Analyse d'un secteur économique particulier

Les Clefs pour Comprendre du Mardi 27 Novembre 2012 : Sidérurgie, de Wendel à Mittal, rien appris rien compris Par Bruno Bertez

Les Clefs pour Comprendre du Mardi 27 Novembre 2012 :  Sidérurgie, de Wendel à Mittal, rien appris rien compris  Par Bruno Bertez  

En France, l’histoire passe son temps à se répéter.  

  Il est temps de relire l’histoire de la sidérurgie française qui n’est, comme le dit Michel Freyssenet dans l’ouvrage du même nom, que l’histoire d’une faillite (1). Inutile de dire que nous ne partageons pas l’analyse de l’auteur, mais l’ouvrage est irremplaçable au plan historique. N’oubliez jamais, en particulier,  que les historiens regardent le passé à la lueur du présent, donc une fois que l’incertitude a disparu. C’est pour cela qu’ils paraissent si intelligents et qu’ils peuvent se permettre de critiquer.  

Ecrire sur la sidérurgie nous ramène plusieurs dizaines d’années en arrière, quand, jeune analyste financier en France, nous écrivions sur la crise de la sidérurgie. Une crise sinistre, à laquelle nous étions d’autant plus sensibles qu’elle touchait notre région de naissance, le Nord de la France. C’était l’époque de la destruction de Denain, Anzin, etc., hauts lieux de l’industrialisation française, hauts lieux de notre fierté. Il doit nous en être resté quelque chose puisqu’il y a toujours en nous quelque chose de productiviste.  

C’est certainement de cette époque que date notre mépris pour la politique et sa classe d’incompétents constructivistes. 

PLUS DE BERTEZ EN SUIVANT :

 Cette crise de la sidérurgie, la vieille crise, présente une similitude avec la situation actuelle. Notre analyse d’alors était que la sidérurgie française était victime du long concubinage avec l’Etat, puis avec la CECA, victime de l’interventionnisme et/ou du contrôle des prix imposé par les politiciens ignorants des principes de base de l’économie. Ces interventions, ce non libre jeu des prix -et du critère du profit- avaient affaibli ce secteur clef économique, pollué sa gestion, déresponsabilisé ses dirigeants et ses capitalistes.  

C’était le temps du CME, le Capitalisme Monopoliste d’Etat, avec ses élites irresponsables, conniventes, cooptées.  

Tout était devenu aberrant, les prix ne jouant plus leur rôle de signaux et de modes de financement; le secteur était devenu un exemple de mauvaise adaptation, mauvaise allocation des ressources, il était surendetté. Mauvaise allocation des ressources, non seulement financières, capitalistiques, mais aussi et c’était encore plus grave, humaines.  

Le contrôle et l’intervention de l’Etat créent le dysfonctionnement qui, peu à peu, gagne tous les secteurs de l’entreprise ou du secteur industriel concernés. On est en train d’assister au même phénomène dans l’automobile et les énergies bidon, dites nouvelles.  

Evidemment, l’Etat n’a jamais reconnu sa responsabilité, au contraire, il s’est servi des boucs émissaires patronaux -qui le méritaient bien- pour masquer les causes réelles de la déconfiture, du sinistre.  

En l’occurrence, dans le cas ancien, le marché n’a pas joué son rôle, les prix n’ont pas produit les signaux qui auraient du être produits; l’adaptation, clef de la pérennité de toute activité économique ne s’est pas faite. Ce qui aurait dû se faire en douceur, en continu, a dû se faire brutalement, par la fameuse crise de la sidérurgie.  

Nous soutenons qu’il en va de même encore cette fois, mais dans un processus que nous qualifierons d’inversé. Inversé, par commodité, signifie qu’au lieu de prix trop bas, le secteur de l’acier est victime de prix qui ont été trop élevés, trop rémunérateurs. Ces prix trop élevés constituaient des faux signaux qui donnaient une idée radicalement fausse du marché « normal » de l’acier.  

