Behaviorisme et Finance Comportementale

Edito du Samedi 10 Novembre 2012 : Les mystères de l’argent Par Bruno Bertez

Edito du Samedi 10 Novembre 2012 : Les mystères de l’argent Par Bruno Bertez

Tout  ce que vous avez toujours voulu savoir sur la crise, la sortie de crise, et qui reste caché.

Avertissement. Comme tout ce que nous écrivons, le texte qui suit est expressionniste. Nous forçons le trait. Nous caricaturons. Nous supprimons tout ce qui n’est pas essentiel. Nous essayons de produire une sorte de logique cristallisée.

   Aux yeux de beaucoup, la crise de 2008 parait mystérieuse. Ils ne comprennent pas :

–         En quoi a consisté la crise

–         Comment on en est arrivé là

–         Comment on a fait face

–         Pourquoi rien n’est résolu.

Il est évident que les responsables de la conduite des affaires n’ont rien fait pour expliquer aux citoyens ce qui s’était passé avant 2008. Rien fait pour expliquer ce que l’on avait fait en 2009. Rien fait pour expliquer ce que l’on continue de faire depuis. La démocratie a ses limites.

Les mystères sont d’autant plus épais que, plutôt que d’analyser,  puis d’expliquer, puis de débattre, il a été choisi d’opacifier, de travailler dans l’ombre et de couvrir le tout par une généralisation du système du bouc-émissaire.

Rappelons les boucs-émissaires les plus souvent désignés. L’ordre est plus logique que chronologique :

–         La spéculation sur l’immobilier américain

–         L’innovation financière

–         L’avidité des banquiers

–         L’insuffisance de règlementations et de contrôles

–         La paresse et d’excès de consommation des peuples

–         Les Etats-Providence, l’insuffisance de taxation

–         L’égoïsme des pays créditeurs, Allemagne, Chine, …

–         Les inégalités de revenus et de fortunes

Pour ne citer que quelques-uns parmi les boucs émissaires stigmatisés. En attendant les autres qui sont encore à venir. En attendant ceux qui resteront non-formulés, enfouis dans les inconscients, comme les Arabes, les Juifs, l’Autre, en général.

PLUS DE BERTEZ EN SUIVANT :

Il n’est pas dans notre propos de refaire une analyse de la crise, de ses origines et de ses pseudo-remèdes. Nous l’avons fait dans les années 2000, 2002, 2006, et régulièrement par la suite. Nous l’avons fait avec des synthèses intercalaires qui dirigeaient des éclairages complémentaires sur une même réalité, l’avènement d’un système nouveau que nous avons choisi de nommer « kleptocratique ».

Un système kleptocratique qui a été rendu possible par la libération du dollar, de la contrainte de l’or en 1971 ; par la dérégulation des années 80 ; par la financiarisation des économies réelles ; par la capture des gouvernements par la finance ; par la propagande médiatique ; par l’accord géopolitique occulte entre la Chine et les producteurs de pétrole d’un côté et les Etats-Unis de l’autre, pour accepter, tolérer et entretenir les déséquilibres globaux.

Le système kleptocratique a tout envahi. Tout est devenu finance, tout est devenu financier.

Les politiques bancaires, financières, les économies, les théories, les structures, les esprits, tout a été pollué.

On n’arrive plus à penser en dehors de ce système. Il s’impose comme la logique ultime, comme la référence, comme le cadre de toute action et de toute pensée.

C’est lui qui balise les champs de réflexion et les recouvre d’un tissu d’évidences auxquelles personne ne tente d’échapper. La pensée critique est quasi inexistante. Quand elle existe, elle se discrédite par ses excès, ses irrationalités primaires, son absence de rigueur, son millénarisme.  Les Cassandre se discréditent à force de prédire la catastrophe qui ne vient pas.

La capture politique et médiatique est un élément central de l’absence de pensée critique. Les gauches et les fausses droites dépendent de la kleptocratie pour accéder et rester au pouvoir, pour financer leurs déficits, pour payer leurs achats de clientèle, pour assurer leur train de vie et pour, finalement, bénéficier du recyclage quand ils quittent la politique pour aller pantoufler.

Ce qui est en cause, c’est un système. Un système, c’est un ensemble d’éléments articulés, complémentaires, qui forment un tout et qui sont sous-jacents, enfouis, dans le fonctionnement des pays. Dans le fonctionnement des institutions, des collectivités, des économies, etc.

Ce système n’est pas tombé du ciel, un jour, comme cela.

Personne ne l’a voulu, personne ne l’a planifié. C’est la logique des systèmes, personne ne les conçoit ; ils vivent, se développent, se reproduisent, en fonction de leur propre logique. Ils ont en quelque sorte leur propre vie, indépendamment de ceux qui s’en croient les gestionnaires.  Ils se combinent, ils mutent, ils se transforment avec un seul but : la recherche de leur reproduction. Un système n’a d’autre logique que sa propre survie. Un système, cela vit caché, cela craint la lumière. Un système, cela a peur du sens, cela préfère les nouvelles, les informations et les corrélations.

Quel est ce système ? C’est le système capitaliste, inutile de se le cacher. Inutile de le nier. C’est le système fondé sur la recherche du profit et son accumulation pour former un capital et pour produire un ordre social, politique et culturel.

Le système capitaliste a buté sur ses limites au cours des années 60. Cela s’est aggravé au cours des années 70. Il a eu du mal à se reproduire, il a eu du mal à rentabiliser le capital. Les taux de profit ont chuté avec tout ce que cela représente comme menace de baisse de l’investissement, de hausse du chômage, d’asphyxie des Etats dépensiers et, in fine, de perte de légitimité.

Pour s’adapter, le système s’est réorienté. Il s’est désindustrialisé, délocalisé. Il a déplacé les productions là où elles étaient moins chères et là où le taux de profit était supérieur.

La mutation du système a consisté à dématérialiser, à disjoindre les signes du réel sous-jacent, à remplacer le faire par le savoir-faire. Le hard par le soft.

