A PROPOS

Claude Bébéar(Axa, Institut Montaigne) : « On crée un climat qui décourage les talents »

Claude Bébéar(Axa, Institut Montaigne) : « On crée un climat qui décourage les talents »

Entretien par Nicolas Barré et Henri Gibier/ Les Echos- Avril 2013

AVANT- PROPOS PAR BRUNO BERTEZ

  Lisez, relisez ce texte, critiquez le, appréciez le.

Voici un bon texte de Bébéar. Très bon même.

Tout y est, tant au plan économique que financier.

Le diagnostic économique est imparable.

La critique de la financiarisation également et bien sûr, compte tenu de nos postions, nous buvons du petit lait.

Pourtant, il manque l’essentiel : L’analyse et la critique sont faites au nom de l’entreprise. Cette position fait passer à côté de l’essentiel : le problème social.

La France reconnait les entreprises,  les cadres, l’énarchie et les énanistes, mais elle ignore les propriétaires.

Comme le Medef, Bébéar escamote les deux choses fondamentales qui incitent à l’effort et au risque : la propriété  et la liberté.

L’absence d’unité du monde patronal vient de là, la propriété unirait les  deux mondes de la grande et de la petite entreprise. Le refus, la pudeur des patrons à défendre la propriété est cause du glissement du système français. La propriété ce n’est pas noble, c’est injuste, vulgaire: nos élites reconnaissent les diplômes, surtout les leurs, elles ne reconnaissent pas les droits que confère la propriété. 

Et c’est la même chose avec la liberté, donc la même chose avec le marché. Si on ne met pas en avant la liberté des choix et la confrontation de ces choix, on considère que le marché se trompe toujours, on fait appel à l’état, collabore avec lui, et donc on arrive au pseudo capitalisme à la française. 

Pourtant bébéar est l’un des meilleurs. 

Sa vision sociale est digne, honnête. 

Son analyse du système est une erreur totale. 

Il ne parvient pas à comprendre et  faire comprendre que si les choses dérapent, par exemple par la financiarisation, c’est parce que l’on crée de la monnaie gratuite sans limite, parce qu’une classe klepto s’est formée, parce que précisément il n’ y a plus de marché, les prix essentiels sont faussés, à savoir ceux de l’argent et du risque. 

Bébéar reste dans le cadre du CME, le capitalisme à la française, monopolistique d’état ; avec élite cooptative, pantouflage, et toute la suite des conséquences, connivence état /pseudo privé. 

Cela n’ôte rien au mérite du texte et celui de Bébéar  lui-même.

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Claude Bébéar(Axa, Institut Montaigne) : « On crée un climat qui décourage les talents »

Entretien par Nicolas Barré et Henri Gibier/ Les Echos- Avril 2013

 

> Quel regard portez-vous sur l’évolution du capitalisme français ?

> Il y a de moins en moins de capitalistes ! L’impôt sur la fortune a été dévastateur. Beaucoup de capitaux sont partis. La France a de très bons entrepreneurs et pas assez de capitaux. L’inculture économique des Français et de ceux qui nous gouvernent est impressionnante. La dernière campagne présidentielle a été catastrophique sur ce point, à droite comme à gauche. Ce fut un concours de démagogie.

> Et sur le patronat ?

> Le patronat et les syndicats sont éclatés. Notre dialogue social fonctionne mal. C’est très difficile à gérer. Il faut revoir la représentation patronale et celle des syndicats. Nous n’arrivons pas à sortir du syndicalisme politisé issu de la guerre. Côté patronal, la division n’aide pas non plus. Cela permet aux pouvoirs publics de jouer les uns contre les autres, ce qui n’est pas sain. Il n’y a pas d’unité sur les grands sujets. Or il faudrait une expression commune. Le patronat doit être capable de parler d’une même voix sur les sujets les plus importants. Notre pays doit faire face à des défis considérables. La concurrence est mondiale. Notre compétitivité décroche. Or quel spectacle offrons-nous ? Vous avez d’une part le CAC 40 qui fait 80 % de son business à l’étranger et de l’autre des entreprises franco-françaises. On a l’impression de deux mondes qui s’ignorent. C’est très différent d’un pays comme l’Allemagne où les grands groupes se font un devoir de soutenir les PME du pays. Cet esprit d’unité n’est pas assez développé chez nous. D’où la force de l’Allemagne qui permet à ses PME de grandir. Cette dichotomie qui existe dans la représentation patronale explique en partie les difficultés de croissance de nos PME.

> Quel devrait être le message du patronat s’il était uni ?

> D’abord et avant tout un message de compétitivité. Nos entreprises font face à une concurrence mondiale de plus en plus redoutable provenant des pays développés mais aussi de Chine, du Brésil etc. Les charges qui pèsent sur elles ne leur permettent pas de lutter à armes égales avec leurs concurrents. Le message devrait être aussi simple que cela. Le grand souci en France aujourd’hui, ce n’est pas le niveau des salaires mais le poids de ces charges, de ces impôts et de ces taxes beaucoup plus élevés qu’ailleurs. Il y a un risque de décrochage, de marginalisation, de pertes définitives de positions. Nous avons calculé, à l’Institut Montaigne, qu’il serait nécessaire de faire un transfert de charges d’au moins 2,5 points de PIB pour alléger le fardeau des entreprises d’une cinquantaine de milliards d’euros. Je remarque que lorsque Louis Gallois avait entamé ses réflexions, il était dans cet ordre de grandeur. Il est malheureusement arrivé à un chiffre beaucoup plus bas. La France, à tort, a fait le choix de la consommation. Nous disons que les efforts doivent porter sur la production.