Même le plus idiot des hommes politiques sait qu’il y a eu un « boom », au sens de la théorie économique chez les émergents. Pour peu qu’il lise un tout petit peu d’économie entre deux plateaux TV et trois préaux d’école, dans sa voiture avec chauffeur, il sait aussi que la cause de ce boom, c’est l’expansion inconsidérée du crédit qui s’est développée pendant 20 ans sous la conduite -impérialo socialo laxiste- des Etats-Unis et de leur Fed.  

Pour peu qu’il nous lise, il sait, en plus, que c’est l’absence de contrainte dans la création de dollars qui a engendré une hypertrophie du crédit. Notre homme politique n’est alors pas très éloigné de comprendre que le déversement dans l’économie mondiale, de ce pouvoir d’achat, fictif, artificiel, ne pouvait être que temporaire et qu’une période de « boost », symétrique du boom allait s’ensuivre. 

 

Tout ce qui a été mal alloué, soutenu par le crédit, tous les investissements mal conçus, inadaptés aussi bien en équipements qu’en hommes ou en savoir-faire, tout doit et sera détruit. Ce n’est que le tout début. Pourquoi?  

Pour quatre raisons:  

  • –        la politique monétaire mondiale est entièrement orientée vers le soutien du crédit, elle ne vise qu’à prolonger le cycle et à éviter que les prix et la demande artificiels ne s’effondrent; tout ce qui est soutenu finit toujours par tomber.
  • –        La Chine stocke des quantités phénoménales de produits de base, métaux, cuivre, minerais, afin d’éviter l’effondrement des prix. On lui prête l’alibi de vouloir ainsi sécuriser ses réserves! 
  • –        le commerce global, la croissance globale vont durablement ralentir, ce qui va réduire encore la demande finale de produits primaires; la tentative chinoise de rééquilibrer son système va accroitre le déflation 
  • –        en raison des faux signaux envoyés par les Banques Centrales et les gouvernements, les ajustements des capacités de production et des programmes d’investissement n’ont pas été faits.  

Les  lois de l’économie, sont aussi incontournables que celles de la gravitation.  

Explicitons l’articulation de la catastrophe.  

Bien entendu, le crédit américain s’est écoulé dans les réserves des Banques Centrales des émergents, il a favorisé la création monétaire, le développement du crédit interne, l’allocation des ressources est devenue dysfonctionnante, etc. Dans ces pays, tout est devenu inflaté, pervers. Le marché global de nombreux produits en a été affecté et, singulièrement, celui des produits de base.  

Vous comprenez que les prix de ces produits ont trop monté, on a trop produit, trop augmenté les capacités, trop stocké. Bref, le schéma classique, le cas d’école. Demande inflatée, prix aberrants, taux de profit bullaire, surinvestissements, fusions et acquisitions imbéciles et trop onéreuses,  

Les secteurs les plus en vue dans la mauvaise allocation sont ceux qui sont les plus sensibles au coût et à l’abondance du crédit, les plus capitalistiques : automobile, construction, bâtiment, grands travaux, infrastructures, pour ne citer que les plus visibles. Ce sont de gros consommateurs de produits de base, métaux, acier, charbon, énergie…  

Maintenant que la contrainte économique tente de se remanifester sous forme de crise de surendettement, il est évident que tous ces secteurs sont aussi les plus menacés. Ils ont bénéficié de prix trop élevés, d’investissements excessifs, d’embauches pléthoriques. Des capitalistes à courte vue, plus soucieux de parts de marché et de folie des grandeurs ont procédé à des acquisitions. Acquisitions bien peu fondées sur une analyse des perspectives à long terme. Acquisitions réalisées à des prix trop élevés et qui, elles aussi, font pression sur les bilans, les comptes d’exploitation. Il faut payer ce que l’on a surpayé. L’acier en est un exemple, mais seulement un exemple parmi d’autres.  