Le système s’est réorienté là où la concurrence était moins forte, c’est à dire vers les services où, en plus, l’emploi est moins qualifié et moins coûteux.

Finalement, le système s’est financiarisé. Financiarisé, cela veut dire qu’il a autonomisé la sphère financière et l’a placé hiérarchiquement au-dessus de la sphère réelle. La sphère financière est une sphère des signes. Donc, elle est infinie, sans limite, manipulable à volonté. Cela a permis d’échapper à la finitude, à la rareté, au poids, à la gravité de la sphère réelle.  Ce système, c’est le règne du signe et de la parole. Pas forcément truqués. Pas forcément mensongers, mais disjoints. Disjoints au sens de la théorie des signes.

En clair, la financiarisation, comme nous l’avons souvent écrit, c’est l’opération méphistophélique de séparation de l’ombre du corps.

Le contenu de cette financiarisation, ses grands axes sont multiples et ils se situent  à plusieurs niveaux. Mais il y a au moins deux axes.

Le premier, la désindustrialisation a produit des déficits chez les vieux pays anciennement industrialisés, donc des excédents chez les émergents. La financiarisation a consisté à recycler ces excédents des uns vers les déficits des autres, à piller l’épargne mondiale pour soutenir les niveaux de vie des pays développés.

Le deuxième, la hausse du chômage, l’insuffisance des créations d’emploi, la pression sur les salaires, puis leur stagnation, ont conduit le système à remplacer le pouvoir d’achat gagné par le pouvoir d’achat octroyé, c’est-à-dire le crédit.

Voilà, les deux piliers de la financiarisation, il y en a eu d’autres, comme l’innovation technologique, l’ingénierie financière, la production de théories, le marketing d’addiction, etc. on oublie souvent de citer le marketing d’addiction et la récupération des désirs, mais c’est un élément indispensable dans le fonctionnement du système et dans sa reproduction.

Le système s’est développé pendant 30 ans avec des déséquilibres sans cesse croissants et des crises de plus en plus rapprochées.

Au lieu de se purger, au lieu d’accepter ses rénovations périodiques, le système a commis l’erreur de vouloir forcer son propre destin, de durer sans se renouveler.  A chaque crise, on a aggravé le mal, c’est-à-dire ajouté du capital fictif, improductif.  On a augmenté l’accumulation de capitaux et favorisé l’avènement d’un monde spéculatif qui a tout engouffré. Un monde spéculatif de plus en plus instable, de plus en plus fragile, de plus en plus injuste. On n’a pas compris,  et c’est la faute des élites, que continuer à accumuler était une erreur et qu’il fallait, de temps en temps, accepter des moments de destruction. On sait que le serpent ne survit que de sa mue. C’est une erreur humaine considérable qui sera soulignée comme telle dans l’Histoire. Elle sera sévère.

Les régulateurs, les gouvernements, capturés par les kleptos, n’ont pas osé, n’ont pas laissé se faire la lessive ; ils n’ont pas osé laisser se détruire ce qui était improductif et devenait un boulet. Parmi les exemples, les industries comme l’automobile, ou l’industrie financière, parasites qu’il faut maintenir en vie alors que ce sont des tonneaux des Danaïdes. En fait, tout ce qui, pour survivre, a besoin d‘un recours excessif au crédit, tout devait être purgé. Mais il n’y a pas que des secteurs économiques, il y a des pans entiers de la vie sociale qui auraient dû,  eux aussi, être remis en question au lieu de continuer couche par couche de laisser s’accumuler les aberrations. Les Etats-providence en constituent un exemple. Au lieu de les laisser enfler, il eut fallu avoir le courage de les remettre à plat puisqu’ils constituent, dans une optique économique, ce que l’on peut appeler les frais généraux des nations ou bien encore le coût caché de reproduction des systèmes.

L’autre grande faiblesse des 30 dernières années a été l’absence d’inflation significative.  C’est une sorte de contradiction interne majeure. Si on délocalise, si on pèse sur les prix du travail par le gonflement de l’armée des chômeurs, si on crée de façon permanente un « slack », un excès de capacité de production, l’inflation ne peut pas s’enclencher. La course entre les prix et les salaires ne peut se nouer. Les tendances à la déflation s’en suivent, le capital fictif excédentaire, les dettes, les promesses, tout cela ne se trouve pas érodé par la hausse des prix ? La masse de capital non-productif accumulé continue de peser de tout son poids réel au lieu de s’euthanasier, au lieu de se biodégrader par l’inflation.  Le nominal ne vient pas au secours de l’excès de poids du réel.

Si vous observez les graphiques qui complètent ce texte, vous visualiserez sans ambigüité, sans doute aucun, ce qui s’est passé. Vous toucherez du doigt la réaction, les « remèdes » des autorités, face à la crise. Faites comme nous, ne vous attardez jamais sur ce qu’elles disent, ce qui compte, c’est ce qu’elles font objectivement.

Vous observerez le traitement monétaire de la crise. Et l’évidence s’impose. Personne ne peut vous mentir, vous raconter des sornettes techniques, les chiffres sont là.

Ces graphiques sont la seule chose importante à comprendre, à assimiler et garder présents à l’esprit. La réponse à la crise a été la création d’une quantité phénoménale, historiquement incroyable, de monnaie. D’une quantité de monnaie que jamais on n’aurait cru imaginer possible.  

La création de cette monnaie a été faite en faveur des banques et du système financier. Et cette monnaie, ils l’ont stockée, mise en réserve. Ne croyez pas la propagande qui vous dit que cette monnaie ne sert à rien, réfléchissez. Si cette monnaie ne servait à rien, il n’y aurait nul besoin de la créer. Il n’y aurait nul besoin d’inflater le bilan des Banques Centrales et de prendre des risques considérables. La vérité est que cette monnaie sert à quelque chose, même si elle n’est pas utilisée.