PLUS DE BEBEAR EN SUIVANT:

> Comment jugez-vous la politique économique actuelle ?

> Sévèrement. Le gros problème est d’avoir joué à ce point sur le volet fiscal. La pression fiscale atteint aujourd’hui le maximum tolérable. Il faut agir de façon drastique sur les dépenses publiques. Or sur ce front, on ne voit pas venir grand-chose. Rien qui soit à la hauteur du problème en tout cas. Notre taux de dépenses publiques est beaucoup trop élevé : il y a 200 milliards d’euros de différence avec l’Allemagne.

> Qu’est-ce qui vous inquiète le plus ?

> La dette. Les taux d’intérêt sont très faibles aujourd’hui mais c’est trompeur. Ils risquent d’exploser. La bombe à retardement est sous nos yeux. Pourquoi ? Parce que 60 % de la dette française est entre les mains de non-résidents. Ces investisseurs n’ont rien à faire de la France ! Si le gouvernement ne met pas d’ordre dans nos comptes publics, ils nous tourneront le dos et les taux d’intérêt s’envoleront. Cela peut aller très vite. Tous les ingrédients sont là. Pour éviter la catastrophe, nous avons suggéré que la France émette une dette perpétuelle : il s’agit d’une dette placée entre les mains des Français et négociable sur le marché, qui paie des intérêts mais dont on ne rembourse jamais le capital. Dans le monde de l’entreprise, il existe aussi une dette que l’on ne rembourse jamais : cela s’appelle le capital ! Le capital verse des dividendes mais n’est jamais remboursé. Pourquoi les Etats ne fonctionneraient-ils pas de la même manière ? Ce serait un moyen de renationaliser une partie de la dette française et d’être moins exposés aux caprices des non-résidents.

> Etes-vous témoin d’un exil fiscal ?

> Ce qui m’inquiète le plus, ce sont les jeunes. Notre classe politique, droite et gauche confondues, attaque les patrons, le profit, l’enrichissement. Les jeunes diplômés sont de plus en plus nombreux à partir. Ils se disent : « Si je crée une entreprise, je ne serai pas aimé. Si je gagne de l’argent, on va me le piquer ! » Et ceux qui ont de l’ambition se disent aussi : « Si je réussis, ces impôts à 75 % vont s’appliquer à moi… » Ce que je veux dire, c’est que l’on a créé un climat qui décourage les talents. Les étrangers que je rencontre me disent : « Avant, on voyait arriver de France des gens fortunés qui voulaient se mettre à l’abri du fisc. Aujourd’hui, on voit des jeunes sans fortune qui ont du talent. » J’en veux à tous ceux qui ont fait de la démagogie leur fonds de commerce électoral. Il n’y a plus que cela aujourd’hui. Dans l’histoire, vous avez de nombreux exemples de leaders politiques à droite et à gauche qui n’ont jamais fait de démagogie et qui ont pourtant été élus : Reagan, Thatcher, Mendès France… Où sont-ils aujourd’hui ?

> Que manque-t-il aux Français ?

> La foi en l’avenir. Mes parents étaient convaincus que notre génération aurait un meilleur sort qu’eux. Aujourd’hui, tous les parents sont persuadés que leurs enfants vivront moins bien.

> Et vous ?

> Je pense le contraire. Les gens de ma génération étaient un peu enfermés en France. Vous avez beaucoup de chance : le monde s’offre à vous. La mondialisation est une chance, je dis aux jeunes, prenez-la. Notre génération n’avait pas de telles opportunités. Les Français doivent retrouver cet optimisme que l’on constate ailleurs, notamment dans les pays émergents.

> Faites-vous confiance au marché ?

> En ce qui me concerne, le marché s’est toujours trompé. Quand nous avons racheté Equitable, le titre AXA a été divisé par deux. Et les mêmes analystes, deux ans après, criaient au génie. Les marchés efficients, c’est du baratin ! Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas entrer en Bourse. Mais il faut savoir à quoi l’on s’expose. Il faut avoir les épaules pour supporter des variations de Bourse considérables. La Bourse est utile pour offrir de la liquidité aux titres mais elle comporte des effets pervers. Quant au cours de Bourse, tout le monde sait bien qu’il ne reflète pas la vraie valeur de l’entreprise. La meilleure preuve est que lorsque l’on achète une entreprise, on ne paie jamais le prix affiché…

> Nous sommes allés trop loin dans le capitalisme financier. L’entreprise a besoin de moyen et long terme. Or les investisseurs traditionnels de long terme sont devenus court-termistes à cause de la réglementation. Le mutualisme, finalement, n’est pas un mauvais système car il offre cette possibilité de travailler dans le moyen et le long terme.