Après la beuverie et les excès, vient le temps de la gueule de bois. Et nous y sommes. Ou plus exactement, nous y serions, si les Banques Centrales et les gouvernements ne freinaient pas des deux pieds pour encore retarder l’inéluctable par les fameuses politiques monétaires non conventionnelles. 

 

En France, on s’agite sur le cas de Mittal. Mittal est pour ainsi dire le cas d’école que l’on devrait imposer aux élèves des business schools d’étudier. Pas aux Enarques, eux ne sont spécialisés que dans la rhétorique et le « bien exposer » mis à toutes les sauces. Pas aux banques, elles ne sont spécialisées que dans la drogue, son deal et son écoulement dans les veines du tissus économique pour précisément provoquer les overshoots et gueules de bois.  

Arnaud Montebourg, Ministre du redressement et du viagra productif entend laminer Mittal. Tient une belle formule, pourtant le couple Arnaud/Pulvar est dissocié. Parenthèse. Plus sérieusement, il évoque une nationalisation temporaire « afin de sauver ses deux hauts fourneaux et ses emplois ». Il faudra que l’on nous dise comment sauver des hauts fourneaux et des emplois -apparemment- condamnés par l’analyse macro et micro-économiques. En quoi une prise de contrôle publique, source de gabegies, de gaspillages, de prébendes aux copains et coquins (Voir les dossiers comme Lip et Manufrance) va-t-elle faciliter quoi que ce soit dans ce dossier.  

Il est possible qu’il y ait des repreneurs pour le site, sur des bases qui sont inacceptables pour Mittal, il est possible que Mittal raisonne, non pas économiquement ou financièrement, mais de façon conforme à l’intérêt  français. Nous ne serions pas étonnés si c’était le cas. Mais en quoi la prise de contrôle du site par l’Etat ou ses agences peut-elle modifier la donne? On aimerait le savoir. Faute de le savoir, on en est réduit aux conjectures les plus probables, à savoir que l’on va subventionner les emplois de Florange. Par un tour de passe-passe. L’atout de l’Etat dans cette affaire c’est… comme d’habitude, l’argent des autres, des citoyens. C’est le détournement de pouvoir d’achat -rare, insuffisant-  vers un usage économique discutable et au détriment de secteurs plus adaptés.  

Tout cela évoque dans notre mémoire le terrible dossier de la papeterie de la Chapelle Darblay. Pour maintenir les sites, pour maintenir l’emploi, dans la région de Laurent Fabius, la France a battu un triste record, celui de l’emploi maintenu le plus cher au monde!  

(1) Michel Freyssenet: La sidérurgie française, 1945-1979. L’histoire d’une faillite. Paris Savelli 1979.

 BRUNO BERTEZ Le Mardi 27 Novembre 2012

llustrations et mise en page by THE WOLF

EN BANDE SON :

6 réponses »

  1. Tout est dans la vidéo finale. Monsieur Bertez, il suffirait de faire travailler l’anglais de nos enfants avec cette chanson et inonder les chaines de jeunes de ce rap-éco…

  2. Le délire constructiviste de l’UFC

    Le constructivisme pollue tout, toute notre société et surtout toute notre vie. Comme si cela ne suffisait pas d’avoir un gouvernement socialiste, dirigiste, constructiviste, voilà que les pseudo-associations de consommateurs s’en mêlent. Il est vrai que l’UFC-Que choisir est vraiment bien peu une association de consommateurs. C’est une institution top-down qui pratique la parole du maître, qui sait tout sur tous les sujets, avec un biais que l’on peut sans exagérer considéré comme crypto-communiste. L’UFC-Que choisir fait tout, sauf faire remonter les expériences des consommateurs. Elle impose les siennes, plus ou moins valables, et surtout elle impose son idéologie. Une idéologie pas très favorable au business, vous vous en doutez.