Pourquoi les banques et le système financier ont-ils stocké cette monnaie ? Ils n’ont pas l’habitude de se priver de la possibilité de gagner de l’argent ! Ils l’ont stockée et ils la stockent parce qu’ils savent. Ils savent que leur survie est en jeu. Ils savent que le cash, le disponible,  est le bien le plus précieux et que tout le reste n’est qu’escroquerie.

Ils savent que le problème de fond du système, c’est son insolvabilité, laquelle se manifeste par son  illiquidité et l’insuffisance de cash en regard de la masse de quasi-monnaies, en regard de la masse de dettes, en regard de la masse d’obligations, en regard de la masse de crédits, en regard de la masse des actions. Bref, en regard de la masse de promesses de toutes sortes que le système a émises.

L’élite, les penseurs, les dirigeants de la finance savent que le problème du système, c’est qu’il repose sur une pyramide inversée, sur une pointe, une base monétaire insuffisante. Non seulement insuffisante, mais qui menace sans cesse de se détruire, rongée qu’elle est par le ver de l’insolvabilité.

La masse monétaire étant insuffisante, que font-ils ? Et bien ils gardent la monnaie pour eux. Parce que cette monnaie de base, ce super-cash, c’est ce qui assure leur sécurité. Ils savent que le monde est insolvable, ils connaissent leurs bilans, ils connaissent leurs hors-bilans, ils connaissent tout ce qu’ils ont caché, enfoui. Ils savent que la bicyclette ne peut repartir avant que le poids de la dette ne soit allégé. Et comme dans les courses cyclistes sur piste, ils s’emploient, ils apprennent à faire du sur-place.  Et donc ils apprécient par-dessus tout le cash, le super-cash. Ils le stockent et le surveillent, c’est leur trésor,  ils le mettent dans un coffre. C’est leur assurance. Peu importe que cette assurance leur coûte de l’argent par le biais de la non-utilisation des fonds. L’utilité marginale du cash dans le système est considérable.

Donc, vous comprenez mieux maintenant que les pseudo-remèdes ont consisté à créer de la monnaie, à la faire tomber du ciel, mais pas n’importe où, dans l’escarcelle des banques.

Elles ne le font pas tourner, elles ne font pas de crédit. Mais c’est vrai, quand de temps à autres, on leur fait signe, quand de temps à autres, les chefs kleptos donnent le signal, les banques spéculent, elles se lancent dans des opérations temporaires rapides, spéculatives, en prédateurs, sur les assets dits  « à risque ». Comme elles viennent de le faire récemment sur les emprunts périphériques européens grâce au signal lancé par Draghi. Comme elles le font en ce moment sur les titres hypothécaires américains grâce au clin d’œil fait par Bernanke. Et puis, quand elles ont fait un petit tour, elles retournent mettre leur argent à l’abri en attendant le prochain feu vert.

Donc, les liquidités ne se déversent pas ou peu dans l’économie. On ne les retrouve pas dans les masses monétaires M2, on les retrouve peu dans le crédit, sauf dans le crédit aux Etats qui sont encore considérés comme solvables. Entendez par là, par solvables, les Etats qui ont encore une marge pour taxer et surtaxer leurs citoyens.

De ce phénomène, témoigne la chute de la vitesse de rotation de la monnaie, M2V, que vous voyez sur le graphique fourni par la Réserve Fédérale de Saint Louis.

Le grand mystère, nous parlons de mystère au sens fort, très fort comme les mystères d’Eleusis, c’est de comprendre pourquoi la demande de monnaie, de super-monnaie, est aussi forte depuis le début de la crise.

La monnaie ne rapporte rien ; son pouvoir d’achat réel s’érode malgré la modération de l’inflation et le mythe –poudre aux yeux- de la déflation. Non, la monnaie ne se valorise pas par la baisse des prix car, dans leur ensemble, les prix ne baissent pas. C’est un leurre de parler de déflation. On ne doit parler que de tendance à la déflation, tendance contrecarrée.

Donc la monnaie ne rapporte rien et elle ne gagne pas en pouvoir d’achat. Pourquoi la stocker, la demander, lui accorder la préférence ultime ?

Le mystère est entier.

Pas tout à fait. Parce que la monnaie, c’est la vie, ou plutôt l’assurance sur la vie que se constitue le système financier.

Parce que la monnaie est une réserve nominale de valeur. Détenir ses avoirs sous forme de monnaie, résister à l’attrait de l’échanger contre des actifs, contre des assets à risque, c’est refuser un échange dont il est sûr qu’il sera perdant. Programmé perdant, programmé spoliateur et confiscateur.

Parce que l’on a mis en place un mécanisme, un dispositif d’attrape-nigauds qui va réaliser la grande destruction, qui va enfin remplacer toutes les petites destructions que l’on a refusées  depuis 30 ans. Les petites destructions qui n’ont pas eu lieu et qui ont fait en sorte que le système devienne rigide, qu’il croule sous le poids du capital fictif improductif, spéculatif, inutile socialement. 

Parce que le grand ratissage est programmé. Il est tellement évident que vous ne le voyez pas. Le cash, les avoirs monétaires nouveaux donnés aux banques, restent bien à l’abri au parking. Regardez, il y en a pour près d’1,5 trillion rien qu’aux Etats-Unis ; dans le monde, c’est un multiple de ce chiffre. En revanche, le cash ancien, celui des citoyens, des citoyens et de leurs institutions, épargne retraite, prévoyance, etc.,  est attiré dans le grand piège, la grande trappe à Phynances. On le force à s’échanger contre les actifs de marché, des actifs à risque, qui, eux, sont destructibles, auto-dévalorisables, spoliables, par la future, par l’inéluctable, par l’incontournable future hausse des taux d’intérêt qui interviendra en 2014/2015.Et si ce n’est pas en 2015, ce sera plus tard. Le Japon nous a en effet appris que le facteur temps, en matière de crise, était extrêmement extensible. Cela fait plus de 20 ans que le Japon attend sa purge finale.

