Commentaire de Marché

Imprimer des dollars jusqu’à l’infini? Par Andreas Höfert

Imprimer des dollars jusqu’à l’infini? Par Andreas Höfert

Une certaine déception régnait dans les salles de marchés après le communiqué de presse de la Réserve fédérale mercredi passé. Bien que reconnaissant l’affaiblissement de l’économie et la situation morose sur le marché du travail US, la Fed n’a pas annoncé une nouvelle ronde d’assouplissement monétaire quantitatif (QE). Seul un petit glissement sémantique dans le communiqué de presse suggère une telle possibilité lors du meeting de la Fed en septembre.

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Mais jusqu’où la Fed et les autres banques centrales peuvent-elles vraiment aller? N’y a-t-il pas de limite à l’assouplissement quantitatif? Le gourou de l’or, Jim Sinclair, probablement l’un des commentateurs les plus pessimistes des marchés, parle de «QE jusqu’à l’infini», qui lui semble aussi inévitable que la mort ou l’impôt.

En fait, l’infini pour la Fed serait 17 000 milliards de dollars ce qui équivaudrait, d’après le scénario pessimiste du Bureau du budget du Congrès américain, à l’encours de la dette publique US d’ici deux à cinq ans. Donc, à un moment ou à un autre, la Fed détiendra la totalité de cette dette. Est-ce seulement possible?

Tout à fait. En 2002, lorsqu’il n’était qu’un des membres du directoire de la Fed, M. Bernanke a tenu l’un de ses plus (tristement) célèbres discours: «Déflation: faire en sorte que «cela» n’arrive pas ici». Il y a énuméré toutes les mesures que la Fed pouvait prendre pour éviter la déflation, y compris le plafonnement des taux d’intérêt des bons du Trésor. Pour faire respecter ce plafond, la Fed «s’engagerait à acheter des quantités illimitées de titres du Trésor».

Mais quelles seraient les conséquences de l’achat de 15 000 milliards de dette supplémentaires, s’ajoutant aux 2000 milliards déjà détenus par la Fed? Cela multiplierait par sept la base monétaire US actuelle, et par 22 la base monétaire d’avant la crise de 2007-2008. Ce dernier chiffre peut paraître démesuré. Il équivaut à peu près à la progression des 60 dernières années, entre 1948 et 2008.

En supposant que les mécanismes de transmission de la base monétaire vers les prix restent là où ils sont actuellement, reflétant certaines tendances déflationnistes, une multiplication par 22 de la base monétaire pourrait aboutir à une multiplication des prix par 10 à 15 par rapport à ceux de 2007-2008.

S’agirait-il d’une hyperinflation? Cela dépend. Une multiplication par 10 des prix sur 20 ans correspond à un taux d’inflation annuel moyen de 10-15%, ce qui est une inflation élevée mais pas une hyper­inflation. La même hausse en cinq ans signifierait un taux d’inflation annuel moyen de 60%, ce qui se rapproche déjà plus de l’hyperinflation.

Ce petit calcul indique qu’un «QE jusqu’à l’infini» n’est guère probable à long terme, à moins de supposer que la Fed ne devienne totalement irresponsable. Il devrait aussi doucher l’enthousiasme des participants au marché qui fêtent l’arrivée de chaque nouveau QE.

Par Andreas Höfert, économiste en chef à UBS/Le Temps aout12

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