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L’Edito du Dimanche 13 Janvier 2013: Le monde est bipolaire par Bruno Bertez

L’Edito du Dimanche 13 Janvier 2013: Le monde est bipolaire par Bruno Bertez

 Vous savez, pour nous lire régulièrement, que nous aimons développer les analogies qui existent entre notre monde politico-économico-monétaire et les troubles névrotiques. En fait, notre méthode de travail et nos instruments intellectuels d’analyse nous ont conduit à considérer que nous nous trouvions en présence de beaucoup plus que d’une analogie; nous sommes en présence d’un isomorphisme. Le discours dominant sur la politique, l’économie, la finance, s’analyse comme un ou des symptômes de la névrose, tandis que le réel, lui, évolue en fonction de ses ressorts cachés, dissimulés à la conscience des hommes. L’économie et la finance sont un grand système qui a sa logique propre, inconnue des participants, lesquels sont les gestionnaires apparents du système, alors qu’en fait, ils n’en sont que les grands prêtres. Ils gèrent des mystères qui les dépassent et, au passage, comme dans les temps anciens, ils drainent à leur profit les richesses, les honneurs, le pouvoir et les femmes.

  

    De la même manière que les travailleurs de Marx se font exploiter à la faveur de l’obscurantisme économique, les citoyens se font maintenant exploiter à la faveur de l’obscurantisme monétaire.

Le stade kleptocratique du capitalisme a déplacé, pour parler comme les marxistes, l’extorsion de la plus-value. Celle-ci, dans nos systèmes développés n’est plus extraite de la production, mais de la circulation des biens  et services et surtout de la financiarisation. 

Financiarisation, crédit, émission de monnaie au profit d’une classe, déficits des gouvernements financés par la printing press, inflation sélective des monnaies et quasi monnaie, etc. Voilà le phénomène simple qui explique, d’abord, le creusement historique des inégalités, ensuite, la mise au chômage des appareils de production dans les pays murs. 

L’exploitation s’est aussi déplacée géographiquement. Dans les vieux pays, l’extorsion est faite par le biais de la finance, mais, en même temps, les vieux pays exploitent les producteurs des pays émergents. On les exploite durement, minièrement, c’est-à-dire sans souci de leur protection sociale et de leur niveau de vie. Inconsciemment, il est évident que les citoyens des vieux pays savent –tout en ne sachant pas- qu’ils bénéficient de l’échange déséquilibré qu’ils font avec les citoyens des émergents.  Ils savent que cette TV géante, cet IPAD, ces vêtements, cette voiture, ils ne peuvent l’acquérir que parce que les coûts de production là-bas, sont très faibles, les salaires dérisoires, etc.

C’est la raison fondamentale pour laquelle il n’y a plus de vraie gauche dans les vieux pays, il n’y a plus que des socio-démo qui traduisent le stade historique du système: le stade globalo-klepto-financier. Les socio-démo sont les gens qui gèrent un système dans lequel les citoyens sont exploités par la finance et dans lequel les mêmes citoyens exploitent les travailleurs des émergents.

La sociale démocratie est le système politique et social adapté à la situation, il la traduit, l’exprime et la gère. 

Pour gérer, vous avez compris où nous voulons en venir, il faut avoir la possibilité de créer de la dette, de créer du crédit, de recycler les excédents des producteurs vers le financement de la consommation des citoyens des vieux pays. Hélas, la dette se stocke, s’accumule, et elle finit par constituer une masse qui empêche non seulement que l’on puisse l’honorer, mais une masse qui est un boulet pour les économies. C’est, nous y sommes, la crise de surendettement.

 

On peut vous dire n’importe quoi, derrière les mots et les mystifications vous retrouverez toujours, avec un peu de travail, la structure de la vérité que nous exposons. D’accord, c’est un peu cynique, mais nous sommes de ceux qui croient aux bienfaits de la vérité, se cacher derrière les belles paroles ne change rien, le système marche comme cela et la crise,  c’est ce que nous décrivons. 

Les faits, les particularités, se chargent d’habiller notre logique et de faire la liaison entre le raisonnement et ce que l’on voit. Entre l’inconscient, le refoulé, le caché du système et les symptômes qui se donnent à voir. 

Ce que l’on voit, c’est la manifestation de la logique du système au travers du prisme de la névrose sociale. La logique met son costume/déguisement contingent derrière sa nécessité. 

