Art de la guerre monétaire et économique

Politique Friction du Lundi 16 Juillet 2012 : François Hollande n’a pas totalement tort , mais il se trompe !!! par Bruno Bertez

Politique Friction du Lundi 16  Juillet 2012  : François Hollande n’a pas totalement tort , mais il se trompe !!! par Bruno Bertez

 L’idée fondamentale qui anime François Hollande et certains de ses conseillers est maladroitement exprimée sous forme de contre-vérité, mais, en réalité, elle est correcte. Elle résiste à l’analyse à condition que l’on se donne la peine d’en faire une. 

Cette idée fondamentale est que, depuis des décennies, on fait la part trop belle au capital. C’est une idée que nous partageons et nous l’avons maintes fois exposée.

François Hollande, Meeting à Clichy-la-Garenne le 27 avril 2011.

 

Part des salaires dans la valeur ajoutée brute des sociétés non financières en France

   Depuis des décennies,  la part du capital dans les revenus nationaux des grands pays industrialisés s’accroit, la part des salaires se réduit. Le phénomène est terriblement net aux Etats Unis et il s’est propagé au monde global industrialisé car ce sont les Etats-Unis qui fixent la contrainte de profit pour le capital en général. Pour bien comprendre cet article, il convient normalement de retourner en arrière et de lire, ou relire, nos articles de fond sur la crise et le système kleptocratique. 

La part des salaires dans la valeur ajoutée se réduisant, les consommateurs, pour maintenir leur niveau de vie, ont substitué de la dette à leurs revenus. 

Cette dette des uns est, bien sûr, devenue capital des autres, les prêteurs. 

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Nous avons assisté à une envolée extraordinaire de la masse de capital enfouie dans le système, capital fictif produit par la dette des consommateurs pour remplacer leurs revenus insuffisants, capital fictif, contrevaleur des dettes souveraines destinées à financer les déficits, capital fictif gonflé par le Ponzi de la création monétaire criminelle et les taux trop bas des Banques Centrales. 

Donc, si la masse de capital s’accroit et, qu’en même temps, le facteur travail est en position de faiblesse du fait du chômage et de la concurrence des pays à bas salaires, arbitrage international du travail oblige, rien d’étonnant si la part dévolue au capital dans la Valeur Ajoutée augmente et si, en contrepartie, celle qui revient au travail se réduit. On est, pour le travail, dans les étiages historiques les plus bas. 

Donc, fondamentalement, une analyse qui repose sur le fait que la part du travail est anormalement, historiquement insuffisante, tandis que celle du capital est excessive, cette analyse  est tout à fait fondée.

 Si vous regardez les cours de bourse, si vous interrogez les détenteurs d’actions, vous verrez que cela semble être une contre-vérité. Les porteurs d’actions n’ont rien gagné depuis la fin des années 90, nous écrivons de tête, mais il nous parait que l’indice S&P500 était autour des 1330 en 1999. Et encore en nominal.  Ce qui est sûr, c’est que l’investissement en actions est structurellement perdant depuis au minimum 13 ans, cela, nous en sommes sûrs. Les actionnaires ne constituent pas le groupe social qui a bénéficié de l’hypertrophie de la part du capital dans le revenu national.

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Nous ajoutons que cette perte, absence de rentabilité, est aggravée par la dérive monétaire, l’inflation, les frais bancaires, les impôts et la volatilité qui fait vendre le public toujours au plus mauvais moment. La propriété d’actions est spoliatrice, voilà la réalité.

 Mais si, en même temps, la part du capital dans les revenus nationaux a progressé très fortement, cela veut dire que ce ne sont pas les actionnaires qui se sont engraissés, mais les autres détenteurs d’autres formes de capital. Evident mon cher Watson. Encore faut-il réfléchir un peu. Et qui sont les détenteurs des autres  formes de capital? Ce sont les banquiers qui s’engraissent sur les dettes aux consommateurs et aux souverains. C’est le shadow banking system, ce sont les hedge funds, ce sont les desk des banques dans leurs opérations de marché et d’investissement. 

