Art de la guerre monétaire et économique

Chypre : La colère de Moscou contre la taxe sur les dépôts bancaires

Chypre : La colère de Moscou contre la taxe sur les dépôts bancaires

32 milliards d’euros russes

Pour l’heure, il n’y a que le Royaume-Uni qui a rassuré ses quelque 3000 nationaux, militaires et fonctionnaires, en poste à Chypre. Le ministre des Finances, George Osborne, a annoncé dimanche que Londres allait leur verser des compensations au prélèvement de cette taxe.

En réalité, la taxe conçue à Bruxelles par la troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international) vise surtout les clients russes, particuliers et banques, qui, selon diverses sources, auraient déposé près de 32 milliards d’euros à Chypre. L’île méditerranéenne s’est forgé la réputation de paradis fiscal pour fonds russes et pétrodollars du Golfe.

Attirés par un climat méditerranéen, une même culture religieuse orthodoxe, plusieurs milliers de Russes se sont même installés à Larnaca, deuxième ville du pays, surnommée Larnacagrad.

Ironie du sort le nouveau ministre des Finances chypriote, Michael Sarris, se rendra mardi à Moscou pour justifier la taxe auprès des banquiers russes. Il rencontrera aussi les autorités pour renégocier les conditions d’un prêt de 2,5 milliards d’euros consenti l’an dernier. Il demandera l’allongement du délai du remboursement ainsi qu’une baisse du taux d’intérêt, actuellement à 4,5%. Le ministre russe des Finances Anton Silouanov a dailleurs regretté une décision prise sans concertation par l’UE et menacé de revenir sur sa proposition d’assouplir les conditions du crédit de 2,5 milliards de dollars accordé à Nicosie en 2011.

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La Russie a aussi dénoncé lundi comme «injuste»,  non professionnelle et «dangereuse» l’idée d’une taxe sur les dépôts bancaires acceptée par Chypre en échange d’une aide internationale, dont le coût représente des milliards d’euros pour les fortunes russes placées sur l’île.

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L’agence Moody’s a évalué à 19 milliards de dollars les seuls avoirs de sociétés russes placés à Chypre, auxquels s’ajoutent 12 milliards de dollars d’avoirs de banques russes dans des établissements chypriotes. Avec de telles sommes, la Russie se trouve en première ligne après l’annonce d’un plan d’aide à l’île méditerranéenne, qui comprend une taxe sur les dépôts bancaires. La Bourse de Moscou perdait plus de 2% en début d’après-midi.

Cette taxe exceptionnelle demandée par les bailleurs de fonds (Bruxelles et le Fonds monétaires international) s’élève à 9,9% au delà de 100 000 euros de dépôts. Elle entraînerait selon les experts cités lundi par la presse russe une perte d’environ deux à trois milliards d’euros pour les seuls ressortissants russes.

Dans la presse, les critiques étaient également très vives. Cette mesure «est un acte barbare de type soviétique», estime l’expert Pavel Medvedev, cité par le journal pro gouvernemental Izvestia.. «Seuls les bolcheviks pratiquaient de telles choses pendant la guerre! Aucun autre pays au seuil d’une faillite n’a jamais agi de la sorte», s’indigne le milliardaire Alexandre Lebedev, cité par le quotidien. Sur son compte Twitter, l’homme d’affaires, réputé critique du pouvoir, a assuré qu’il ne détenait que 50 000 dollars à Chypre: «le reste est investi dans l’économie russe».

Le milliardaire Mikhaïl Prokhorov a jugé que Bruxelles avait «placé une mine sous l’idée d’une Europe unie, et ce n’est pas parce que cela touche des hommes d’affaires russes, qui peuvent survivre à une perte de deux ou trois milliards».

Chypre est la première destination des fuites de capitaux russes, qui s’est établie à plus de 56 milliards de dollars en 2012, dont 35 milliards considérés par la banque centrale comme des transferts illégaux. «Les plus mécontents vont probablement chercher de nouveaux endroits pour placer leur argent», a prévenu Alexandre Zakharov, de la firme de conseil fiscal Paragon Advice Group.

Pour autant, «je pense que les fuites de capitaux ne vont pas diminuer, mais qu’à la place apparaîtra un autre pays qui deviendra le premier investisseur dans l’économie russe», ajoute-t-il, interrogé par l’AFP.

Les sommes considérables placées à Chypre, qui font le chemin inverse quand il s’agit de les utiliser, font de l’île le premier investisseur en Russie. Nicosie est à l’origine de 20% des investissements étrangers accumulés en Russie.

Pour l’économiste Julia Tsepliaeva, de BNP Paribas, une taxe sur les dépôts pourrait freiner les fuites de capitaux, le temps de trouver de nouvelles destinations. «Mais ce qu’il faut pour corriger les fuites de capitaux, […] c’est que le climat d’investissement en Russie devienne plus attractif», explique-t-elle à l’AFP. Néanmoins, «faute de payer 10% (de taxe, ndlr), c’est tout le système bancaire de Chypre qui s’effondrera. Et les Russes ont l’expérience de 1998, quand ils n’avaient pas perdu 10%, mais tout» lorsque le pays s’était trouvé plongé dans une grave crise financière, observe l’analyste.

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2 réponses »

  1. « les Russes ont l’expérience de 1998, quand ils n’avaient pas perdu 10%, mais tout »

    Gageons que l’argument « on vous prend 10% pour sauver les autres 90% » va rencontrer un succès planétaire!

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