Cela étant posé, nécessaire, venons-en à notre bipolarité et donc à ce que l’on voit.

EN LIEN: Doctor Market and Mister Conjoncture du Lundi 14 Janvier 2013 : Les maniaques tentent de prendre le contrôle par Bruno Bertez

PLUS DE BERTEZ EN SUIVANT :

Le trouble bipolaire est un trouble de l’humeur. L’humeur du bipolaire fluctue de façon anormale, il passe de l’excitation excessive à la morosité dépressive apparemment sans raison. Par le seul jeu de ses humeurs internes. Dans les temps anciens, on appelait cela être maniaco-dépressif. Maniaque désignant l’excitation excessive, dépressif désignant l’état de mélancolie. Il est évident que le malade est au delà de la névrose, il est psychotique, soumis à des hallucinations, des délires. Il produit un discours qui n’est pas relié à la réalité, mais qui a son origine dans sa tête. 

Comme tel, le discours du bipolaire est déconnecté du réel, du fondamental. Il a sa logique propre.

Le fondamental n’est réintroduit que de temps à autre, lors des périodes de répit, dites de stabilité. Les médicaments , les tranquillisants, aident le patient et surtout son entourage, ils ne soignent pas. Ils rendent le trouble supportable. 

Alors vous avez compris, bien sûr! 

  • Le patient bipolaire, c’est le marché. 

Le trouble consiste à passer de périodes d’excitations euphoriques, de risk-on, à des phases de dépression mélancolique, voire suicidaire, c’est le risk-off. Suicidaire parce que acheter du risk-off et le surpayer, c’est préparer sa mort financière. Vous retrouvez nos fameuse perceptions névrotiques dont nous parlons souvent, ces hallucinations chères aux économistes de l’idéalisme et de l’escroquerie réunies.

 

Le réel du patient, c’est bien évidemment le fondamental des économies, avec la disjonction qui s’opère dans les phases d’euphorie entre ce que fait le marché, il monte comme maintenant, et ce que fait l’économie, elle baisse comme maintenant. 

Ce que l’on appelle les médicaments du bipolaire, ces psychotropes sont en réalité des drogues qui réduisent ses accès de dépression, et incitent ensuite, le balancier repartant de l’autre côté, à l’euphorie. Grâce aux médicaments, le patient/marché repart du risk-off vers le risk-on, peu importe le réel, un monde artificiel se substitue au fondamental.

 

Vous avez compris que la drogue, les médicaments, la potion, c’est la création monétaire, le printing, le QE, le LTRO, l’OMT, et que, , il n’y a pas besoin d’administrer le médicament réellement, la parole du médecin/banquier central suffit, on peut pendant quelques temps vivre de la magie du placebo. 

Le problème du bipolaire, c’est quand il arrête le médicament ou quand il reçoit un choc exogène.

Faute d’un sous-bassement sain et adapté, son organisme est incapable de répondre correctement, Les dysfonctionnements s’enchainent, transitifs, auto-alimentés, non régulés par le monde extérieur.

C’est imprévisible. L’humeur ainsi déclenchée peut être positive ou négative, agréable ou désagréable, euphorique ou suicidaire. A noter que la comorbidité, la proximité d’autres systèmes souffrant de troubles bipolaires aggrave les fréquences et les enchaînements néfastes. 

Au cours de l’été, le charlatan Draghi a promis le gros bazooka, la piqure de création monétaire illimitée et à forte dose. Le fameux « a tout prix, quel qu’en soit le prix ». La manie, perte de sentiment de réalité euphorique a duré jusqu’en septembre. Puis ce fut la rechute, l’alternance dépressive: on a chuté, terrorisé jusque mi-octobre. Nouvelle piqure, ou plutôt nouvelles au pluriel, piqures, les charlatans américains ont promis QE4 sans limite, les Japonais s’y sont ralliés, les Chinois l’ont fait sans le dire. Nouvelle phase maniaque, alors que les signes de détérioration du réel se multiplient, l’euphorie  fait sa réapparition, les bipolaires voient la vie en rose.

