Art de la guerre monétaire et économique

Loi bancaire : Les contribuables ne doivent pas payer pour la finance.

Loi bancaire : Les contribuables ne doivent pas payer pour la finance.

Plus de 75 économistes ont publié une tribune dans laquelle ils se prononcent pour une profonde modification de la réforme bancaire proposée par le gouvernement. Ils dénoncent un « projet de loi qui ne résout rien », laissant « une porte ouverte à une nouvelle crise ».

« Nous, économistes, pensons que le projet de loi de séparation bancaire présenté à l’Assemblée nationale ne fait pas ce qu’il prétend et ne protègera pas plus qu’avant les dépôts des ménages français. En réalité, il laisse libre cours aux activités spéculatives des banques et sauvegarde leur pouvoir.

L’objectif affiché du projet consiste à sécuriser les dépôts et, pour cela, à séparer les activités de marché dangereuses des activités de crédit-dépôt. L’intention est bonne, compte tenu de l’hypertrophie des banques françaises. En effet, les actifs bancaires français représentent 340 % du PIB (contre 85 % aux États-Unis). Il existe au moins quatre banques dont la faillite peut entraîner la chute de l’ensemble du pays, contrairement à l’Allemagne qui n’en compte qu’une. Ces banques sont à la fois trop grosses pour qu’il soit possible de les laisser faire faillite (too big to fail) et « trop grosses pour être sauvées » (too big to save). 

Le secteur bancaire français présente un niveau de risque systémique parmi les plus élevés du monde : Dexia a déjà coûté 12 milliards d’euros aux contribuables français et belges et l’État vient d’y ajouter 85 milliards en garantie. Le Crédit agricole prévoit des pertes record en 2012, voisines de 6 milliards d’euros et la Société générale aurait perdu 11,9 milliards en 2008 sans le secours du contribuable américain.

Par ailleurs, le « modèle » français se révèle défaillant dans sa tâche de financement de l’économie : seuls 10 % du bilan de nos banques sont consacrés aux prêts aux entreprises non financières et 12 % aux prêts aux particuliers. Le reste relève d’opérations de marché essentiellement spéculatives : sur les 200 milliards d’obligations émises par le secteur bancaire français en 2012 pour « financer les prêts hypothécaires », seuls 22 milliards ont été distribués aux ménages et 27 milliards aux entreprises. Et combien consacrés à l’emploi, la recherche et l’investissement ?

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En supprimant la garantie publique implicite sur les produits bancaires hautement profitables et risqués que proposent les marchés,  la séparation des activités spéculatives des activités dites commerciales, engagement de campagne n° 7 de François Hollande, permettrait aux secondes de se consacrer intégralement au financement de l’économie réelle. En isolant les banques commerciales des humeurs des marchés, une vraie séparation permettrait de réduire le coût du financement des ménages et des entreprises. Elle ne pénaliserait que les quelques 9 000 traders et leurs dirigeants.

Or, que fait le projet de loi actuel ? Il oblige les banques à loger certaines activités spéculatives dans des filiales, mais seulement 0,75 % à 2 % du produit net bancaire des banques est concerné par cette mesure. Toutes les activités interdites à la maison-mère (les prêts aux fonds spéculatifs, le trading à haute fréquence, etc.) sont accompagnées d’exception qui vident la loi de son contenu. Les amendements déposés pour élargir ce périmètre demeurent largement insuffisants. Le projet français reste très en-deçà de ce qui est envisagé ailleurs dans le monde, y compris dans les pays anglo-saxons !  Il est beaucoup plus faible, en particulier, que le rapport Liikanen de l’Union Européenne, qui, bien que timide, a au moins le mérite d’exiger la filialisation de toutes les activités de « tenue de marché ».

À défaut de prévenir une crise, le projet de loi laisse-t-il au moins espérer que nous aurions les moyens de la guérir ? Non. Selon ce projet, les maîtres d’œuvre de l’éventuel démantèlement d’une banque française seront le Gouverneur de la Banque de France et le Directeur général du Trésor. Ils décideront seuls si l’État français devra aller au secours d’une banque (quitte à ruiner les Français) ou s’il conviendra de la laisser faire faillite. Les décisions seront prises sans obligation de consulter le Parlement, à l’aveugle, et au détriment du contribuable. Les 3,7 milliards prélevés sur les citoyens néerlandais, sans avoir été consultés, pour sauver sans conditions SNS Reaal, 4ème banque des Pays-Bas, sont un cas d’école qui risque de se généraliser.

De même, les détenteurs d’obligations ne seront pas nécessairement sollicités financièrement avant que les contribuables français aient à mettre la main à la poche. Le projet de loi considère que c’est une possibilité, mais non une obligation. Pire encore : pendant l’opération de réanimation cardiaque, le versement de dividendes aux actionnaires de la banque en détresse ne sera pas interdit. Rien n’est prévu non plus pour mettre à contribution les créanciers. Les dirigeants de la banque en détresse responsables de la déroute pourront-ils se voir supprimer définitivement le versement de leurs rémunérations ? Pas davantage.

Ce projet revient donc à maintenir dans la loi le parachute dont rêvent les banques « universelles » et leurs alliés, les fonds spéculatifs, pour pouvoir continuer leurs opérations spéculatives en toute quiétude. Il préserve leur liberté d’utiliser les dépôts de leur clientèle comme base pour accorder des crédits à leurs filiales spéculatives.

