    Les marchés aussi, dans leur, réaction à chaud négative a l’égard de l’euro.

    Nous attirons votre attention sur le fait qu’il est impossible de discerner à ce stade la réaction des marchés provoquée par l’élection de Hollande et celle qu’il faut attribuer aux incertitudes grecques.

    Les médias anglo saxons affirment que c’est la crise qui a  »viré’ Sarkozy, ils considèrent que le résultat des élections en Europe, y compris en Allemagne vont mettre la pression sur Merkel. Pourquoi pas ?

    Le Spiegel qui est un bon barométre reste prudent sur cette question et préfère centrer son commentaire sur Hollande avec un titre » un nouveau président pour la France , il a vocation à décevoir ».

    L’article explique assez habilement que Hollande aura du mal à tenir ses promesses en raisons des réalités économiques.

    Pour Der Spiegel.  »Ses supporters seront amèrement décus ».

    Nous pensons que c’est cette position qui gouvernera l’attitude de l’ Allemagne ces prochains jours: réalisme, teinté d’un peu plus de diplomatie que d’habitude
    .

  3. Hollande n’avait déjà pas de dettes avant le second tour. Le report des voix mélenchonistes n’a pas été extraordinaire en sa faveur et il serait quand même insensé qu’il s’en invente une vis-à-vis de l’extrême gauche.

  4. « le résultat des élections en Europe, y compris en Allemagne vont mettre la pression sur Merkel »

    Si en France ni Hollande ni Sarkozy ont de marges de manœuvre, les choses peuvent changer au niveau UE si plusieurs gouvernements socialistes se coalisent.
    Personnellement, jamais un résultat n’a été si escompté, partout en Europe le gouvernement en place est sanctionné.
    Merkel peut donc avoir la pression dans les mois à venir et en tout cas, en 2013 elle pourra s’en aller, elle aussi elle sera en toute probabilité sanctionnée par le vote. Entre temps, mon seul espoir dans tout ce cirque est que les socialistes européens puissent, pour une fois, faire quelque chose de gauche, aller « renégocier les traités ».

    Si cela suffit pour changer les choses, j’en doute fortement, mais le nain a été viré et ce n’est pas plus mal !

    PS : « a été viré » = va parier sur le marché de la dette avec son frère aux USA !!!

  5. Les têtes de tous les leaders politiques sur les plateaux télé étaient assez éloquentes : aucune joie apparente, presque aucun sourire… Seule la rue semblait exulter. Le signe que la situation va très vite se compliquer… et les électeurs déchanter ? Probable.

  6. Politique Friction du 7 Mai 2012 : Gare toi à gauche, gare toi à droite. , le combat de Hollande commence

    Nous tenons à vous préciser que nous ne nous associons pas au catastrophisme ou mème au déchainement des passions que certains tentent de susciter. Il faut raison et sérènité garder.

    Les manifestations de joie, d’intolérance, voire de haine sont à prendre en considération car elles témoignent de la profonde fracture qui divise la France.

    Pour que vous en soyez sûrs, nous vous proposons de les toucher du doigt en allant voir les blogs de l’Humanité et surtout celui de Christian Picquet bras droit de Mélenchon, à moins que ce ne soit son rival.

    Vous mesurerez à la lecture de ces médias l’écart qui existe entre ce que Hollande affiche et ce que ses troupes les plus extrèmes demandent ou espèrent.

    De mème ne vous faites pas d’illusions, sur l’état réel de la France et portez attention aux manifestations de la jeunesse, Il y en a eu des exemples dès le soir de l’élection. Notre analyse sur la France infantile et nevrosée est de plus en plus valable.

    Ayant reconnu les tentations et les mesurant vous les remettrez à leur place, il s’agit de tentations il ne s’agit pas de programmes. Hollande n’a nullement avalisé cela et au contraire comme nous l’avons analysé et le smart money internantional avec nous, Hollande a tenté de se frayer un passage à minima.

    On ne peut lui faire de procès d’intention au-delà de ce qui l’engage et ce qui l’engage à ce stade c’est une sociale démo , certes qui n’est pas notre tasse de thé , mais une sociale démo de type Blair.

    Hollande a-t-il de l’étoffe ? Personne, mème ses amis et surtout ennemis socialistes ne le sait, il n’a jamais fait ses preuves. Ses premiers pas ne veulent rien dire il est dans le rève , le mythe, sur le petit nuage.

    Il a, à court terme, deux écueils terribles à éviter

    – Celui du débordement sur sa gauche, sa tendance sociale démo n’est pas majoritaire à gauche loin de là, donc le risque est le débordement domestique

    -Celui du débordement en Europe, les faibles européens, les condamnés , ceux qui n’ont aucune chance de recoller au peloton conduit pas l’Europe du Nord veulent en faire leur chef, leur champion. C’est un piège et si Hollande tombe dedans , c’est la GRANDE AVENTURE. Il faut qu’il résiste et refuse d’etre adoubé par le front du refus européen.

    La France ne doit pas rejoinde ce camp des sinistrés, elle n’en est pas là.

    Sa situation a été aggravée par précisement ces sinistrés dont elle a accepté de prendre en charge et garantir la dette. Seule, si elle n’est pas plombée par la solidarité européenne, la France n’est pas dans ce camp-là.

    Hollande saura t il résister à la griserie ?
    Ses conseils seront-ils à la hauteur ?
    Les médias pour une fois auront-ils un peu d’intelligence ?
    La fabrication de l’Opinion en ces prochains jours sera centrale.
    Du côté de la nouvelle opposition, il faut noter que l’on n’est pas encore operationnel.

    • Note La dichotomie se manifeste sur les marchés
      Vous avez noté la forte hausse des marchés des pays faibles, Italie et Espagne avec près de 3 pour cent.
      Vous avez noté la baisse sensible en Grande Bretagne et la quasi stabilité en Allemagne.
      La bourse de Paris a fait une belle hausse environ 1,7 pour cent , mais à mi chemin ce qui traduit bien la position de la France dans la hiérarchie européenne.

      • @Bruno Berthez. Tout a fait mais rien de nouveau. La bourse française réalise des performances conforme à la géographie depuis un moment, à mi-chemin entre l’Allemagne et l’Espagne. Ce qui est intéressant c’est la nette surperformance du sud aujourd’hui. Le marché veut jouer la lune de miel entre Merkel et Hollande on dirait car c’est effectivement le sud qui bénéficierait le plus d’un infléchissement allemand. UN LTRO 3 semble de toute façon inévitable et ça s’est positif…à court terme.

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