Garder son cash, c’est faire comme les initiés, comme les ultra-riches, comme les maîtres du système, les banques ; c’est refuser de céder au chant des sirènes, des Lorelei qui vous attirent dans les courants dangereux et dans les précipices. La gigantesque manipulation du « risk-on/risk-off », c’est cela.

Tout ce qui est papier autre que le cash est condamné à la dévalorisation, à la destruction et à l’amputation. Et si ce n’est pas assez, si le piège des marchés ne suffit pas, alors on ira plus loin. On ira jusqu’à prendre dans les comptes bancaires le cash qui n’a pas été saisi par l’opération risk-on. On fera des saisies. On imposera des souscriptions. On maquillera des restructurations/spoliations. Toute la panoplie a déjà été utilisée dans les années 30 et réutilisée dans les périodes de guerre.

Car il faut pour que le système se reproduise, que le cash nouveau donné aux banques puisse être mis en circulation et il faut que le cash ancien, le vôtre, soit détruit ou confisqué.  Il faut réaliser le grand transfert.

Sinon ? Sinon, c’est l’hyperinflation.

L’échange cash contre assets papier surabondants, pourri s, garantit la destruction, l’amputation dont le système a besoin pour éviter l’explosion ou l’asphyxie. Vous comprenez mieux maintenant pourquoi les Banques Centrales, c’est à dire vos Banques Centrales, c’est-à-dire vous, accumulent les créances  pourries que leur vend le système bancaire. Par l’intermédiaire de vos Banques Centrales, vous êtes en train de racheter le papier pourri des banques. En échange de ce papier pourri, les banques ont du beau cash tout neuf. Les Banques Centrales sont les blanchisseurs des égouts des banques sur votre dos. Et que l’on ne vienne pas dire que c’est temporaire. Depuis 5 ans, il n’y a pas eu le moindre exit de ces politiques, il n’y a que l’extension à l’infini.

Les initiés savent. Les ultra-riches, les banquiers, les Chinois, les Russes, les princes arabes les plus intelligents, savent qu’il vaut mieux ne rien gagner plutôt que de tout perdre. Déjà ils délaissent le soi-disant risk-off que constituent les emprunts d’Etat américains. Car, en réalité, ce risk-off est le risque suprême.

Le système manque de cash contrairement à ce que’ l’on essaie de vous faire croire. Le cash est rare, donc il vaut beaucoup. La preuve que l’on manque de cash, c’est qu’on en crée par les QE, par les LTRO, par les OMT en quantités incroyables. Ce que l’on ne vous dit pas, c’est que le cash est rare. Comme il est rare, il ne faut pas que vous le stockiez. Il faut que vous l’abandonniez que vous en vous en dessaisissiez au profit d’autres. Il y a trop de papier, trop de quasi-monnaie, trop d’actions, trop d’obligations,  trop de dettes, trop de crédit, trop d’assurances, trop de pensions… Il faut cyniquement faire en sorte que tout cela se déverse sur les marchés pour pouvoir le détruire et réaliser le grand rééquilibrage dont a besoin le système.

Le facteur déclenchant de la grande destruction sera ce qui sera perçu comme… positif : le frémissement de la croissance, le redressement des anticipations inflationnistes et… la hausse des taux d’intérêt. La hausse des taux d’intérêt qui fera son œuvre de ratissage, de remise à jour des compteurs, qui fera crever l’abcès des fonds d’Etat qui font bulle. Regardez ce que vaut la dette grecque, ce que vaut la dette espagnole ou la dette italienne, maintenant que les taux d’intérêt appliqués à ces pays ont monté. Ce qui se passe sur les périphériques n’est qu’un exemple précurseur de ce qui se passera un jour de façon généralisée.

Voici la séquence post-crise avec la fameuse sortie de crise que l’on vous cache :

1)      On crée de la monnaie autant qu’il en faut pour sauver le secteur bancaire.

2)      Les banques stockent cette monnaie.

3)      La vélocité, la vitesse de rotation de la monnaie ralentissent.

4)      On crée encore plus de monnaie « pour lutter contre le chômage »

5)      On en crée autant qu’il en faut, le déclic finit par se faire.

6)      La vitesse de circulation de la monnaie accélère.

7)      La demande de monnaie faiblit, le peuple se sépare de son cash.

8)      Les biens réels, les marchandises, redeviennent désirables ; une ébauche de croissance se dessine.

9)      Les anticipations inflationnistes se développent.

10)  Les taux montent, montent, montent.

11)  La destruction du papier excédentaire de 2008, puis celle post-2008, s’enclenche.

12)  Le système financier s’en sort ; le transfert de richesse est finalisé, le système, si on ose dire, est assaini.

13)  Les citoyens sont laminés ; leurs institutions de prévoyance sont exsangues ; il n’y a qu’une solution, se remettre au travail, se taire, le nez dans le guidon.

14)  Le système, tout repart comme avant.

 BRUNO BERTEZ Le Samedi 10 Novembre 2012

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EDITO PRECEDENT : L’Edito du Dimanche 28 Octobre 2012 : Quelques craquements dans l’édifice par Bruno Bertez

EN BANDE SON :

EN COMPLEMENT :  Les Clefs pour comprendre du Vendredi 9 Novembre 2012 :   La pompe à fabriquer des votes socialistes Par Bruno Bertez

Une petite observation sur les votes démocratiques en régime klepto.

Ce que nous appelons le régime klepto, c’est le régime dans lequel La Banque Centrale et les gouvernements sont alliés pour faire durer le système coûte que coûte sur le dos du peuple.

Dans ce système, les gouvernements dépensent, achètent des votes, creusent des déficits, empilent les dettes et les banques les financent, lesquelles banques, ensuite, se refinancent auprès des Banques Centrales malgré leur insolvabilité.

En une phrase, tout est dit, apprenez-là par cœur.

   Le système ainsi bâti est un système profondément injuste; ceux qui sont près de la manne financière et qui bénéficient de l’argent gratuit, ou en font métier, s’enrichissent scandaleusement. A la fois parce qu’ils ont accès au crédit quasi gratuit, mais aussi parce que la politique des Banques Centrales visent à stimuler la prise de risque, c’est à dire à faire monter les Bourses.