 

 La bipolarité n’est pas la schizophrénie, le monde du bipolaire n’est pas coupé en deux; non, son monde est un tout, c’est son humeur, sa vision du monde, sa perception qui change. Et bien sûr, il y a interaction plus ou moins étroite entre le bipolaire et le monde, entre les marchés et le fondamental. Si la période maniaco-euphorique dure, il y a un petit effet de contagion entre le marché et l’économie et à la faveur de cette petite contagion, l’observateur peut avoir l’illusion, comme le malade, qu’en fait, les choses vont vraiment mieux. Il peut y avoir amélioration concrète, temporaire, qui fait illusion. Et cela enclenche la transitivité, les choses se réalisant d’être crues, l’apparence donne raison au maniaque, ce qui prolonge l’optimisme. C’est le fameux « kick the can », on en arrive à croire que cela marche.  Pendant  ce temps, les fondations restent ce qu’elles sont, elles ne sont pas modifiées par les mouvements de surface, les courants profonds restent ce qu’ils sont, la dérive continue et l’écart entre ce qui apparait et ce qui est sous-jacent augmente, augmente.

 

La première semaine de l’année 2013 a été euphorique. La première semaine de l’année a connu une progression de 4,6% du S&P 500, de 3,8% du DJ, de 5,7% du Russel. Les cycliques, les banques,  tout a monté. C’était le temps du risk-on. 

Le risk-off a trinqué sévèrement. Hausse de 10 points de base du rendement du 5 ans américain, hausse de 20 points de base du 10 rendement du 10 ans à 1,90% , hausse de 23 points de base du rendement du 30 ans. Même carnage sur le Bund allemand, le rendement a fait un bond de 23 points de base à 1,53%. 

Les emprunts espagnols, italiens, etc. ont au contraire été recherchés. Les rendements sont au plus bas de nombreux mois alors que les économies sont en chute libre, les prévisions de déficit ne sont pas tenues, les situations politiques périlleuses. 

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C’est la bipolarité dans ses œuvres. 

Dans ce trouble, la psychose se manifeste par la polarité, la binarité des comportements. Ce que nous appelons quelquefois l’escarpolette. On peut même dire que tant que la binarité dure, persiste, c’est le signe que le mal est là. Que tout marche en même temps et dans le même sens, que l’on aille tous ensemble du même côté du bateau, puis de l’autre, est le meilleur indicateur du mal. Indicateur que l’on est loin de la guérison. Pas besoin de dépenser de l’argent pour faire des recherches, l’observation, cette observation du symptôme du mal suffit. Et c’est plus économique que les bureaux d’études.

 

Toute prévision sérieuse est non seulement inutile, mais dangereuse. La prévision est elle-même un symptôme, un produit de la situation, ce n’est pas un point de vue extérieur. Surveiller ce que disent les charlatans, assurer vous que la binarité subsiste bien et puis allez-y, dans un sens ou dans l’autre,  selon la phase que vous identifierez.

 

A ce stade, la crise paroxystique est inévitable, mais  le pire est que le bateau peut aussi bien chavirer à droite qu’à gauche, d’un côté ou de l’autre. On ne peut deviner la forme que prendra la crise. 

On peut connaitre une phase spéculative euphorique finale comme du temps de telcos, du housing, de la bulle de la  finance gouvernementale, avec des bulles géantes. 

On peut, à la faveur de la résurgence d’un problème majeur en Europe, aux USA, en Chine, ailleurs et même global, on peut prendre peur, vouloir quitter le bateau, réduire le risque, le leverage etc. etc. 

Les deux sont possibles et équiprobables. 

Et les fondamentales dans tout cela? Ne vous fatiguez pas trop, pas besoin de dépenser de l’argent pour les découvrir. Tenez, lisez le Wall Street Journal de la fin de semaine dernière, tout est résumé par une seule personne, Martin Feldstein. Depuis qu’il n’est plus aux affaires, il pense bien, il pense juste et il ne pratique plus la langue de bois. 

Feldstein dit en substance que la politique monétaire que l’on appelle non conventionnelle produit des bulles sur les marchés d’assets, elle construit de l’inflation future, elle autorise la poursuite de la croissance des endettements. 

Nous nous ajoutons, jour après jour, le risque augmente: 

  • -La spéculation devient de plus en plus audacieuse, il y a un effet d’apprentissage
  • -La spéculation est de plus en plus cynique et prédatrice
  • -Les hedge funds sont en difficulté, ils ont un besoin pressant de performance pour leur 1,6 T
  • -Il y a mismatch considérable court/long, on n’achète qu’avec des motivations de court terme
  • -Le marché est illiquide, sans profondeur, sans dispersion statistique des intervenants
  • -La déconnexion marché/réalité est connue de tous, ce qui accentue la vulnérabilité
  • -Les amortisseurs sont usés, les freins sont inutilisables, les pneus sont lisses. 