Donc, si Hollande et ses conseillers sont honnêtes, intelligents et travailleurs, ils doivent se rendre à l’évidence et, au lieu de stigmatiser les actionnaires, ils doivent les plaindre, prendre leur défense contre les vrais prédateurs, les banques, le shadow, la classe klepto en général. 

Ils doivent trier, passer le scalpel et faire la part du vrai capital, celui des actionnaires, des épargnants, des grandes familles industrielles et celui du faux capital, fictif, prédateur, monopolisateur, détourneur du bien commun que constitue la monnaie. 

Mais, bien sûr, ce n’est pas ce qui intéresse Hollande et ses conseils, ce qui les intéresse, c’est le grand « ôte-toi de là que je m’y mette ». Ils savent ce que nous écrivons, nous pouvons même leur faire une séance spéciale pour leur expliquer, mais ils n’en veulent rien savoir. Et oui, bien sûr, parce que ce que le capital, le vrai, détient, c’est ce qu’ils veulent, le Pouvoir. 

Toutes ces choses financières, ils les connaissent, mais ce qui les intéresse, c’est de prendre la place, l’autorité, le « Pouvoir du capital ». C’est le vrai, le seul objectif, la seule motivation de tous ces gens: le Pouvoir. Ils ne veulent pas de concurrent, ils ne veulent pas de limite à leur délire constructiviste. Rendez-vous compte, Hollande, qui n’a jamais géré une entreprise, ne sait pas lire un bilan, décoder une campagne de publicité, analyser une politique de marketing, une étude de marché, Hollande se permet de dire que PSA a commis des erreurs stratégiques! 

Nous sommes au fond du problème. 

Ils veulent conduire le monde, le plier à leurs caprices. La classe politique est une classe concurrente du privé. Elle ne se contente pas de prélever,  d’augmenter sans cesse sa  clientèle et le nombre de  ses sujets ayants droits, elle veut plus, toujours plus. Votre liberté lui fait de l’ombre. Les hommes politiques se sentent inférieurs, humiliés face à ceux qui, sur le terrain du réel, détiennent les leviers. C’est une question de complexe, le complexe de l’impuissance qui gère les abstractions face au Pouvoir qui gère le réel, ici et maintenant, hic et nunc. 

François Hollande, 1er Tour de l’élection Présidentielle le 22 avril 2012.

Donc vous comprenez pourquoi on ne s’attaque pas au capital fictif ; au contraire, on le chouchoute.  On le cajole, on spolie les citoyens, les entreprises, les actionnaires, les épargnants, les retraités, pour sauver le capital fictif. Normal, car le capital fictif est l’allié-clef, c’est lui finance la politique.  Il est comme la politique, une abstraction, un monde imaginaire d’impuissants qui gèrent les signes, les ombres, les rêves. Le vrai capital, le vrai travail, la vraie épargne ne vivent ni dans le rêve ni dans le phantasme, ils se coltinent le Réel, ils se le tapent, ils en jouissent. Poussez un peu plus loin l’analyse et vous comprendrez pourquoi les journalistes et autres médiacrates font partie de la même famille que les politiciens et les financiers. Cette famille forme un vaste monde infantile qui vit, qui s’enrichit sur la négation des limites, la négation de la rareté, la négation de l’obligation de choisir, la négation de la mort, bref, la négation de la Castration.

François Hollande, Invité à Des Paroles et des Actes.

Plus que jamais, nous sommes certains de voir juste, de viser en plein dans le mille, la classe politique, en tant que survivance infantile qui rêve de toute puissance, envie la classe dirigeante privée. Ce n’est pas un hasard si notre inconscient nous a fait épingler le Ministère du Redressement Productif du nom de Ministère du Viagra Productif, car tout est là, le désir, l’envie de montrer que l’on est un homme face au père qui détient la Puissance. On est en plein dans l’Œdipe de ces chers petits.

 

BRUNO BERTEZ Le Lundi 16 Juillet 2012

llustrations et mise en page by THE WOLF

EN BANDE SON :

9 réponses »

  1. Merci; j’ajouterais 2 commentaires:

    (i) la part du travail a encore plus baissé si on en retire la part dévolue aux dirigeants (à ceux que Morad el Hatab appelle les « mandataires principaux ») qui se sont servis des augmentations (hors stock options mais variable compris ) de 20 % par an et plus, tandis que celles des autres salariés étaient inférieures à l’inflation (ex : Dexia).