Donc, ceux qui sont près des canalisations qui déversent l’argent s’enrichissent de manière éhontée, ils restent riches, même s’ils ont failli et gaspillé. Ceux-là, mettons que ce sont les 1%. Nous aurions tendance à être plus restrictif, et à dire les 0,25%, mais peu importe, les 1% sont entrés dans les mœurs.

En raison des déficits, les dettes s’accumulent, la croissance devient impossible. En plus, les kleptos sont les rois des marchés, ils excipent de l’insolvabilité qu’ils ont créée, la leur et celle de leurs complices des gouvernements, pour imposer des politiques d’austérité… au peuple.

La croissance déjà faible ralentit encore, le chômage déjà élevé par les politiques kleptos précédentes augmente. Il y a de plus en plus de pauvres. Donc, il faut les assister.

Donc la clientèle potentielle des partis de gauche et des partis extrêmes augmente. Celle des partis bourgeois diminue. Les partis bourgeois, dans leur courte vue, endossent et valident les thèmes des partis de gauche. Tout le monde va dans le même sens. Les extrêmes, eux, font leur travail de gaspillage, ils fourvoient les peuples, neutralisent les mécontentements.

Plus la situation s’aggrave, moins on ose faire machine arrière, on continue donc les déficits, la dette; avec la complicité et des banques et des banquiers centraux. On augmente le scandale des privilégiés, des riches, et on est encore plus validé à dénoncer les inégalités… que l’on crée.

En même temps, comme on augmente la masse de pauvres qui dépendent de la répartition et des largesses de l’Etat, on enfle encore sa clientèle potentielle.

Ainsi le régime klepto a mis en place une pompe, un mouvement perpétuel d’appauvrissement du peuple, mais qui lui donne en plus, de plus en plus de soutien et de voix pour que cela continue.

L’alliance scandaleuse, inique, a trouvé le moyen, quels que soient ses échecs de se maintenir au pouvoir. Elle crée les inégalités avec l’aide de la finance, elle les dénonce et elle est réélue.

Voilà ce qui s’est passé aux Etats-Unis.

Toute ressemblance avec ce qui s’est passé, se passe et se passera en France sera le fait du hasard, bien entendu.

BRUNO BERTEZ Le Vendredi 9  Novembre 2012

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19 réponses »

  1. 13) Les citoyens sont laminés ; leurs institutions de prévoyance sont exsangues ; il n’y a qu’une solution, se remettre au travail, se taire, le nez dans le guidon.

    14) Le système, tout repart comme avant.

    ….. Pitié, non.

    Les chocs sociaux, les énergies, les matières premières nécessaires à un redémarrage, à un système qui repart comme avant…. qu’en est il?

  2. Monsieur Bertez,

    Merci beaucoup pour ce très bon article.
    Pardonnez mon style et mon orthographe.
    Je suis un fidèle lecteur de votre blog depuis 4 ans, j’apprécie beaucoup vos posts et je vous remercie de les partager.

    Ok avec vous sur l’ensemble du scénario, le décryptage. D’accord sur l’analyse et le piège obligataire.

    Néanmoins je suis en désaccord sur un point, et je me permets de vous le dire :

    Les actions, sélectionnées individuellement ne sont pas des assets papier, ce sont des morceaux d’entreprises, c’est du réel, du tangible.
    Les actions ne sont pas actuellement sur-évaluées : Les particulier détiennent très peu d’actions, les institutionnels non plus, les actions ne sont pas à la mode, le sentiment est négatif.

    Prenez juste deux exemples :
    – Intel, price-earning de 9, croissance « anticipée » une croissance des earnings de 5 à 10% / an. Le bilan est sain.
    – Microsoft, price-earning de 15, croissance « anticipée » une croissance des earnings de 5 à 10% / an. Le bilan est sain.
    Ce sont deux exemples de machines à cash-flow.
    Intel et Microsoft rachètent massivement et annulent leurs actions. Il n’y a pas « trop » d’actions !
    Dans une optique Buy, hold and never sale, le SP500 peut bien baisser de 50%, les taux longs peuvent bien monter à 5%, les earnings de Intel et Microsoft resteront probablement en croissance.

    Le prix de l’or est fondé sur une croyance, une convention. L’or ne possède aucun fondamental, ne génère aucune croissance, ne possède pas « d’earning ». De plus l’or est populaire en ce moment, il fait parti maintenant des allocations d’actifs. L’or est spéculatif.

    Amicalement.

    • @Gaulois

      Merci de votre intéret .
      Essayez d’avoir la disposition de votre morceau d’entreprise .

      Réflechissez à la complexité du système sous- jacent qui crée la fausse équivalence entre le papier et le réel. Une action c’est un signe plaqué sur du réel, ce n’est pas du réel.

      Prenez mes concepts au sens fort, c’est à dire pour ce qu’ils veulent vraiment dire et non pas dans les acceptations galvaudées et idéologiques de la place financière.

      Une part du musée du Louvre recouvre un asset réel, seriez vous assez fou pour l’acheter si aucune distribution, aucune liquidation du musée n’est prévue et est mème statutairement impossible .

      Une action ne protège contre l’inflation que si l’entreprise fait des profits, s’il n’y a pas de controle des prix et des revenus, s’il n’y a pas trop de concurrence, si les dirigeants ne gaspillent pas le cash flow en investissements idiots si… si …la direction ne dilue pas sans arret les profits et les actifs par des creations de titres à son profit etc …si les marchés continuent de fonctionner … s’il y a des liquidités Ponzi pour faire continuer le système et entretenir l’équivalence si …

      Que cela ne vous empèche pas de dormir, une action c’est du vent plus des conventions et c’est déjà mieux que des fonds d’état.

      Mais j’avoue que je conseille les actions comme pis aller dans la première phase de montée de l’inflation qui viendra d’ici quelques années.

