Art de la guerre monétaire et économique

A trop « tirer » sur la corde la Fed risque d’épuiser ses munitions(actualisé au 21/2012 à 6h15)

A trop « tirer » sur la corde la Fed risque d’épuiser ses munitions(actualisé au 21/2012 à 6h15)

 

Les débats risquent d’être animés entre les gouverneurs de la banque centrale américaine. Avec une question à la clé: quelle mesure la Fed va-t-elle annoncer pour soutenir l’économie?

EN LIEN : Les Clefs pour comprendre : Les multiples visages de la déflation Par Bruno Bertez

La Réserve fédérale (Fed) a débuté ce mardi une réunion de deux jours pour décider de la politique monétaire des États-Unis. Les économistes sont partagés au sujet de la décision que la banque centrale américaine pourrait annoncer mercredi car malgré une inflation contenue et une croissance économique décevante, la Fed risque de voir diminuer l’effectivité de ses mesures de soutien à l’économie.

Ben Bernanke, le président de l’institution monétaire, l’a lui-même reconnu lors de sa traditionnelle audition devant les parlementaires des États-Unis le 7 juin: de nouveaux achats d’actifs pourraient soutenir l’économie mais pourraient aussi donner des  » rendements décroissants  » parce que les taux d’intérêt sont déjà proches de leurs plus bas niveaux historiques.

En achetant des obligations gouvernementales sur le marché, la Fed agit sur les taux d’intérêt, qui diminuent de façon mécanique quand les cours obligataires augmentent. Cette baisse de taux est censée décourager l’épargne, encourager les achats et ainsi soutenir les investissements, les dépenses et, par extension, la croissance économique.

 

PLUS D’HELICO BEN EN SUIVANT :

Quantitative easing

Cet instrument de politique monétaire a été beaucoup sollicité depuis 2008, parce que la Fed a déjà utilisé toute la marge de manœuvre de son principal outil : les taux directeurs. Le taux d’intérêt de référence des États-Unis a été ramené dans une marge allant de 0% à 0,25% en décembre 2008, soit trois mois après la faillite de Lehman Brothers qui a provoqué l’explosion de la crise financière mondiale.

Les achats d’obligations, officiellement qualifiés de  » quantitative easing  » (QE) ou assouplissement quantitatif, ont donc pris le relais dans la fixation de la politique monétaire. Annoncée dès 2008, une première phase d’achats d’obligations gouvernementales, ou QE1, a été exécutée jusqu’en mars 2010. La Fed a dépensé 900 milliards de dollars dans ce cadre. Mais  » dépensé  » n’est pas le terme approprié puisque la banque centrale a créé cet argent par une simple inscription comptable dans son bilan : la planche à billets a donc tourné.

Pas suffisamment pour relancer l’économie puisque la Réserve fédérale a dû annoncer un QE2 en novembre 2010, à hauteur de 600 milliards de dollars. Cette opération a pris fin en juin 2011.

La promesse de la Fed

Les performances de la première économie mondiale restant en deçà des attentes, les banquiers centraux américains ont ensuite annoncé une opération dite  » Twist « , qui consiste pour la Fed à vendre des titres à maturité courte pour acheter des obligations à long terme, afin de faire pression sur les taux d’intérêt à long terme, toujours dans le but de soutenir les investissements et la consommation. Ce programme, débuté en septembre 2011, prendra fin le 30 juin et aura concerné des titres d’une valeur globale de 400 milliards de dollars.

Tout en annonçant cette opération Twist, la Fed avait promis de maintenir son principal taux directeur au plancher jusqu’à la moitié de l’année 2013 au moins. Mais en janvier dernier, constant que ces mesures ne délivraient pas les résultats escomptés, la banque centrale américaine avait prolongé cette promesse, annonçant un taux proche de 0% au moins jusqu’à la fin de l’année 2014. Cet engagement à garder des taux nuls est, à ce jour, le dernier outil innovant de la politique monétaire des États-Unis.

Les analystes financiers se demandent donc ce que la Fed pourrait bien annoncer ce mercredi, à l’issue de sa réunion. Sur vingt et une des principales institutions financières traitant avec la banque centrale, douze estiment que celle-ci devrait annoncer un nouveau stimulus pour soutenir la croissance économique, alors que neuf considèrent que la Fed n’agira pas parce que les taux d’intérêt proches de leurs planchers historiques limitent l’effectivité de mesures supplémentaires, rapporte l’agence Bloomberg.

Statistiques décevantes

Les indices obligataires de Bank of America Merrill Lynch montrent que les taux des obligations d’entreprises ont baissé jusqu’à 3,44% en moyenne, contre plus de 8% début 2009. Selon des courtiers, ces taux ne peuvent pas baisser encore beaucoup plus : à partir d’un certain niveau de taux d’intérêt, une nouvelle baisse aurait beaucoup moins d’impact sur l’économie.

