A Chaud!!!!!

Mister Market and Doctor Conjoncture du Dimanche 6 Octobre 2013: Les vraies raisons du « No-taper »: la montée du risque! Par Bruno Bertez

Mister Market and Doctor Conjoncture du Dimanche 6 Octobre 2013:  Les vraies raisons du « No-taper »: la montée du risque! Par Bruno Bertez

Compte-tenu du fait que la Banque Centrale américaine n’a pas osé réduire le montant de ses achats de titres à long terme, la communauté spéculative peut à nouveau s’enhardir. Non seulement, elle considère qu’elle a un répit, mais surtout elle considère qu’elle a obtenu une victoire : les autorités n’ont pas osé contrarier les marchés. C’est un phénomène d’apprentissage qui est en train de se renforcer. Une explosion spéculative du type « blow off » est loin d’être exclue. La comédie du plafond de la dette américaine commence à donner dans le grotesque. C’est le grand guignol. Tout le monde sait que le leader républicain n’a aucun courage. Tout le monde sait qu’in fine Obama est maître du jeu.  Si d’aventure les marchés venaient à se tromper, c’est-à-dire à chuter sur la base d’une mauvaise interprétation de l’intrigue du plafond de la dette, cela pourrait constituer une opportunité. Ce qui est amusant, c’est le fait que, le 2 octobre, Obama, pour impressionner les Républicains, ait agité le spectre d’une éventuelle baisse de Wall Street.

 En avril dernier, Ben Bernanke a, pour la première fois depuis de nombreux mois, évoqué le risque d’exubérance financière. Nous l’avions relevé en son temps et nous en avions tiré la conclusion qu’il s’agissait d’une petite pierre blanche destinée à guider les grands investisseurs sur la route du « taper ». Nous vous rappelons que l’on désigne par le « taper » la tentative de réduction par la Banque Centrale américaine de ses achats de titres à long terme. Le « taper », c’est une toute petite étape sur le chemin de la réduction des politiques monétaires ultra-accommodantes. En mai, Ben Bernanke est devenu plus clair ; les autres participants aux décisions de la Fed lui ont emboité le pas. Il s’agissait en quelque sorte du deuxième petit caillou qui confirmait le premier. On s’orientait donc vers une réduction des achats de titres à long terme à la rentrée. Cela pouvait être en septembre, mais cela pouvait être aussi plus tard.

En août, au cours de la très célèbre réunion de Jackson Hole, le message essentiel, prioritaire, de l’élite financière qui était réunie dans cette petite station au pied des montagnes a été : « Attention, il faut éviter les chocs financiers et donner la priorité à la stabilité financière ». Là aussi, nous avons mis en évidence à la fois ce message et son importance.

Les marchés financiers étaient persuadés, tant la « guidance » était claire, que la Réserve Fédérale allait prendre la décision de modérer sa politique monétaire ultra-accommodante dès septembre. La communauté financière a été prise à contrepied ; pour une fois, elle a été surprise. La Réserve Fédérale a maintenu inchangée sa politique. Les messages émis ont tenté de faire oublier l’épisode du « taper ». On a dit qu’il s’agissait d’une mauvaise compréhension ou d’une mauvaise communication.  On a réaffirmé qu’il n’y avait aucune urgence et surtout que le « taper » devait être totalement dissocié de la question des taux d’intérêt. Comme si on pouvait, en modifiant la liquidité,  ne pas toucher ou influencer les taux d’intérêt.

Donc, résumons, en avril Bernanke s’inquiète de l’exubérance spéculative. En mai, il confirme les perspectives de « taper » pour la rentrée. En août, Jackson Hole lance un cri d’alarme : attention à la stabilité et aux risques financiers. En septembre, Bernanke renonce au « taper » ; au contraire, il maintient et renforce verbalement sa « guidance » vers une politique ultra-accommodante.

Que s’est-il passé ? Il s’est passé que, dès le mois d’avril, les marchés financiers ont commencé à prendre en compte la possibilité d’une réduction des liquidités.

Les taux d’intérêt longs ont commencé à monter. La liquidité a fortement reculé sur les marchés les plus fragiles comme les marchés émergents dans le monde global. Les pays déficitaires en balances  des paiements, dépendants du « hot money », ont connu des sorties de capitaux alarmantes. Les changes des pays les plus fragiles se sont effondrés. Les marchés financiers domestiques se sont disloqués.  Le risque de choc financier évoqué en août s’est concrétisé. La stabilité financière étant menacée, Ben Bernanke et ses collègues ont décidé qu’il était urgent d’attendre. Ils ont reporté sine die les mesures de réduction de l’accommodation monétaire. Tout à fait logiquement, la crise sur les marchés émergents s’est résorbée. Les sorties de capitaux se sont fortement réduites. Le deleveraging global s’est interrompu. Les changes se sont stabilisés. Les marchés obligataires et les marchés d’actions se sont fortement redressés. La réduction du QE n’ayant pas eu lieu, les craintes se sont avérées non justifiées. Comme il y avait beaucoup de vendeurs à découvert, car la réduction des QE avait été téléphonée, ces vendeurs à découvert se sont rachetés, perdant au passage beaucoup d’argent. Depuis le non-événement de septembre, les marchés tentent de retrouver leur équilibre. Le plus significatif est la baisse des taux longs puisque le rendement du 10 ans américain qui flirtait avec les 3% a dégringolé jusque 2,6% actuellement.