      • @ Bertez
        Merci beaucoup d’avoir pris le temps de réagir à mon commentaire, et pour votre clarté.

  3. Le fondamental de l’or, ce n’est pas 4000 ans de confiance que l’humanité lui voue? Le prix des actions n’est il pas lui aussi fondé sur une croyance, une convention? La monnaie, le dollar depuis 1971 n’est il pas fondé sur la ….confiance?

    • Par la confiance de la monnaie fiduciaire, on entend par la la confiance dans les institutions de l’état qui fait qu’un contrat sera respecté.
      Le prix de l’or ne dépend pas de l’autorité, mais de l’offre et de la demande.
      Le problème d’une monnaie fiduciaire, c’est qu’elle induit des politiques monétaires dépendant du bon vouloir de quelques fonctionnaires.

      Celui qui parie sur les gouvernements et leurs monnaies papiers parie contre 6000 ans d’histoire, disait De Gaulle.

  4. Plutôt vraiment magistral le Bertez 😉
    Le seul bémol c’est que je me demande si la Force du Mensonge ne peut pas arriver , avec notre assentiment de fait, à être plus forte que cette réalité , en ce sens que cette réalité n’est que du méta-juridique (Par expl rien à voir avec la réalité objective de la finitude -quoique sur-dramatisée-des Ressources)

    • @Opps59 : Les faits sont beaucoup, beaucoup, beaucoup plus têtus que le mensonge !

  5. Le moindre signe de reprise fera exploser le prix des matieres premières, annihilant la reprise. En bref, que ca redémarre, ca s’arrête, et ca repart en arrière, de plus en plus fréquemment, de plus en plus vite. On assiste au spectacle de la finance qui se brise sur le mur de la Geologie, et de l’epuisement des ressources.

  6. Il y a de bons passages dans cet article, une bonne analyse de nos problèmes, mais je suis très dubitatif sur la vision du ‘futur’ (la séquence de sortie de crise). Jusqu’au point 4, on est d’accord, et c’est observable aujourd’hui dans les chiffres. Vous parlez d’un ‘déclic’ inflationniste, c’est la théorie du ‘tube de dentifrice’ sous pression qui finit par se déverser d’un coup. Euthanasie des rentiers par dévalorisation de la monnaie, allégement mécanique des dettes et donc des excès du passé (les états ne seraient pas contre). Effectivement dans ce cas les taux monteraient, cela provoquerait un krach obligataire destructeur.
    Mais de quelle manière pourrait se produire ce ‘déclic’, dans un monde trop ouvert où le chômage explose et où les salaires subissent une pression à la baisse ? C’est bien cette déflation que les banques anticipent et qui les paralyse pour injecter de l’argent dans le système, de l’argent qui pourrait finir en fumée. Attendent elles une fin de déflation pour réinvestir dans des actifs qui ne vaudront plus rien et faire repartir le système comme après une bonne vieille guerre? Ce qui annoncerait des jours difficile dans un proche futur, et un risque de perte de contrôle.
    A part une loi qui obligerait à faire circuler les liquidités, pour qu’elles se retrouvent rapidement dans les salaires, donc une irrigation rapide d’un monde qui s’assèche, je crains que mon scénario ne soit le bon…

  7. Très stimulant cet article ! Mais que doit-on faire avec notre épargne pour la sauver ?? On ne peut quand même pas la sortir et la garder en cash sous le matelat…

    • @Myriad

      Le seul placement non spoliateur est le livret A.

      Pour le reste ne recherchez pas le rendement à tout, c’est un attrape nigaud. Regardez les pertes en capital sur les hauts rendements tels que France Télécom, Veolia, les honteux certificats Régionaux du Crédit Agricole etc etc
      Ne cédez pas au chant des sirènes de la prise de risque, c’est la spoliation assurée.
      N’oubliez jamais que dans un monde qui s’appauvrit, il est globalement impossible de s’enrichir sauf si on fait partie de la communauté spéculative mondiale des kleptos.
      Les obligations courtes et moyennes des grosses entreprises, les sicav de High Yield sont à sélectionner .
      Les immobilières que les banques essaient de promouvoir en ce moment sont en réalité en difficulté avec des baisses de valeur des patrimoines masquées, des baisses de revenus car elles vendent pour améliorer leur situation financière dans des conditions exécrables, et des problèmes de renouvellement de leur leverage.
      Regardez ce qui se passe aux Pays Bas, c’est la débandade immobilière à l’américaine et si le gouvernement français continue ce sera la même chose en France. On fait tout en France pour déclencher une crise immobilière qui donnera le coup de grâce aux banques.

      Rien ne permet de défendre efficacement son épargne et c’est voulu.

      Pour les prochaines années, il est évident qu’une partie de vos économies peut être et doit être protégée par de l’or physique.

      Faites des travaux chez vous, investissez dans vos propres actifs, modernisez votre chauffage pour consommer moins changez de voiture pour une autre beaucoup plus économique. Battez vous, discutez les prix, les tarifs en toute occasion, cessez d’être un pigeon.

      Le meilleur moyen de renforcer sa sécurité financière c’est de
      dépenser moins.

      Si vous avez un business, gérez serré, pas de sureffectif, ramenez la voile si vous êtes surexposé. L’espoir n’est pas une stratégie sauf pour se ruiner.

      Ne raisonnez jamais en brut, pensez toujours en net après impôts, taxes, frais et commissions. Hélas on ne peut plus raisonner en réel c’est à dire après inflation car tout est perdant.

      Mes vœux vous accompagnent.

