Commentaire de Marché

Mister Market and Doctor Conjoncture du Jeudi 27 Juin 2013 : Régulation monétaire : après l’échec, l’impasse Par Bruno Bertez

Mister Market and Doctor Conjoncture du Jeudi 27 Juin 2013  :  Régulation monétaire : après l’échec, l’impasse  Par Bruno Bertez

Asset returns since Bernanke's speech to Congress 2013

   Il y a quelques jours, Ben Bernanke est intervenu. Son intervention a déstabilisé les marchés et provoqué un début de panique.  Qu’a dit Bernanke exactement ? Il a dit que la Fed allait continuer à gonfler son bilan. Il a dit qu’il était possible que l’expansion du bilan se fasse à un rythme un peu moins rapide, en fonction des développements économiques. Il a clairement indiqué qu’à moins d’amélioration spectaculaire et peu probable de l’économie, la Fed continuerait ses achats de titres au moins jusqu’à la mi-2014. Bernanke n’a nullement évoqué la possibilité d’un arrêt pur et simple des  Quantitative Easing. En clair, pour toute personne qui sait lire et comprendre, Bernanke a prononcé des paroles de colombe, absolument pas des paroles de faucon. Il n’a absolument pas fait mention de l’absence de résultat sensible des QE. Il n’a absolument pas évoqué les risques et les conséquences non-voulues de cette politique non conventionnelle. Il est resté droit dans ses bottes : je continue et je continuerai jusqu’au bout… sauf miracle économique. Personne ne croit à un miracle économique, l’économie américaine oscille entre la croissance faible et la légère récession, elle flirte avec la stagnation. Par ailleurs, toute personne qui sait lire les chiffres du chômage sait qu’ils ne sont bons que par les miracles des statistiques,  puisqu’ils ne sont présentables qu’en raison du gonflement du nombre des personnes qui travaillent à temps partiel et de ceux qui en ont assez de chercher un emploi sans succès. Ce n’est absolument pas demain la veille que le slack, la marge de capacité de production inemployée, se réduira.

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Ce n’est pas un hasard si, dès le soir même, Hilsenrath, du WSJ, considéré comme le passe-plat officiel de la Fed, a remis tout de suite les pendules à l’heure en expliquant que le message de Bernanke ne devait pas être pris comme annonçant la fin des QE. Selon Hilsenrath, ceux qui y ont vu un message sur un « tapering »  proche, se sont trompés.

Pour faire bonne mesure, deux gouverneurs de la Fed sont intervenus dans les heures qui ont suivi pour faire passer le même message : » Nous sommes loin de la fin des QE, les marchés n’ont rien compris. »

Comme dans le monde des banquiers centraux, tout est spontané, Draghi de la BCE a, le lendemain,  jugé bon de faire passer le même message, pas question que la BCE arrête ses largesses.

Les marchés qui étaient en forte chute, sous cette campagne de démentis et avec l’aide des banques conniventes, se sont stabilisés. Les vendeurs à découvert, qui avaient eu une fois de plus l’imprudence d’attaquer, se sont rachetés. La reprise  a l’air de vouloir s’étouffer quelque peu, mais à ce jour, on peut considérer que l’hémorragie est enrayée.

The DJIA has increased mightily on the thought that The Fed hinted at an early pull-out of easing.

But credit is not buying it…

The global bond markets (and the US Treasury) are a sea of green after turning red back on May 1st.

Nous n’épiloguerons pas sur l’exégèse des propos de Bernanke. Selon nous, c’était des propos dovish, mais Bernanke a certainement volontairement mis une petite nuance afin d’inciter les marchés trop exubérants à se calmer. Notre idée est que Bernanke savait très bien qu’en abordant la question du « taper », il allait inciter les opérateurs à la prise de conscience que toutes les bonnes choses ont une fin. Le fait même de dire que l’on ne s’arrêtera pas maintenant équivaut à rappeler que l’on s’arrêtera un jour. A notre avis, c’est par ce biais que Bernanke a souhaité piloter les comportements et les anticipations.

Le fait d’imputer la baisse des marchés aux propos de Bernanke est, comme d’habitude, une manipulation. En effet, si on prétend que les marchés baissent à cause de la menace de « tapering », cela veut dire qu’on peut les faire remonter en écartant cette menace. Ce sont les astuces de communication et de propagande dont se servent les Maîtres du monde.

Nous voudrions faire quelques remarques :

–          Nous pensons que la dégradation des marchés, hausse des taux longs, sortie de hot money des émergents, impasse de la gestion chinoise, catastrophe brésilienne, déstabilisation en cours de l’Inde, sont les vraies causes de la correction des bourses. C’est en quelque sorte la prise en compte anticipée de l’aggravation déflationniste qui interviendra d’ici quelques mois quand les achats de titres de la Fed ralentiront quelque peu.

