Art de la guerre monétaire et économique

Raillée et tancée par l’étranger, la Banque nationale suisse se défend

Raillée et tancée par l’étranger, la Banque nationale suisse se défend

La Suisse est comparée à la Chine, en raison de l’explosion de ses réserves de changs. Les effets secondaires du taux plancher font débat

Le plancher fait jaser. Et ce n’est pas tant à cause de la politique adoptée par la Banque nationale suisse (BNS), voilà bientôt un an. «Lorsque l’on explique à nos homologues étrangères la raison pour ­laquelle nous avons choisi de défendre un taux plancher, nous sommes assez bien compris, assure-t-on à la BNS. L’été dernier, le mouvement de hausse du franc était si brutal que cette intervention était justifiée.» 

En empêchant sa monnaie de s’apprécier, la Suisse n’est pas accusée d’un quelconque protectionnisme vis-à-vis de ses exportateurs. En fait, ce sont plutôt les conséquences et les effets collatéraux de la défense du taux de 1,20 franc pour 1 euro qui provoquent ironie et agacements.

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 L’ironie d’abord. Alors que la BNS vient de dévoiler le détail de ses réserves de change, la presse économique étrangère se moque. «Il y a une nouvelle Chine sur le marché», écrivait Alice Ross, du Financial Times, la semaine dernière, s’appuyant sur les propos du chef de la stratégie en devises au sein de Citigroup, Steven Englander, qui qualifiait le pays de «Chine naissante».

 Ce mardi, la BNS a annoncé qu’en conséquence «de la défense du seuil de 1,20 franc pour 1 euro», ses réserves ont à nouveau fortement augmenté en juillet: +41,4 milliards, à 406,5 milliards de francs. Soit, en trois mois, une hausse de quelque 115 milliards. Avant même ce dernier chiffre, la Suisse est ainsi devenue la sixième plus grande détentrice de réserves de change au monde, derrière la Chine, le Japon, l’Arabie saoudite, la Russie et Taïwan. «Voilà donc la petite Suisse, adepte de la démocratie directe, propulsée au rang de monarchie pétrolière ou de géant émergent», a écrit latribune.fr, mardi.

 Le Monde, lui, a choisi le 1er août pour allumer la mèche. «En achetant des dizaines de milliards d’euros pour stabiliser sa monnaie, la BNS a préparé le terrain à de sérieux contrecoups sur le marché des changes.» Pour l’éditorialiste, c’est sûr: lorsque la BNS cherche à revendre une partie des euros qu’elle accumule durant son combat, elle provoque des remous sur les monnaies qu’elle acquiert, comme le dollar australien ou la couronne suédoise qui, toutes deux, battent déjà des records contre l’euro. Et qui, le problème est bien connu dans nos contrées, nuisent à la compétitivité des produits exportés.

 Pour Geoffrey Yu, analyste chez UBS, «la Suède va devoir mener sa politique monétaire en prenant celle de la BNS en compte». Pas de commentaire du côté de la Riksbank – la banque centrale suédoise. «C’est une discussion récurrente dans le pays. On nous interroge chaque semaine à ce sujet», raconte un porte-parole depuis Stockholm.

Si conflit entre banques centrales il y a, celui-ci reste en coulisses. Mais pour Thomas Stucki, ancien responsable de la gestion des réserves de devises à la BNS, désormais responsable des investissements chez Hyposwiss Private Bank, les échanges entre la BNS et la Riksbank sont plutôt coopératifs: «La BNS a sans doute informé son homologue avant de vendre des euros pour acheter des couronnes.»

A Berne, la BNS répète qu’elle cherche à diversifier son portefeuille de devises «de façon prudente» et souligne, pour preuve, la lente évolution de la part dédiée aux «autres» monnaies (voir l’infographie ci-contre). Thomas Stucki confirme: «La BNS est très attentive à ne pas provoquer de mouvements brusques sur le marché.»

Les résultats intermédiaires de l’institut d’émission ne le contredisent pas. La part d’euros dans les réserves est en forte augmentation. En seulement trois mois, elle est passée de 51 à 60%. Certains considèrent que la BNS peine désormais à revendre les euros qu’elle amasse par milliards. «Elle n’a pas à les revendre dans l’immédiat, cela peut-être très progressif», relativise le spécialiste de Hyposwiss Private Bank.

Plusieurs analystes sont déjà prêts. «Les «monnaies de diversification» devraient être soutenues, si la présence de la BNS est remarquée dans le marché», selon un stratège de Rabobank. Pour Thomas Stucki, c’est d’ailleurs moins les opérations de la BNS elle-même que celles des suiveurs qui provoquent de fortes variations sur ces devises.

Par Servan Peca/Le Temps aout12

3 réponses »

  1. Le plancher à 1,20 finira par céder, comme toute mesure artificielle, lorsque l’euro lui-explosera, probablement par la sortie de l’Allemagne et autres pays du Nord qui en auront assez de financer le Club Med.

    • Il y a 100 milliards de petits (sic) francs suisse (achetés ces 6 derniers mois) qui sont de votre avis ….
      Ben ? Ouais, moi AUSSI ! (lol)

  2. Particulièrement affectée par la crise des subprimes , l’UBS a enregistré des sorties nettes de 226 milliards de CHF et une perte de 19,697 milliards de CHF en 2008. Elle a été recapitalisée trois fois à hauteur de 6 milliards de CHF et la BNS lui a racheté des actifs toxiques pour 39,1 milliards de dollars au cours de la même période.

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