  8. Extrait d’un article de David Harvey de 2006

    « Les crises financières, qui ont si souvent précédé la mainmise des pouvoirs financiers les plus élevés sur l’ensemble des économies de divers pays, ont habituellement correspondu à des déséquilibres économiques chroniques. Les traits emblématiques en sont :
    1) des déficits budgétaires intérieurs croissants et incontrôlables,
    2) une crise de la balance des paiements,
    3) une dépréciation rapide de la monnaie,
    4) l’instabilité de la valeur des actifs internes (par exemple sur les marchés financiers et immobiliers),
    5) une inflation en hausse,
    6) un chômage croissant avec des salaires en chute
    7) une fuite des capitaux.
    Les États-Unis ont la particularité d’atteindre des niveaux record pour les trois premiers de ces sept indicateurs principaux et il y a de sérieux soucis à se faire en ce qui concerne le quatrième, l’évaluation des actifs. La « reprise économique sans reprise de l’emploi » et la stagnation des salaires suggèrent l’apparition de problèmes concernant le sixième indicateur.
    N’importe où ailleurs, une telle conjonction d’indices aurait quasi immanquablement requis l’intervention du Fonds Monétaire International (FMI). Les économistes du FMI – de même que Volcker et Greenspan, présidents successifs de la Réserve Fédérale – se plaignent officiellement de ce que les déséquilibres économiques des États-Unis menacent la stabilité mondiale. Mais comme ceux-ci sont en position dominante au FMI, cela implique seulement que ce pays devrait se discipliner lui-même, ce qui semble peu probable. La question cruciale est la suivante : les marchés
    mondiaux vont-ils mettre en œuvre cette discipline (comme ils devraient le faire selon la théorie néolibérale) et, dans l’affirmative, comment et avec quels effets ?
    La question est tout d’abord de savoir quelle sorte de crise pourrait être la plus utile aux États-Unis afin de résoudre leur propre situation, car l’éventualité d’une crise fait bel et bien partie de l’éventail des options politiques possibles. Dans l’évocation de telles options, il est important de rappeler que les États-Unis n’ont pas été épargnés par les difficultés financières au cours des vingt dernières années […]. Ces faillites ont non seulement coûté cher à la popula-
    tion, mais elles ont également démontré à quel point une grande partie de la financiarisation néolibérale est devenue fragile et fictive. Il est évident que cette fragilité n’est nullement limitée aux États-Unis. La plupart des pays, y compris la Chine, sont confrontés à la volatilité et à l’incertitude financière. Dans certains cas, le service de la dette est supérieur aux revenus en provenance de l’étranger et, de manière très compréhensible, certains pays comme l’Argentine manifestent vis-à-vis de leurs créditeurs une attitude tout à fait récalcitrante.

    Les deux pires scénarios du point de vue des États-Unis :

    – Une brève flambée d’hyper-inflation fournirait un moyen d’effacer les dettes inter-
    nationales et celles des consommateurs. En fait, les États-Unis solderaient leurs
    dettes vis-à-vis du Japon, de la Chine et d’autres pays en dollars fortement dépréciés.
    Une telle confiscation inflationniste ne serait pas bien reçue dans le reste du monde
    (qui ne pourrait cependant pas y faire grand-chose, car envoyer des canonnières sur
    le Potomac n’est pas une option envisageable). L’hyper-inflation détruirait également
    l’épargne, les retraites, et bien d’autres secteurs encore à l’intérieur des États-Unis.
    Elle remettrait en question la démarche monétariste que Volcker et Greenspan ont
    en général suivie. Cependant, au moindre indice d’une telle sortie du monétarisme
    (qui, dans les faits, signifierait la mort du néolibéralisme), les banques centrales
    déclencheraient presque fatalement une ruée générale contre le dollar, précipitant
    ainsi prématurément une crise de fuite des capitaux, que les institutions financières
    des États-Unis seraient incapables de gérer seules. Le dollar des États-Unis perdrait
    toute crédibilité en tant que réserve monétaire mondiale, ainsi que tous les avanta-
    ges à venir attachés à la position de puissance financière dominante (par exemple,
    le « seigneuriage » – le pouvoir de battre monnaie). L’Europe ou l’Asie orientale,
    ou les deux, assumeraient alors ces fonctions (on constate déjà que les responsables
    des banques centrales mondiales préfèrent conserver un plus grand nombre de leurs
    comptes en euros). Un retour plus modeste à l’inflation pourrait être envisageable,
    car il est plus qu’évident que celle-ci n’est nullement le mal en soi décrit par les
    monétaristes et qu’un modeste assouplissement des objectifs monétaires peut être
    réalisé (comme Thatcher l’a montré dans les phases les plus pragmatiques de sa mar-
    che vers le néolibéralisme).

    – L’autre option pour les États-Unis est d’accepter une période prolongée de défla-
    tion, du type de celle que le Japon connaît depuis 1989. Cela créerait de sérieux pro-
    blèmes au plan international, à moins que d’autres économies – à l’avant-garde
    desquelles se trouverait la Chine, éventuellement accompagnée de l’Inde – puissent
    compenser la perte correspondante de dynamisme de l’économie mondiale.
    Mais l’option chinoise est hautement problématique pour des raisons à la fois éco-
    nomiques et politiques. Les déséquilibres intérieurs de la Chine sont sérieux et se
    manifestent principalement sous la forme d’excès de capacités de production : trop
    de tout, des aéroports aux usines automobiles. Cette surcapacité deviendrait encore
    plus avérée dans le cas d’une stagnation prolongée du marché états-unien de la
    consommation. La masse de dettes en Chine (sous forme d’emprunts bancaires en
    difficulté de paiement) est loin d’être aussi monumentale que celle qui est observa-
    ble aux États-Unis. Dans le cas de la Chine, les dangers sont tout autant politiques
    qu’économiques. Il est cependant possible que le dynamisme extraordinaire du com-
    plexe économique asiatique suffise à propulser à l’avenir l’accumulation du capital.
    Mais, très vraisemblablement, les effets en seront délétères, tant au plan de la qualité
    de l’environnement que du point de vue du maintien du leadership des États-Unis
    dans l’ordre mondial. Savoir si les États-Unis vont, ou non, passivement abandon-
    ner leur position hégémonique reste ouverte. À n’en pas douter, ils maintiendront
    leur domination militaire, même si leur position dominante dans la quasi totalité
    des autres grands champs de pouvoir politico-économiques diminue. Que les États-
    Unis cherchent ou non à utiliser leur supériorité militaire à des fins économiques
    et politiques, comme ils l’ont fait en Irak, dépendra alors de manière cruciale de
    leur dynamique interne.
    Il serait très difficile pour les États-Unis d’absorber les effets internes d’une
    déflation prolongée. Si les problèmes d’endettement du gouvernement fédéral et
    des institutions financières doivent être résolus sans menacer la richesse des élites
    de classe, alors une « déflation de confiscation » du type de celle qu’a connue
    l’Argentine (profondément incompatible avec le néolibéralisme) sera la seule et
    unique option (et la crise des institutions d’épargne aux États-Unis à la fin des
    années 1980, lorsque de nombreux déposants ne purent disposer de leurs fonds,
    donne une certaine idée de ce dont il s’agirait). Les premières victimes d’un tel
    ajustement seraient probablement les quelques programmes publics substantiels
    qui existent encore (Sécurité Sociale et Medicare), les droits en matière de retraites
    et les patrimoines (immobilier et épargne financière). Dans de telles conditions,
    on peut anticiper un début d’effritement du consensus populaire. Dans ce cas,
    se poseraient les grandes questions de l’extension de ce mécontentement,
    de ses degrés d’expression et de ses modes de gestion.