Comment, dans ces conditions, peut-on prétendre séparer les activités dangereuses du crédit, et sécuriser les dépôts ? Le sujet est suffisamment complexe pour que le Parlement britannique, qui s’engage vers une séparation bien plus stricte prenne un an pour légiférer. Le gouvernement français, lui, prétend régler la question en un mois, alors même que la Commission européenne s’apprête elle-même à légiférer dans le sens du rapport Liikanen. Ce projet de loi du gouvernement ne résout rien. Au contraire, il laisse la porte ouverte à une nouvelle crise. 

La crise a montré la nécessité d’une séparation stricte entre les activités bancaires utiles à l’économie et celles qui lui sont néfastes. Nous, économistes, appelons à une modification profonde de ce texte de loi, sous peine d’ébranler une nouvelle fois la confiance dans le processus démocratique. »

2 réponses »

  1. Dimanche 17 Fevrier . Les liaisons dangereuses avec préservatif.

    Nous vous avons mis en ligne ce texte de la pétition d’économistes contre la loi bancaire afin que vous vous en imprégniez bien, Il y a dans ce texte des chiffres intéressants, des suggestions de raisonnements qui vont dans la bonne direction. Mais, selon nous c’est de la poudre aux yeux qui, au lieu de démolir le projet gouvernemental, le valide. C’est le bon vieux retour du soviétisme avec le mythe des colombes et des faucons.

    Le titre en particulier est trompeur. Il nous avait alléché. Tiens, enfin on aborde la question du pillage des citoyens pour renflouer le couple maudit que forment les banques et les gouvernements. Tiens, enfin on s’attaque à la Sainte Famille des kleptocrates que constituent le triangle Banque Centrale, Banques, Etat. Hélas pas du tout. Tout ce que l’on veut dans cette pétition c’est continuer comme avant et surtout ne rien toucher d’essentiel qui mettrait en cause radicalement, fondamentalement le système pervers issu de la dérégulation. On veut le pérenniser en lui donnant l’apparence d’être plus sur, plus « secure » et donc plus acceptable.

    On reste donc dans la gestion des apparences dont le but est de préserver, de perpétuer ce système. Perpétuer le pillage des citoyens, et celui de l’économie productive au profit de l’état d’abord, de la finance ensuite, et des couches sociales qui prospèrent et se reproduisent grâce au phénomène kleptocratique pris au sens propre, radical qui est le notre: le détournement de la monnaie, bien commun, qui n’appartient à personne mais est au service de tous.

    La question du détournement du bien commun et du véritable statut des banques centrales n’est pas abordée, on reste sur le mythe mensonger de la Banque Centrale pur esprit, tombé du ciel, indépendante!

    La question de la monnaie, de sa création, la question de savoir comment elle prend vie et meurt n’est pas abordée, elle est escamotée.

    Comment parler de la banque sans parler de la monnaie et de ses conditions, de ses limites d’émission? Comment passer d’une monnaie qui finance tous les désirs et tous les délires à une monnaie au service de la production et de la réalité.

    Comment parler de la banque sans aborder la question du fractionnal banking?

    Comment parler de sécurité bancaire sans aller voir ce qui se passe du cote du « shadow banking system » , du marché des repos, des collatéraux, de la rehypothècation, des swaps de risque, et des dérivés. Le risque bancaire n’est pas là, où on le montre, où on le dit, pas là où on fait semblant de le pointer.

    Les banques ne meurent pas par les pertes, elles meurent par la fuite des dépôts, les runs secrets sur leur refinancement de gros. Pas plus la reforme, que les critiques de la reforme, ou les ratios de Bale ne changent quoi que ce soit aux vrais risques. Au contraire, elles les augmentent en créant une sécurité illusoire. De la même façon que les rating bidons des Agences ont favorisé la montée de risques, et que les assurances de crédit les ont décuplées. N’est ce pas Dexia? La récente faillite de la 4 e banque néerlandaise montre l’imbécilité des ratios de fonds propres, cette banque les dépassait très largement. Et idem pour les espagnoles, jusqu’à la déconfiture. La question centrale de la fiabilité et de l’honnêteté des comptabilités des banques n’est pas évoquée, pas plus que celle des modèles bidons de mesure des risques et des tests de résistance aux chocs.

    La question des relations incestueuses et maffieuses qui unissent les gouvernements, Trésor Public aux banques est passée sous silence, on veut en fait, continuer comme avant , inflater en rond, financer l’étatisme, le socialisme, continuer à spolier, à détruire l’ordre social qui découle de la gestion orthodoxe de la monnaie et de la banque. Bref on veut continuer à b….r les individus et les citoyens en se proposant simplement de mettre un préservatif rose.

    La question du poids de la finance dans l’économie est dissimulée, on souhaite rester dans une économie financière ou les banques continuent par le pouvoir de création monétaire à se substituer à l’épargne, à permettre de s’en passer pour mieux faire chuter sa rémunération, faire baisser le cout du capital, et détruire l’ordre social qui en découle.

    On continue de laisser intacts les mécanismes de front-running sur le marchés, l’écrémage des performances de marché au profit de la finance, en le camouflant et en le cantonnant.

    Pour résumer, la réforme par la loi bancaire ne cherche qu’à perpétuer les dysfonctionnements antérieurs, nos économistes contestataires ne cherchent qu’à couvrir tout cela d’un cache sexe, d’un voile pudique, qui laisseront intacts touts les vices du système, toutes ses perversions, en prétendant les corriger.

    Nous vous recommandons la lecture de nos articles fondamentaux sur la finance et la kleptocratie en cliquant sur les pavés correspondant en colonne de droite.

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