> Les revenus des dirigeants vous choquent-ils ?

> Il y a eu un dérapage à cause des Etats-Unis. Considérable. Et quand vous êtes un grand groupe mondial, vous êtes obligé de vous aligner sur ce qui se pratique ailleurs. En la matière, on devrait toujours avoir trois critères à l’esprit. Un : le salaire doit être variable et lié aux résultats de l’entreprise. Idéalement, le fixe doit être le plus bas possible, voire nul ! Deux : les rémunérations doivent être cohérentes avec ce qui se pratique autour de soi sinon les gens partent. C’est la différence avec mon époque : nos rémunérations n’atteignaient pas de tels sommets mais nous étions moins mobiles. Trois : il faut que le niveau de rémunération soit socialement acceptable. Il faut être en mesure de le justifier sans donner l’impression de se cacher. Je crois que nous y arrivons plutôt mieux en France qu’ailleurs.

> Vous avez été souvent décrit comme un parrain du capitalisme français…

> Je n’ai jamais eu ce rôle-là. Celui qui s’était autoproclamé parrain en tout cas dans les années 1980-1990, c’était Ambroise Roux. A sa disparition, certains voulaient à tout prix lui trouver un successeur. C’est comme ça que l’on m’a collé cette étiquette. Et comme le parcours d’AXA était assez exceptionnel, les gens tenaient compte de notre avis. Mais mon rôle n’a jamais été de donner des leçons.

> Vous est-il arrivé de regretter d’avoir passé la main ?

> Il y a des moments où l’excitation du business me manque. Mais quand on passe la main, il faut le faire complètement. On ne donne pas le pouvoir à moitié. C’est ce que j’ai fait avec Henri de Castries avec qui j’ai des relations excellentes. J’ai tourné la page. Je suis frappé par le nombre de gens qui ont constitué un empire et qui l’ont ruiné. Souvenez-vous du groupe Boussac. Il y a un moment où vous ne vous rendez plus compte que vous n’êtes plus dans le coup. Il faut savoir partir avant. C’est ce que j’ai fait. J’ai le souvenir fort d’un homme, héritier d’une grande entreprise, qui m’a dit un jour : « Mon père est parti trois ans trop tard »… Je ne voulais pas que l’on dise ça de moi. Le plus bel hommage est venu de Michel Pébereau qui m’a dit qu’il s’était inspiré de ce que j’avais fait.

http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/finance-marches/actu/0202686425461-claude-bebear-on-cree-un-climat-qui-decourage-les-talents-555848.php

2 réponses »

  1. Rien d’étonnant a ce que le syndicalisme patronal soit éclaté, entre les oligarques de la finance et des grandes entreprises complices de politiques et les PME/PMI hyperspoliées qu’y a-t-il de commun? Mais les premiers monopolisent la représentation.

  2. Lisez, relisez ce texte, critiquez le, appréciez le.
    Voici un bon texte de Bébéar. Très bon même.
    Tout y est, tant au plan économique que financier.
    Le diagnostic économique est imparable.
    La critique de la financiarisation également et bien sûr, compte tenu de nos postions, nous buvons du petit lait.
    Pourtant, il manque l’essentiel :
    L’analyse et la critique sont faites au nom de l’entreprise. Cette position fait passer à côté de l’essentiel : le problème social.
    La France reconnait les entreprises, les cadres, l’énarchie et les énanistes, mais elle ignore les propriétaires.
    Comme le Medef, Bébéar escamote les deux choses fondamentales qui incitent à l’effort et au risque : la propriété et la liberté.
    L’absence d’unité du monde patronal vient de là, la propriété unirait les deux mondes de la grande et de la petite entreprise. Le refus, la pudeur des patrons à défendre la propriété est cause du glissement du système français. La propriété ce n’est pas noble, c’est injuste, vulgaire: nos élites reconnaissent les diplômes, surtout les leurs, elles ne reconnaissent pas les droits que confère la propriété.
    Et c’est la même chose avec la liberté, donc la même chose avec le marché. Si on ne met pas en avant la liberté des choix et la confrontation de ces choix, on considère que le marché se trompe toujours, on fait appel à l’état, collabore avec lui, et donc on arrive au pseudo capitalisme à la française.

    Pourtant bébéar est l’un des meilleurs.

    Sa vision sociale est digne, honnête.

    Son analyse du système est une erreur totale.

    Il ne parvient pas à comprendre et faire comprendre que si les choses dérapent, par exemple par la financiarisation, c’est parce que l’on crée de la monnaie gratuite sans limite, parce qu’une classe klepto s’est formée, parce que précisément il n’ y a plus de marché, les prix essentiels sont faussés, à savoir ceux de l’argent et du risque.

    Bébéar reste dans le cadre du CME, le capitalisme à la française, monopolistique d’état ; avec élite cooptative, pantouflage, et toute la suite des conséquences, connivence état /pseudo privé.

    Cela n’ôte rien au mérite du texte et celui de Bébéar lui-même.

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