BRUNO BERTEZ Le Dimanche 13 Janvier 2013

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5 réponses »

  1. 100 % d’accord pour dire qu’un euphorie boursière n’est pas exclue. Elle est d’autant plus probable que la finance vit en vase clos et se nourrit d’excès et d’irrationnel. Ceci dit le réel est lui dans une tendance lourde : « les citoyens sont exploités par la finance et dans lequel les mêmes citoyens exploitent les travailleurs des émergents ». Cet anti-fordisme ne peut conduire qu’à la ruine de l’occident.

  2. Oui, ca sent depuis le debut du mois le crack-up boom à plein nez, reste à ce que le mouvement se confirme, mais bon les prévisions et les marchés… C’est l’état actuel en tout cas.

    Mais comme tous les QEs sont illimités, et comme la concentration a atteint des niveaux stratospheriques, l’exit va etre hollywoodien… on pourra toujours essayer de faire des QEs illimités « sans-limites »? Ca marchera peut-être?

    Ca risque d’être drôle et noir en meme temps.

  3. Complément boursier à notre article sur la bipolarité: Les maniaques tentent de prendre le contrôle.

    Si vous avez bien lu notre article sur la bipolarité, vous avez compris que l’alternance passe par des bouffées de maniaquerie euphorique, avec comme nous l’expliquons , une relative transitivité qui valide, par les nouvelles la bouffée d’optimisme.
    Il se pourrait bien que nous soyons en train de favoriser le gonflement d’une resucée de bulle.

    Nous notons que les marchés grimpent malgré la menace (fausse selon nous) que constitue le fiscal cliff.

    Nous reprécisons que ce que nous suivons c’est le marché directeur mondial, le S& P 500.

    Les indicateurs de sentiment sont bullish , archi-bullish ; peu importe pour le raisonnement que ce soit des indicateurs généralement contrariants, puisque ce que nous voulons souligner, c’est le délire maniaque.

    Le public mord à l’hameçon, les entrées de capitaux dans les mutual funds sont à des niveaux pas vus depuis longtemps.

    L’économie confirme une amélioration, en particulier dans le secteur manufacturier.

    Les ménages recommencent à s’endetter sans retenue, peu importe que ce soit du crédit de mauvaise qualité et fédéral.

    La spéculation sur le logement est de notoriété publique.

    La masse monétaire M2 évolue positivement.

    Le déficit apparent du gouvernement a fortement chuté.

    Le baromètre de la FED de Saint Louis, le SLFS qui mesure le stress a chuté, on est passé sous zéro autour de -0,7 on vient de 5 en 2008 et 1 en fin 2012.

    La Chine émet des nouvelles positives

    Le japon va jouer le tout pour le tout

    L’Europe également au moins jusqu’à l’élection allemande

    Les marchés ont donné une confirmation (en Dow Theory) de tendance primaire haussière soit fin 2012, soit tout début 2013, et encore la semaine dernière, ce qui valide le retournement haussier opéré le 15 Novembre 2012. Le DAX et le CAC ont fait un break out haussier.

    Le risk /reward ratio mesuré par certains techniciens ressort à plus de trois en faveur de la prise de risque, ils estiment le potentiel de hausse a près de 30% et le risque de baisse à 7% seulement.

    Si avec ces répétitions vous n’êtes pas convaincus…Comme dans la pub du Crédit Lyonnais!

    Nous pensons que cela peut se développer, tout cela se fait sous la conduite des banques. Elles ont intérêt à pousser à la hausse et rien à perdre. A notre avis, nous sommes en présence d’une grande tentative… êtes vous prêts pour le grand ratissage? Il n’y aura pas beaucoup d’autres créneaux, d’autres fenêtres d’opportunité car après il va falloir se préoccuper du renchérissement des taux.

  4. J’entends certains dire que comme le livret A ne rapport plus rien (baisse à 1.75% au 1er Fevrier), soyons plus malin que l’etat, placons notre argent en bourse -sic- !

    Par contre pour le rencherissement des taux, j’ai peur que la collusion globale aidé par les printing et recyclages l’en empeche. Un paradoxe pourrait se developper, menant à une hyperinflation reelle lors de la perte de confiance.

    Scénarios complexes.

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