–          En  2010, Bernanke avait soutenu l’idée que les mesures monétaires exceptionnelles pourraient être abandonnées car, disait-il, la rentabilité du système américain se serait fortement améliorée, les capitaux se re-précipiteraient aux Etats-Unis;  affluant, il n’y aurait pas de problème sur les marchés. Brian Sack, l’ancienne vedette de la Fed de New York ( aujourd’hui Gérant d’un hedge fund ) en charge de la manipulation des marchés, avait en 2011, dans une conférence, émis une idée voisine : quand on arrêtera les achats de titres, il n’y aura pas de problème sur les marchés car la hausse des taux sera contrebalancée par la hausse des bénéfices des sociétés provoquée par la reprise économique. En quelque sorte, certes, les taux allaient monter, mais l’impact de la hausse des taux serait limité par la forte progression des profits. Rien ne s’est passé comme prévu. L’exit, la sortie des politiques non conventionnelles, a été impossible. Au lieu de bénéficier à l’économie réelle, ces politiques ont fait une bulle sur les marchés. L’effet d’amélioration du réel ne compense plus le risque de hausse des taux. Et comme l’on est dans une situation de bulle, les risques de dislocation financière, les risques d’instabilité, comme disent les banquiers centraux, sont colossaux.

EN LIEN: Bruno Bertez : L’épopée de Brian Sack à la Fed

–          Dernière remarque sur la psychologie des marchés. La sensibilité des marchés est à fleur de peau puisque le seul fait d’effleurer le sujet de la fin des QE provoque une panique. On peut se demander ce qu’il en sera lorsqu’on sera au pied du mur et qu’il faudra le franchir.

BRUNO BERTEZ Le Jeudi 27 Juin 2013

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7 réponses »

  1. autre théorie:on sait que la fed soutient la bourse us en achetant des actions.ils s’étaient peut etre positionnés en ventes a terme juste avant le discours de bernanke et après ils ont ramassé le magot.et avec ce magot ils repoussent le marché a la hausse

  2. @balt. Ce que vous dites n’est pas impossible. Ce qui est certains c’est que des firmes tels que GS font leur beurre grâce aux indiscrétions de la FED. Il y a un principe simple avec la FED c’est qu’elle ne communique jamais en one shot. Il y a toujours un discours pour aller dans le zig ( attraper du long ou du short) et un discours le lendemain ou peu après pour aller dans le zag… ce genre de procédé fait la fortune des banques d’affaires américaines depuis longtemps puisque les marchés US sont directeurs et que les opérateurs du monde entier suivent comme des moutons. Demandez vous pourquoi le président de la FED intervient le plus souvent 2 fois dans la même semaine. Analysez le nombre d’interventions contradictoires que la FED a fait a 2 jours d’intervalles depuis 15 ans et vous verrez que c’est troublant…

    Par ailleurs la FED a encore davantage soutenu le marché obligataire que les marchés actions et une question simple se pose : après avoir ramassé des tombereaux de dettes à 10 et 30 ans au plus haut, quel est la perte latente dans les comptes de la FED suite à la hausse de 100 pts de base des taux ?

    • @seb:c’est ce que je pensais,bien entendu la fed bricole avec quelques banques amies.au niveau bilan il me semble qu’ils n’ont aucun compte a rendre et ne peuvent pas etre en faillite,non?donc les obligs long terme,ils les amènent a maturité et touchent les coupons sans doute.tant que le gouvernement us rembourse ils ne risquent rien et comme ils empechent le gouvernement us de faire faillite…

  3. @balt. Une BC ne peut être en faillite mais peut avoir besoin d’être recapitalisée. C’est le paradoxe.

    • @seb:si mes souvenirs sont bons,le statut de la fed est différent de celui de la bce.la bce est capitalisée par les états et la fed par un pool de banques privées,us et européenes,dont la liste est bien mystérieuse(goldman,warburg,jp morgan,bnp?).théoriquement,la bce a des comptes a rendre(a la cour de karlsruhe par exemple)meme si ça semble bidon.la fed par contre a des comptes très opaques et ne justifie meme pas la disparition de centaines de milliards face a un sénateur américain.il me semble que dans les actes ils agissent pareil:la fed achète des bonds en direct,la bce rachète les emprunts aux banques pour ne pas avoir l’air…il me semble que la bce peut avoir besoin d’etre recapitalisée,mais la fed j’en doute

  4. par rapport au graphe avec les intervenants de la fed…
    aujourd’hui Stein et Lacker s’y sont mis

    Il semble que la stratégie de la fed pour tenter d’éviter un désastre serait de tenter de faire dégonfler la (les) bulle(s) d’actifs sans qu’elle(s) ne pète(nt)… ce serait une première dans l’histoire
    Un doute m’étreint 😉

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