    […]

    Les États-Unis ont perdu leur position dominante dans la production mondiale au cours des années 1970 et
    leur pouvoir dans la finance internationale a commencé à s’effriter dans les années 1990. Leur leadership technologique est remis en question et leur hégémonie en matière de culture et d’autorité morale connaît un rapide déclin ; reste leur force militaire comme seule arme manifeste de domination mondiale. Mais même ce pouvoir militaire se limite à ce qui peut être fait à partir d’un pouvoir de destruction high-tech manipulé à neuf mille mètres d’altitude. L’Irak en a démontré les limites sur le terrain. La transition vers une nouvelle structure hégémonique dans le capitalisme mondial confronte les États-Unis à la nécessité d’un choix : gérer cette transition pacifiquement ou par la catastrophe […]. Le nationalisme qui prévaut dans ce pays pourrait aisément permettre un ralliement à l’idée que les difficultés économiques que causerait l’hyper-inflation ou une déflation prolongée seraient attribuables à d’autres : à la Chine, à l’Asie orientale ou à l’OPEP et aux États arabes qui refusent de répondre adéquatement aux exigences extravagantes des États-Unis en énergie. La doctrine des frappes préventives est déjà bien établie et les capacités de destruction sont immédiatement disponibles. Le même argumentaire se prolonge dans l’idée qu’un État, tel que celui des États-Unis, assiégé et directement menacé a le devoir de défendre son territoire, ses valeurs et son mode de vie par des moyens militaires si nécessaire »

    […]

    Mais c’est en vérité la nature profondément antidémocratique du néolibéralisme, soutenu par l’autoritarisme des néo-conservateurs, qui devrait constituer la cible principale de la lutte politique. Le déficit de démocratie dans les pays dits « démocratiques » comme les États-Unis est désormais énorme. La représentation politique y est compromise et corrompue par le pouvoir de l’argent, pour ne rien dire d’un système électoral trop facile à manipuler et à corrompre. Les dispositifs institutionnels fondamentaux sont sérieusement biaisés. Les sénateurs de vingt-six États couvrant moins de 20 % de la population bénéficient de plus de la moitié des votes dans la détermination du calendrier législatif du Congrès. La très évidente manipulation qui préside au découpage des circonscriptions électorales du Congrès, en faveur de quiconque est au pouvoir, se voit, de surcroît, marquée du sceau de la constitutionalité par un système judiciaire dont les rangs sont remplis d’agents nommés politiquement et d’obédience néo-conservatrice. Des institutions dotées d’un pouvoir énorme, comme la Réserve Fédérale, échappent à tout contrôle démocratique de quelque nature que ce soit. Au plan international, la situation est encore pire, puisque des institutions telles que le FMI, l’OMC et la Banque Mondiale ne doivent rendre de compte à personne et sont libres de tout contrôle démocratique ; parallèlement, et quelles que soient leurs bonnes intentions, les ONG peuvent opérer hors de toute impulsion ou contrôle démocratique. Cela ne signifie pas que les institutions démocratiques ne posent elles-mêmes aucun problème. L’influence indue que peuvent exercer des groupes d’intérêts privés sur les processus législatifs, objet des craintes toutes théoriques des néolibéraux, n’est que trop clairement illustrée par le lobbying des sociétés et le va-et-vient continuel entre l’État et les sociétés, qui assure que le Congrès des États-Unis (tout comme les instances législatives des États) agit en faveur des intérêts financiers et d’eux seuls ».

    IL Y A PLUSIEURS VOIES DE SORTIE DE CRISE

    Les conseils donnés à myriad restent à ce jour les plus efficaces.

  9. «  » »es régulateurs, les gouvernements, capturés par les kleptos, n’ont pas osé, n’ont pas laissé se faire la lessive «  » »
    Mais les gouvernements et les régulateurs sont eux-mêmes des kleptos, et de surcroît, les kleptos les plus puissants. Ils ont trouvé plus que leur compte dans la financiarisation du système.

  10. Qui empêche les destructions nécessaires dont vous parlez ? Ce sont les gouvernements qui subventionnent à tour de bras des secteurs qui devraient naturellement disparaître ou se transformer en profondeur. Qui renfloue les banques qui devraient faire faillite avec l’argent des contribuables ? Les gouvernements.
    Plus que la finance seule, c’est le système étatisme de connivence qui est à détruire. Et faire en sorte que l’État ne vienne pas sauver ce qui doit mourir. La situation serait alors assainie.

    • Parfaitement.
      Si vous voulez approfondir cette question de la connivence entre la classe kleptocratique et les gouvernements prenez le temps de lire l’article référencé ci contre et intitulé:

      La kleptocratie masque de l’étatisme et du socialisme
      article signalé en cartouche en colonne de droite

      Sachant que le titre est reversible!

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