Voilà qui n’arrangera pas les banquiers centraux américains puisque les statistiques récentes prouvent que l’économie américaine croît à un rythme inférieur aux objectifs. En mai, 69.000 emplois ont été créés, soit le nombre le plus faible en un an, et le taux de chômage a atteint 8,2%, contre 8,1% un mois plus tôt, selon le rapport mensuel du département du Travail des États-Unis, publié le 1er juin.

De plus, vendredi dernier, la Fed a annoncé que la production industrielle avait diminué de 0,1% en mai, alors que les analystes financiers tablaient sur une croissance.

Après ces statistiques décevantes, certains économistes ont réduit leurs prévisions de croissance économique. Ainsi, la banque d’affaires JP Morgan s’attend désormais à une progression du produit intérieur brut (PIB) américain de 2% (en rythme annuel) au troisième trimestre, contre une croissance estimée à 3% auparavant.

Banquiers centraux divisés

La Fed publiera elle aussi de nouvelles projections économiques mercredi. Elles devront tenir compte de la dégradation du marché de l’emploi aux États-Unis.

La seule bonne nouvelle que la Fed devrait acter dans son communiqué est la stabilisation de l’inflation à un niveau relativement bas. Les prix à la consommation ont augmenté de 1,7% en rythme annuel en mai, soit la plus faible hausse depuis janvier 2011. L’objectif d’inflation de la Fed est de 2%.

 

Théoriquement, une inflation sous contrôle autorise la banque centrale américaine à opter pour de nouvelles actions de soutien à l’économie, même si ces mesures sont considérées comme inflationnistes. Mais le risque d’une faible effectivité de ces mesures pèsera probablement dans le débat au sein du comité de politique monétaire.

D’ores et déjà, les membres de ce comité semblent très divisés. Jeffrey Lacker, de la Fed de Richmond, a voté contre les trois dernières décisions de la Fed parce qu’il considère qu’il faudra relever les taux directeurs dès l’année prochaine. Charles Evans, de la Fed de Chicago, a quant à lui déclaré dans une interview qu’il était en faveur d’une politique monétaire beaucoup plus accommodante. Entre ces deux extrêmes, d’autres banquiers centraux sont considérés comme attentistes. Ce qui explique pourquoi il est très difficile de prédire ce que décidera la Réserve fédérale. Réponse mercredi soir : à 18h30, la décision de politique monétaire sera annoncée et à partir de 20h15, Ben Bernanke tiendra une conférence de presse.

par Philippe Galloy /L’Echo juin12

EN COMPLEMENT INDISPENSABLE  : Inquiète, la Fed prolonge son «opération Twist» La banque centrale américaine veut éviter une panne de l’emploi

La banque centrale des Etats-Unis (Fed) broie du noir. L’emploi va mal, le secteur immobilier reste «déprimé», les dépenses des ménages augmentent moins que l’an passé, et les «traumatismes dans les marchés financiers» continuent de peser sur les perspectives économiques. Mercredi, elle a par conséquent annoncé qu’elle allait prolonger son programme d’échanges d’obligations du Trésor américain jusqu’à la fin de l’année pour tenter de faire baisser encore un peu plus les taux d’intérêt à long terme. Son Comité de politique monétaire (FOMC) a annoncé que ce programme censé s’achever au 30 juin se poursuivrait jusqu’au 31 décembre au même rythme qu’actuellement.

La Fed et son président, Ben Bernanke, comptent ainsi troquer sur les marchés d’ici au second semestre pour 267 milliards de dollars de bons du Trésor d’une maturité restante de moins de trois ans contre un montant égal d’obligations d’Etat d’une maturité de 6 à 30 ans.

Taux quasi nul

Ce montant s’ajoutera aux 400 milliards de dollars de titres de dette publique qui auront été échangés à la fin du mois depuis le lancement, en octobre, de ce programme surnommé «opération Twist». Pour maintenir au plancher les taux courts, la Fed a annoncé le maintien de son taux d’intérêt directeur quasi nul en vigueur depuis trois ans et demi et a renouvelé son engagement à le maintenir «exceptionnellement bas […] jusqu’à fin 2014 au moins» si nécessaire.

«Le comité est prêt à prendre des mesures supplémentaires si nécessaire pour promouvoir une reprise économique plus forte et une amélioration durable du marché du travail dans un environnement de prix stables», peut-on lire dans son communiqué. Il en va de l’accomplissement de son double mandat, favoriser un emploi maximum et la stabilité des prix.

En réaction à son annonce, le taux à dix ans des bons du Trésor a légèrement faibli, à 1,68%. Wall Street en revanche n’a pas fêté le communiqué en restant, dans la foulée de sa publication, dans le rouge.

Un responsable du Comité monétaire, Jeffrey Lacker, a voté contre les décisions de ses pairs. Le président de la Fed de Richmond a procédé ainsi depuis le début de l’année. Le communiqué précise sa motivation: il «était opposé à la poursuite» de l’«opération Twist».

 Source Le Temps juin12

1 réponse »

  1. Bernanke fait partie des « colombes ». Il emportera le morceau. Je parie pour une extension du twist qui décevra les marchés, ceux-ci préférant un QE3.

Laisser un commentaire