    (ii) dans la part du capital, ne faut il pas faire une place à part au capital à revenu fixe (les obligations), rente la plus pure, qui se trouve au croisement des intérêts des technocrates et de ceux des kleptocrates? cf la réglementation de l’assurance vie, conçue afin de détourner l’épargne (constituée en partie grâce à ‘allègement des impôts des plus favorisés) vers le financement des déficits publics

    :

    • @PRB

      Merci de votre intéret

      La stagnation des revenus réels du travail a été bien étudiée et le phénomène est incontestable , c’est un point acquis de l’analyse, une hypothèse de travail sur laquelle on peut s’appuyer. Il reste et vous avez raison que l’appréciation de ces évolutions mériterait d’ètre affinée. Hélas les données de la comptabilité nationale, de l’Insee , du Crédoc etc sont d’un autre age. Elles sont théorisées sur la base de ce que l’on savait en 1945 et de l’objectif que l’on poursuivait alors. Il est évident que tout cela devrait ètre revu, mis en chantier avec des méthodes nouvelles, des objectifs nouveaux qui colleraient mieux aux problèmes à résoudre.

      L’elaboration de statistiques ne peut etre dissociée de la reflexion sur l’usage que l’on veut en faire et bien sur les politiques , les syndicats ne tiennent pas a ce que l’on procede a des remises en cause qui , implicitement ruinent leur strategies de maintien en place.

  2. Article très pertinent !

    A déplorer : cette question cruciale de la « part décroissante des salaires dans la valeur ajoutée brute des sociétés non financières en France » (et dans le monde) ne risque-t-elle pas de passer inaperçue dans le débat de la société civile ?

    Pour illustrer de façon imagée cette problématique, j’ai pour ma part pris l’habitude de dire que la classe moyenne est écrasée entre le marteau (la finance) et l’enclume (l’état).

    Reste à faire comprendre cela aux peuples…
    Qui pour la plupart en sont encore restés à la lutte des classes…
    Quand c’est à une lutte des CASTES qu’on assiste désormais !

    Amicalement.

    • @Ferdinand

      Merci de votre intérêt . Votre réflexion sur la lutte des classes qui continue d’animer le mouvement social est non seulement pertinente mais fondamentale. On attend en fait que les soi disant intellectuels , que les grands prêtres de la pensée se fatiguent un peu et offrent de nouvelles interprétations aux antagonismes sociaux.

      Il est évident que le concept ancien de lutte des classes, n’est plus très utile pour comprendre ce qui se passe. Il n’y a plus beaucoup de prolétaires sauf chez les pays émergents. Il y a plus d’assistés et de prébendiers que d’exploités. Les classes moyennes sont partagées entre catégories sociales très diverses et aux intérêts divergents en raison du poids de la fonction publique. La grande alliance en cours entre le monde politicien, le monde financier, les très grandes entreprises internationales, les fonctionnaires, les minorités et les assistés qui bénéficient de la répartition, cette alliance en cours rend très difficile à la fois la compréhension et la démystification du système. La complexité de l’alliance en cours, son enchevêtrement me semblent l’obstacle de toute recomposition politique. Alors comment faire comprendre tout cela aux peuples?

      Si vous ajoutez :

      -La collusion de la médiacratie
      -Le grand schisme entre l’extrême droite et l’extrême gauche alors qu’ils ont une clientèle politique commune
      -Le jeu des divisions sociétales, les grelots que l’on agite du coté des évolutions de société comme l’immigration, le féminisme, le mariage homosexuel , afin d’empêcher toute unification

      Vous vous trouvez dans une situation de fragmentation du social et du politique qui profite à la grande alliance décrite ci dessus. Mon idée est que les stratèges cyniques de la politique encouragent cette fragmentation.

      C’est la raison pour laquelle, en l’absence d’un concept comme celui de lutte des classes et compte tenu de son dépassement, je préfère en rester à un clivage clair , Kleptos contre Victimes des Kleptos, Finances contre Production, Rêve de toute Puissance contre Monde Réel. Ce découpage binaire est un découpage à la hache , mais il donne des grandes lignes autour duquel organiser la critique et l’interprétation de la situation.

