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L’immigration britannique a été trop forte et trop rapide!!!

L’immigration britannique a été trop forte et trop rapide!!!

Durant la crise, les emplois nouvellement créés ont été octroyés aux immigrés plutôt qu’à des Britanniques d’origine

Les partis politiques les plus restrictifs en matière d’immigration ont le vent en poupe. C’est vrai en France et au Royaume-Uni, où le Parti de l’indépendance (UKIP) a surpris tout le monde et accumulé 26% des voix lors des élections de la semaine dernière. L’expérience britannique de l’immigration mérite une analyse approfondie. C’est précisément le mérite de David Goodhart dans British Dreams*, un ouvrage salué récemment par la critique, notamment par le Financial Times.

«Trop forte et trop rapide»? L’immigration annuelle nette, entre 2004 et 2011, a été égale à l’ensemble de celle qui est intervenue entre 1066 et 1950, soit 250 000 personnes, selon David Goodhart.

L’immigration n’a pas vraiment été gérée. La première vague, de 1948 aux années 1990, était liée à ses obligations d’ex-pays impérial. Aucun obstacle ne pouvait être érigé. Mais le pays a été surpris par l’étendue du phénomène. Ses effets ont été d’autant plus incertains qu’il n’avait pas cherché à établir une culture d’intégration, au risque d’un affaiblissement du contrat social. La deuxième vague, à partir de l’élection des travaillistes en 1997, est le résultat d’une multitude de mini-décisions.

Si le Royaume-Uni avait confiance dans sa capacité d’intégration, la vitesse du changement n’aurait pas été problématique, selon l’auteur. Tel n’est pas le cas, si bien que des menaces pèsent aujourd’hui sur l’Etat social lui-même. «Lorsque les valeurs et les modes de vie s’écartent, il est plus difficile d’affirmer la légitimité de l’Etat social et d’amener les citoyens à partager les risques», selon David Willetts. Ceux que l’auteur nomme «les minorités visibles» sont 8 millions au Royaume-Uni. Dans certains cas, leur intégration aura été faible. Certaines minorités, notamment d’origine musulmane et rurale, ont reproduit l’essentiel de leurs coutumes.

Le Royaume-Uni doit choisir entre deux modèles d’immigration, celui des Etats-Unis et celui de la Suède. Un Etat social ne peut être généreux à l’image de la Suède qu’à la condition d’être une société homogène, selon l’auteur.

Les objections à l’égard d’une forte immigration ne sont pas nécessairement racistes. Les démocraties sont très exigeantes à l’égard de leurs citoyens. On ne risque plus sa vie pour sa patrie, mais on verse environ le tiers de son revenu à l’Etat pour gagner un accès aux infrastructures publiques. La coopération ne peut fonctionner que si la confiance est partagée. C’est pourquoi, selon l’auteur, derrière la diversité ethnique se cache le débat sur la diversité des valeurs.

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La politique d’immigration diffère selon les pays. Le Japon, la Finlande et le Danemark sont par exemple bien plus restrictifs que le Royaume-Uni. Il est donc faux d’estimer que les flux de migrants ne peuvent être gérés.

Les Britanniques peu qualifiés en ont souffert, à travers des pressions salariales et une plus forte concurrence pour les infrastructures publiques. Au contraire des employeurs et des riches, immigrés ou britanniques d’origine.

Les gains économiques de l’immigration peuvent être élevés, selon Philippe Legrain et Ian Goldin. La libéralisation des mouvements de personnes pourrait accroître le PIB mondial de 1300 milliards de dollars par an (sur un PIB mondial de 80 000 milliards de dollars). David Goodhart rétorque que le gain est modeste par rapport aux risques politiques et sociaux. Sans parler des défauts du modèle britannique. En effet, 31% des médecins britanniques viennent d’outre-mer, contre 5% en France. 12% des médecins formés en Inde vivent au Royaume-Uni. Est-ce optimal si les plus qualifiés du monde se concentrent dans quelques centres d’excellence comme la Silicon Valley et Londres?

Le Royaume-Uni n’a pas besoin de compter sur l’immigration pour résoudre un problème de vieillissement et ainsi financer son système de retraite. La population est jeune (39 ans en moyenne pour les hommes). Quant au bilan fiscal, il dépend des différents groupes d’immigrés. Les Polonais d’origine font très peu appel à un soutien financier (1%), au contraire des Somaliens (39%).

En termes d’emplois, le bilan n’est guère favorable: durant la crise, le nombre de postes de travail occupés par des Britanniques d’origine a été réduit de 800 000 en 18 mois et est resté au niveau inférieur par la suite. A l’inverse, pendant les quatre dernières années, l’emploi de salariés nés hors du Royaume-Uni s’est accru de 400 000 postes de travail (la moitié pour des Européens de l’Est). Et surtout, du deuxième trimestre 1997 au dernier trimestre 2011, les actifs se sont accrus de 2,7 millions, dont 2,1 millions pour les salariés nés hors du pays.

Le constat est indiscutable: durant la crise, les emplois nouvellement créés ont été octroyés aux immigrés plutôt qu’à des Britanniques, selon Goodhart. Dans certains secteurs, les immigrés sont plus motivés, plus flexibles, et leurs attentes salariales sont moindres, explique l’auteur. Plusieurs études montrent aussi que l’immigration a empêché les chômeurs locaux de retrouver un emploi. Et comme l’immigration s’est concentrée sur les deux extrêmes de la pyramide des revenus, les inégalités se sont accrues.

D’ailleurs, compte tenu des 750 000 salariés d’origine est-européenne venus au Royaume-Uni entre 2004 et 2011, il est surprenant que les pressions sur les salaires britanniques n’aient pas été plus fortes, selon l’auteur. L’impact a été affaibli par l’existence d’un salaire minimum. A 1542 francs suisses par mois en janvier 2013, il est très inférieur aux exigences des syndicats suisses.

Les Britanniques d’origine ont souffert de l’absence d’un système d’apprentissage, faute d’intérêt de la part des employeurs, et du faible niveau de réglementation. Dans la construction, il y a moins de salariés britanniques qu’il y a dix ans, malgré le boom de la dernière décennie et les grands travaux. Lors des récents Jeux olympiques, selon certaines estimations, 70% des employés qualifiés étaient non Britanniques. Les professions de la santé connaissent le même biais.

Entre 1998 et 2005, l’immigration a ajouté 3% à la croissance économique et 3,8% à population, selon le National Institute of Economic and Social Research. Le PIB par habitant a donc diminué. L’affirmation selon laquelle une réduction de l’immigration annuelle à 80 000 personnes pénaliserait la croissance est donc absurde.

David Goodheart envisage deux pistes, l’une de gauche et l’autre de droite. D’une part, réduire le rythme de l’immigration. D’autre part, améliorer l’intégration des immigrés et remettre en question le modèle multiculturel au profit d’une recherche d’une identité nationale. «Un sentiment modérément national» peut exercer un impact positif. David Goodhart rejette l’idée selon laquelle les citoyens de pays occidentaux auraient des droits spéciaux. La société est aussi un contrat entre les générations.

* «British Dreams», David Goodhart, Atlantic Books, 2013.

Par Emmanuel Garessus/Le Temps 08/5/13

http://www.letemps.ch/Page/Uuid/7152451a-b723-11e2-9547-e9fa89c4b246%7C2

1 réponse »

  1. En France, pays de l’égalité vers la médiocrité, il est exclu de parler en termes ethniques. Pensez donc, l’intelligentsia armée de sa seule bien-pensance refuse de la mêler au simple bon sens.

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