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Forfaits fiscaux: offensive française confirmée contre les exilés fiscaux établis en Suisse

Forfaits fiscaux: offensive française confirmée contre les exilés fiscaux établis en Suisse

La France a retiré une directive qui protégeait les Français établis en Suisse au forfait. Le canton de Vaud «regrette» la décision

Le texte, publié le 26 décembre au Bulletin officiel des finances publiques, concerne les Français établis en Suisse profitant d’un forfait fiscal qui exercent encore une activité professionnelle en France ou y perçoivent des dividendes. En vertu de la modification, qui a pris effet le 1er janvier, la France n’accordera plus le bénéfice de la convention de double-imposition pour les Français installés en Suisse et payant un forfait fiscal dit « majoré ». 

 L’instruction française du 26 décembre, dans son intégralité

«Coup de canif dans les relations franco-suisses», «nos craintes étaient fondées», «le forfait est kaputt»: les fiscalistes alignent les métaphores pour commenter la décision unilatérale de l’administration française, qu’ils redoutaient depuis trois semaines .

En pleine trêve des confiseurs, le lendemain de Noël, la Direction générale des finances publiques a publié une instruction qui pourrait être lourde de conséquences pour les Français établis en Suisse au forfait fiscal, a appris Le Temps. Désormais, le fisc français n’accordera plus le bénéfice de la Convention de double imposition de 1966 sur le revenu et la fortune à ceux de ses ressortissants qui étaient imposés en Suisse au forfait dit «majoré». C’était pourtant le cas depuis 40 ans, en vertu d’un accord entre la France et la Suisse.

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Formellement, la «tolérance» prévue par l’instruction administrative française DB 14 B-2211 n°7 de 1972 ne s’applique plus à compter du 1er janvier 2013. Cette instruction – reprise en Suisse par une circulaire de l’Administration fédérale des contributions (AFC) – octroie le bénéfice de la convention aux forfaitaires français, pour autant que ceux-ci acceptent d’être imposés sur une base supérieure (de 30% en pratique) à cinq fois la valeur locative de leur habitation. Dans ce cas, l’autorité cantonale leur délivre une attestation de domicile fiscal en Suisse, au sens de la convention. Or l’immense majorité des forfaitaires français ont choisi ce régime. Parce que, pour eux, bénéficier de la convention est déterminant. S’ils en bénéficient, il leur suffit de démontrer que le centre de leurs intérêts vitaux est en Suisse pour échapper au fisc français, même s’ils conservent une activité dans l’Hexagone. Et les bénéficiaires ne paient que 15% d’impôt à la source en France sur les dividendes, contre 30% hors convention.

Quelles seront les conséquences de l’abandon de cette «tolérance» par la France? L’incertitude règne encore. «Certains vous diront que c’est la fin du forfait, d’autres que c’est juste un confort en moins, répond Romain Guiramand, avocat fiscaliste chez Cofes. Toute la question est de savoir si un forfait calculé sur la base d’autres éléments que la valeur locative sera reconnu par la France comme bénéficiant de la convention. A mon sens, les autorités suisses continueront de délivrer des attestations de domiciliation aux forfaits majorés, en tout cas je l’espère, et tout sera question d’interprétation.»

Son confrère Philippe Kenel attend de connaître la position suisse: «Selon moi, il faudra faire valoir que le forfait est un impôt sur la dépense et qu’il n’est pas calculé sur la valeur locative. Tous les cantons devraient ainsi se conformer à la pratique genevoise et demander une liste des dépenses aux forfaitaires.» Pour le juriste, si la France décide véritablement d’exclure tous les forfaitaires du bénéfice de la convention, «le résultat sera l’exact inverse de ce qu’espèrent les Français: leurs forfaitaires vont couper tous leurs liens avec l’Hexagone pour se mettre à l’abri.»

Dans ce contexte incertain, un point de vue semble faire consensus en Suisse: la France a agi à la hussarde. Contacté, le Ministère français des finances assure que «la Suisse a été informée de cette modification, qui ne revient qu’à appliquer la lettre de la convention». Vraiment? La réponse diffère du côté suisse: «Le Secrétariat d’Etat aux questions financières (SFI) a pris connaissance de la décision de la France, indique simplement la porte-parole, Anne Césard. Le SFI analyse la situation.» De source proche du dossier, la France n’aurait pas officiellement informé la Suisse mais juste «laissé entendre qu’elle allait dans cette direction».

Concernée au premier chef par les conséquences de la décision française, l’administration vaudoise des impôts certifie, par la voix de sa porte-parole Isabel Balitzer-Domon, qu’elle «n’a pas été informée de cette décision. Nous continuons notre pratique actuelle en délivrant des attestations de domicile fiscal aux forfaitaires majorés et nous regrettons l’insécurité créée par cette décision.»

C’est cette insécurité qui fait bondir le conseiller administratif genevois (PDC) et membre de la Commission fiscale du Grand Conseil Guillaume Barazzone: «Si cette information est confirmée, cette décision unilatérale ne correspond pas du tout à l’état d’esprit de négociations sereines annoncées par François Hollande et Eveline Widmer-Schlumpf. Cette dernière doit défendre les forfaits, qui rapportent beaucoup aux collectivités locales. Il faudra trouver une pratique qui garantisse la sécurité juridique des forfaitaires en droit interne.» Et de replacer cette décision dans un contexte genevois: «On essaie de construire la région, c’est un équilibre subtil. Je rappelle que le canton de Genève reverse quelque 190 millions par an aux départements limitrophes, au titre de la rétrocession de l’impôt à la source. Cela pourrait être mis dans la balance…»

Pour le président du PDC suisse, Christophe Darbellay, «c’est une étape supplémentaire de la guerre que mène la France à ses riches ressortissants. Et c’est un comportement indigne à l’égard d’un pays ami. Nous sommes placés devant le fait accompli, j’attends d’Eveline Widmer-Schlumpf qu’elle prenne langue avec ses homologues français pour déterminer leurs intentions.»

Le conseiller d’Etat vaudois Pascal Broulis s’est dit « surpris » et « choqué » après la décision de Paris de durcir le ton contre ses expatriés fiscaux en Suisse. Le ministre des finances parle de « déclaration de guerre ».

Paris « dénonce des conventions, mais une convention, c’est un partenariat. Si c’est unilatéral, c’est une déclaration de guerre, une de plus de la part de la France », a affirmé samedi l’élu PLR sur les ondes de la RTS.

« Il y un risque d’une montée de tension entre deux pays amis, ce n’est pas très sain », a-t-il estimé. « La France est un partenaire important. Beaucoup de frontaliers travaillent en Suisse, et 5 à 7 milliards de francs de salaire quittent la Suisse pour la France », a-t-il rappelé.

« Le gouvernement Hollande a des déboires sur la fiscalité avec d’autres pays européens comme la Belgique et la Grande-Bretagne », a-t-il également relevé.

Alexis Favre/Le Temps+ Romandie News Janv13

http://www.letemps.ch/Page/Uuid/c8d4e178-56af-11e2-a608-60f4fc9eb7eb/Forfaits_fiscaux_offensive_française_confirmée

2 réponses »

  1. Bah, les français vont vendre leurs participations dans les sociétés françaises et l’investir dans d’autres pays. Hollande a un problème avec les gens qui réussissent. Politicien c’est un job beaucoup plus facile qu’entrepreneur.

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