      De temps à autre , je propose d’affiner l’analyse et de distinguer par exemple à l’intérieur de la Finance celle qui est de pure pillage du bien commun, la monnaie, de celle qui est utile intermédiaire des échanges et de l’allocation des capitaux, mais je ne le fais qu’occasionnellement. Or le problème des inégalités est obscurci par les origines très différentes des patrimoines et de fortunes. L’accumulation du patrimoine productif n’est pas de même nature que l’accumulation de patrimoines financiers constitués par la pure spéculation a dès biaisés et cartes biseautées.

      La grande ligne de partage entre secteur public et secteur privé est elle aussi difficile à manœuvrer et instrumentaliser. D’une façon très globale, le public exploite le privé puisque les salaires dans le public sont maintenant supérieur de 700 euros par mois à ceux moyens du privé; Le public ne connait pas de chômage, ses retraites sont sures et favorables. C’est ce que j’appelle les planqués de l’arrière, par opposition a ceux qui sont exposés au front; Le taux de chômage réel de ceux qui sont exposés au front est de plus de 20% si on rapporte le nombre de chômeurs non pas à la population active totale qui comprend les fonctionnaires , mais à la population active du privé. C’est le vrai calcul, le seul qui a un sens .

      Le privé est moins payé, précarisé, sous employé; Et il vote contre ses intérêts!

      Je crois qu’il faut des grandes lignes d’analyse, il faut tenter de les appliquer aux situations concrètes, à l’actualité , démystifier, et peut être que peu a peu cela fera son chemin.

      J’aime répéter cette idiotie militaire, « une balle perdue n’est jamais perdue pour tout le monde ».

  3. Merci pour cette analyse pleine de bon sens.

    Je cite: « Le privé est moins payé, précarisé, sous employé; Et il vote contre ses intérêts! »

    J’avoue ne pas comprendre ; vous suggérez qu’un homme politique pourrait changer la donne ?
    Comment « le privé » pourrait-il défendre ses intérêts via la classe politique ?
    En quoi le vote pourrait-il inverser les rapports de force entre « l’alliance » et le privé ?

    Merci.

    • @connex

      Rien dans mes écrits ne permet de penser que j’attends quelque chose de la classe politique
      en revanche j’espère qu’enfin, face à la détresse les citoyens vont se politiser.

  4. Je ne suis pas d’accord avec votre titre : Hollande ne se trompe pas, il nous trompe !
    En tout cas, il trompe la masse.Il tient ce discourt parce qu’il n’a pas le droit d’en tenir un autre…Le proverbe  » quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt ».Le boulot de Hollande (comme celui de Sarko) est de nous faire regarder le doigt.
    Regarder le doigt c’est discutailler sur le sexe des anges ( tous les sujets qui fâchent et comblent le vide médiatique). Regarder la lune, c’est justement porter son esprit sur les sujets abordés que sur la blogosphère (ici par exemple, dans cet article).
    Je ferais une remarque concernant les fonctionnaires .Il y a quelques années encore, ils étaient maigrement payés par rapport au privé.La garantie de l’emploi contre un salaire médiocre.Mais , un fil du temps, les délocalisations, le chômage de masse a permis d’éroder les salaires du privé.Aujourd’hui, les fonctionnaires paraissent sur-payés…Mais rassurez vous, l’état est un patron comme les autres.A coté des CDI  » à vie « , il y a légions de « contractuels ». L’état peut maigrir très très vite…et réparer cette « injustice ». Après les plans sociaux privés, nous aurons les plans sociaux « publics », décorés de jolis rubans roses (bien plus jolis que les rubans bleus ). Encore des millions de chômeurs à nourrir…
    Les vrais planqués (les politicars en attende d’alternance, les pistonnés, …) ne seront pas touchés.Les services publics ne seront jamais réformés pour une meilleure efficacité mais bradés aux copains (cf autoroutes) .Le vrai but de cette liquidation est bien sur de « financiariser » ces services.Les prix ne baisserons pas — les coûts si.

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