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Humeurs de Loup du Vendredi 26 Octobre 2012 : A propos du risque, il y a risque et risque….Par Bruno Bertez

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Humeurs de Loup du Vendredi 26 Octobre 2012 : A propos du risque, il y a risque et risque….Par Bruno Bertez 

Les acheteurs d’actions ne sont pas des rentiers, malheureusement ce sont des joueurs.

  Voici l’occasion d’exposer un point de vue sur cette question sur laquelle j’ai réfléchi il y a fort longtemps, au début des années 80.

J’ai écrit à cette époque un article intitulé « l’exploitation de ceux qui financent les investissements ». J’expliquais alors que les entreprises ne rémunéraient les actionnaires qu’à la portion congrue et que ces derniers ne recevaient qu’une maigre part de ce que leur épargne avait servi à financer. Il ne faut pas confondre la charge de foin que l’âne peut porter avec la poignée qu’on lui accorde pour se nourrir et reconstituer sa force de travail écrivais-je; ce qui est la définition même de l’exploitation.

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La France n’a depuis que je fais ce métier jamais été capitaliste.

Dans les années 70/80, elle a vécu dans un système de capitalisme monopolistique d’Etat, cooptatif, caractérisé par l’alliance entre l’Etat et les managers non propriétaires sur le dos des actionnaires. Les meilleurs exemples étant les banques, la CGE, et autres grands groupes façon Ambroise Roux et sa clique du CNPF.

L’actionnaire, non seulement était exploité, mais il était cocu, il y avait peu d’OPA, peu de sanctions, en fait il ne retrouvait jamais l’autofinancement qu’il avait laissé à la disposition de l’entreprise. Les journaux étant en plus à la botte du patronat et de l’Etat réunis.

Avec le début des années 80 et la financiarisation, création des synthétiques, des marchés d’options, des dérivés etc. une loterie a été branchée sur le marché financier. Cela existait avant, mais cela a été industrialisé afin de faire baisser le coût du capital et augmenter les possibilités de drainage.

L’idée étant que le joueur a toujours tendance à s’exagérer ses chances de gagner au jeu, les « gros » allaient pouvoir faire jouer les petits et les tondre afin de faire baisser le coût de l’argent collecté.

L’actionnaire est devenu passif; l’action est devenue passion; celui qui était censé être actif est devenu passif, attendant le résultat d’une loterie tirée par d’autres plus puissants et cyniques.

Depuis, je soutiens que, être actionnaire ce n’est plus investir dans un actif qui présente des risques, mais participer à un jeu de hasard dont les règles sont exogènes à l’économie et à la finance d’investissement.

Ce n’est que dans le cas, maintenant exceptionnel, de l’investissement à long terme, effectué sur des bases fondamentales, sur des analyses endogènes aux sociétés et à l’économie que l’action est et mérite son qualificatif d’asset à risque.

J’ai un ami, fondamentaliste, l’un des plus brillants de sa profession aux Etats Unis, d’une rigueur extrême, qui gère 24 milliards de dollars et qui, depuis 2007, n’investit que sur les critères traditionnels tout en couvrant à 100% son risque de marché.

Lui est un investisseur qui comprend le vrai risque. Tout en étant couvert à 100% contre le risque de marché, il est investisseur sur des assets à risque, des actions, des vraies qu’il gère activement sans attendre le tirage des loteries Bernankiennes.

Mais notez bien que le risque dont je parle est un risque endogène à l’investissement et non pas un risque abstrait de marché. Un risque de jeu Ponzi. La rentabilité d’un vrai investissement à risque est secrétée par l’entreprise, non par l’imbécile qui vient vous acheter plus tard ce que vous avez acheté la veille.

L’originalité de ma démarche est là : je refuse que la mesure du risque de l’investissement en actions soit faite par les théories modernes, la volatilité, bref, soit faite par mesure de ce qui se passe sur les marchés.

Je récuse que les marchés expriment le réel, je récuse que le risque puisse être mesuré par la volatilité; je récuse tout l’édifice, que j’ai détruit en son temps, de la théorie des marchés efficaces, et autres. Les marchés traduisent un peu de réel, beaucoup d’idéologies, encore plus de rapports de forces. Les marchés sont pires que des prismes, ils sont des pièges.

Ces théories confondent le signe que les intellectuels plaquent sur le réel avec le réel proprement dit. Elles ne tiennent pas compte du fait que, pour que les équivalences qu’elles tracent soient vérifiées, il faut que quelqu’un joue de son autorité pour les imposer, toujours envers et contre tout.

Pourtant, j’ai eu raison puisque pour que les équivalences, pour que les théories fonctionnent, il faut que la liquidité soit assurée à l’infini, bref que les banques centrales garantissent le « PUT », ce qu’elles sont toutes obligées de faire.

La théorie des marchés sur laquelle repose toute la financiarisation et tout l’édifice moderne des marchés impliquait comme je l’ai dit à l’époque, que la liquidité soit sans limite et toujours, toujours garantie. Bref, elle impliquait l’acceptation du risque de destruction, mieux, la certitude de la destruction de la monnaie. J’ai expliqué ceci dans un très vieil article intitulé « Les nains de l’intelligence » qui m’a valu beaucoup d’amis.

Il n’y a pour ainsi dire plus d’actionnaires, plus que des joueurs, joueurs d’un jeu biaisé, déconnecté de la réalité; pire, les joueurs ne comprennent pas les règles du jeu; pire, ils sont méprisés alors qu’ils servent de chair à canon de la guerre financière.

BRUNO BERTEZ Le Vendredi 26 Octobre 2012

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