    Ainsi, nos constructivistes de la consommation se mêlent maintenant d’intervenir dans ce que l’on appelle le bien commun. Ils se mêlent d’analyser les pics de consommation d’électricité et, à partir de leurs analyses, de faire des propositions, des recommandations, qui touchent tous les secteurs de l’économie : l’énergie, l’équipement, la conception des habitations, et même le budget et le financement des ménages.
    L’UFC-Que choisir, vous lirez le texte ci-dessous, a l’incroyable prétention de savoir ce qui est bon, meilleur, pour le bien commun et l’intérêt général.

    La théorie du bien commun et de l’intérêt général a été proposée en son temps sous une façon apparemment élaborée et profonde par l’économiste anglais Arthur Cecil Pigou. Il continue de faire référence. Peu importe que Pigou soit un âne, et que ses travaux aient été remarquablement critiqués par le centenaire Prix Nobel Ronald Coase. Les réputations surtout usurpées ont la vie dure dès lors, comme celle de Keynes, qu’elles justifient l’interventionnisme des gouvernements. Dès lors qu’elles alimentent la panoplie des mesures qui permettent de taxer les citoyens, de leur retirer le pouvoir de choisir et de le transférer à la classe politique. Pigou ne connaissait rien au réel. Il n’a fait que « repomper » les travaux d’autres économistes, y inclus les fautes de raisonnement. Il a eu quand même une lueur lorsqu’il s’est aperçu, d’une part que la classe politique n’était pas omnisciente, quand même, et, que d’autre part, elle était rarement désintéressée. Cette découverte lui a permis de compléter ses travaux en ajoutant un complément à la classe politique : les Commissions. Vous savez les Commissions, ce sont ces groupes de personnes qui se réunissent pour enterrer un sujet, pour jouer les pompes funèbres, et en rémunération de cette activité peu glorieuse, toucher honoraires et défraiements. Tout près de nous, il y a eu la Commission Jospin dont nous avons parlé récemment.

    Pigou partait de l’idée qu’une Commission était plus neutre et plus compétente que le pouvoir politique. Hélas, comme il ne connaissait rien à la réalité, il ne lui est pas venu à l’idée que les Commissions étaient nommées par le pouvoir politique et que, par conséquent, dès le départ leurs travaux étaient entachés d’un biais.
    Tous les travaux sérieux postérieurs à Pigou indiquent que le libre jeu des forces du marché et le bon fonctionnement des systèmes de prix permettent d’arriver à des optimums nettement supérieurs à ceux auxquels on parvient par le jeu de l’intervention gouvernementale et politique.
    Hélas, on continue d’enseigner les travaux de Pigou, mais en revanche, on ignore ceux de Ronald Coase.
    Vous savez pourquoi, tout simplement, parce que les travaux de Pigou s’inscrivent parfaitement dans le cadre des intérêts de la classe politique et de sa volonté de puissance et de ses complices médiatiques. C’est à partir de petites nouvelles quotidiennes « insignifiantes » comme celle que nous prenons la peine d’analyser en provenance de l’UFC-Que choisir que se construit la culture socialiste et que se propage la pollution.

    http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/energie-environnement/actu/0202413583793-chauffage-electrique-ufc-que-choisir-tres-critique-514795.php

  3. Il existe un autre genre de commission . C’est celle qui est touchée pour un marché public , dés lors que sa signature est recquise .La coutume est de 3% . C’est systématique . A ne pas confondre avec le pot de vin .
    Non c’est tout à fait légal , convenu , usuel . C’est officiellement le prix de la responsabilité prise .
    Maintenant sachant que le moindre petit marché public est de l’ordre du million d’euro , voyez par vous méme ! Ce genre de commission n’aurait-elle pas un effet plus heuristique , si je puis dire .

  4. rien n’empeche l’état de faire plier « officiellement » mittal et de lui renvoyer l’ascenseur avec une juteuse commande de l’état avec commissions en prime.c’est ce qu’on appelle du gagnat-gagnant….

  5. Super le rap ! Je verai bien Bernanke dans le rôle du Tom Cruise boudiné poilu se dandinant avec son gros cigare dans Tonnerre Sous Les Tropiques (pas un film pour les cinéphiles mais très poilant).

Laisser un commentaire