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Etats-Unis: Detroit n’est pas un cas isolé

Etats-Unis: Detroit n’est pas un cas isolé

Services publics inadéquats et infrastructure en ruine. Telle est aujourd’hui la nouvelle norme américaine.

La semaine dernière, nous évoquions la tromperie de la Fed qui, focalisant son attention sur les «Dépenses de Consommation Personnelle», situe l’inflation sous la barre des 2% alors que l’indice des prix à la consommation, dont elle a choisi de faire fi, et d’autres mesures suggèrent un chiffre beaucoup plus élevé (l’auteur Michael Snyder d’Economic Collapse avance 8%). Les données de l’emploi aux Etats-Unis se prêtent au même tour de passe-passe. Le taux de chômage est censé être à la baisse, de 10% en 2008 à l’actuel 7,6%. Toutefois, le nombre de personnes actives a diminué de plus de 2 millions depuis 2008 (de 147 à 144,5 millions), alors que la population a augmenté de 10 millions (de 303 à 313 millions).

Une explication possible est que bon nombre de chômeurs ont cessé de chercher du travail, mais une autre, plus pernicieuse peut-être, serait que beaucoup d’emplois sont désormais à temps partiel, non pas par choix mais parce que les postes à temps plein sont si rares. Une conséquence de ceci est que le revenu familial médian continue de diminuer; autrement dit, les riches s’enrichissent et les pauvres s’appauvrissent. Nous avons toujours accordé foi à la théorie de l’effet de ruissellement (selon laquelle la richesse créée par les membres les plus opulents de la société finit par relever le niveau de vie de tous), mais des données comme celles-ci commencent à ébranler notre confiance.

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Pour certains, cette disparité est au moins partiellement liée aux taux d’intérêt réels, des taux négatifs étant en corrélation avec la baisse des revenus médians (analyse de Charles Gave). Cela se conçoit: la disponibilité de l’argent emprunté bon marché à des fins d’investissement par ceux qui possèdent déjà des actifs contraste fortement avec les refus essuyés, au moins depuis la crise des subprimes, par les moins fortunés en quête de crédit.

Caractéristique intéressante des données sur l’emploi outre-Atlantique, le nombre de postes pour les plus de 55 ans est en hausse constante, alors qu’il est en baisse pour tous les autres groupes d’âges. On parle désormais de «génération perdue» lorsqu’on se réfère à la difficulté de nombreux jeunes à trouver un emploi digne de l’expression «démarrer une carrière».

Le modèle économique mis en place par la Fed dépend d’argent bon marché (et ce n’est pas anodin si nous écrivons «la Fed» plutôt que «l’Administration»). Cette dépendance concerne moins le secteur privé, qui peut probablement faire face à des taux d’intérêt plus élevés, que le secteur public. Entendez par là le gouvernement à tous les niveaux. Détroit n’est pas un exemple isolé comme beaucoup aimeraient le croire. Services publics inadéquats, infrastructure en ruine et régimes de retraite à prestations déterminées sous-financés pour les agents publics, telle est désormais la norme américaine. Le parallèle entre Détroit et la Grèce est criant en termes de bénéfices inabordables pour les employés de la fonction publique, et de contagion.

La fragilité financière des villes américaines signifie que la foi d’antan dans les obligations municipales est maintenant déplacée. De nouvelles faillites municipales se traduiront par davantage de défauts obligataires. Dans ses efforts pour ralentir, ou au moins contrôler, la pentification de la courbe des rendements, le champ de vision de Bernanke ne semble englober que le secteur bancaire, l’activité des entreprises et le marché boursier. On dirait que les difficultés du secteur public sont dans un angle mort; même Détroit n’a pas réussi à capter son attention. Ou peut-être réserve-t-il ses commentaires pour plus tard, lorsqu’il sera de nouveau en sécurité dans le privé!

L’Europe a beaucoup de problèmes, mais dans une large mesure, le déclin des domaines sidérurgique et minier a été largement absorbé. De nombreux commentateurs admirent la facilité de l’économie américaine à embaucher et à licencier, et la flexibilité des Américains à se délocaliser pour retrouver un emploi. Ces admirateurs n’auraient-ils pas oublié le secteur public!

À la lumière de ces observations, les investisseurs à revenu fixe ne seront pas surpris que nous durcissions notre position: le secteur privé est intrinsèquement plus attrayant que le secteur public!

Roy Damary bridport Invostor Services/ Agefi Suisse Mercredi, 07.08.2013

www.bridport.ch

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