Bien entendu, vous n’avez rien vu et rien entendu dans les commentaires de la séquence sur le processus que nous avons décrit ci-dessus. Il faut « enfumer », brouiller les pistes, il faut faire en sorte que, malgré la soi-disant transparence, on puisse escamoter les liens entre les causes et les effets. Il faut escamoter surtout le facteur Risque. C’est le facteur Risque financier lié à l’exubérance qui a conduit Bernanke à envisager le « taper » ; c’est le facteur Risque financier lié à la dislocation des marchés qui a conduit la Fed à annuler purement et simplement ce « taper ».

Ainsi, se trouve parfaitement éclairé le défi de la régulation monétaire ; si on continue ad vitam  aeternam à gonfler le bilan des Banques Centrales et à maintenir des taux voisins de zéro, on risque l’exubérance. On risque la  prise de risques excessifs. En sens inverse, si l’on tente de réduire un tant soit peu l’accommodation monétaire et de laisser les taux remonter, alors on se trouver placé devant  la menace de dislocations des marchés les plus fragiles. Les régulateurs ont lutté contre la crise en favorisant à l’extrême la prise de risques ; le monde financier est surexposé aux risques, mais toute menace de réduction des largesses monétaires provoque des anticipations brutales, des comportements moutonniers, des ruées vers la sortie, qui déstabilisent l’édifice financier.

Voilà où nous en sommes et voilà bien entendu ce que l’on vous cache.

Le monde financier n’est plus dominé par le fondamental ou le conservatisme, il est dominé par la spéculation et le leverage. On a fait monter la valeur de tous les actifs à risque en empruntant à court terme à taux réel nul. On a financé du long et du risque avec du court et du sans-risque. Conclusion, nous sommes dans un mis-match extraordinaire. Les régulateurs sont prisonniers. Ils ont fait sortir le génie de la bouteille et ils ne savent plus comment le faire rentrer.

 Total Credit Market Debt Owed equals $57.56 TRILLION.TCMDO

Ne croyez surtout pas les propagandes officielles, lesquelles propagandes tentent de faire croire à un lien dans les décisions des autorités monétaires, tentent de faire croire à l’existence d’un lien entre leurs décisions et la situation des économies réelles. Au stade où nous en sommes, dans l’état où ils nous ont placés, l’économie réelle est le moindre souci des banquiers centraux. Leur souci, c’est l’épée de Damoclès qui est suspendue au-dessus du monde global, c’est l’épée de Damoclès des positions prises par la communauté spéculative mondiale. Les banquiers centraux ont mis la spéculation de leur côté et ils ne savent plus comment s’en libérer. Quand on veut diner avec le Diable, il faut une très longue cuillère et les banquiers centraux sont en train de s’en apercevoir.

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Le risque financier global est colossal. Nous n’y reviendrons pas, nous avons maintes fois attiré l’attention sur les montants hors de toute proportion des dettes, sur le montant des crédits, sur le leveraging du système. Nous n’y reviendrons pas.

La masse de dettes cotées sur les marchés, la masse d’actifs financiers à risque, créée et gonflée depuis cinq ans, est considérable. Contrairement aux affirmations bien pensantes, il n’y a au aucun deleveraging du système. Il n’y a eu que transfert d’un côté et gonflement exponentiel des dettes. Le monde financier est une gigantesque pyramide qui repose sur la pointe des liquidités créées par les Banques Centrales, Fed, BCE, BoJ, et quelques autres.

Il faut savoir que tous les actifs financiers sont maintenant corrélés. Corrélés, cela veut dire que tout marche en même temps, ou chute en même temps. Les bénéfices de la diversification sont devenus quasi nuls. Le bénéfice de la sélectivité, c’est-à-dire d’une sélection intelligente, sont eux aussi devenus quasi nuls.  Tout marche en fonction du bilan consolidé des Banques Centrales mondiales. La corrélation centrale de tout est celle de l’indice des actifs financiers avec ce bilan agrégé des Banques Centrales.

 Il n’y a plus de rendement supplémentaire à être intelligent. Non, le rendement vient de la tendance générale. La meilleure illustration de ce phénomène est fournie par l’examen des performances des hedge funds. Les hedge funds réunissent le gratin du « génie » financier mondial ; les hedge funds dépensent des sommes colossales pour essayer de surperformer à la fois les marchés et leurs confrères. Et ces hedge funds n’y arrivent plus. La corrélation entre la performance des hedge funds par exemple et l’indice S&P500 depuis 2009 se rapproche de 0,9. Il n’y a plus d’autre possibilité de performer que celle de suivre, d’accompagner, la politique des Banques Centrales. Et c’est bien là le problème. Non seulement, il n’y a pas de diversification des politiques d’investissement, mais en plus, il n’y a pas diversification des investisseurs et opérateurs. La clientèle a disparu des marchés et l’on se trouve avec des intervenants en nombre restreint, géants, moutonniers.

Le prétexte de cet article vient de nous être fourni par le Trésor US. Bloomberg fait état d’un rapport du Département du Trésor qui tourne autour de ces questions. Le rapport du Département du Trésor dit la chose suivante : « Le comportement moutonnier des gérants d’actifs financiers peut constituer une menace pour le système financier dans la mesure où il aboutit à une concentration trop forte sur les actifs qui sont populaires ». Bloomberg explique. Lorsque les gérants se précipitent pour essayer d’obtenir des rendements élevés, ils se concentrent sur les classes d’actifs les plus populaires, ceci contribue à des hausses du prix de ces actifs ; la volatilité peut s’en trouver magnifier à l’occasion de chocs brutaux. Tout ceci amplifie les menaces qui pèsent sur le système financier ; les phénomènes de transmission se trouvent accélérés, dit le rapport du Département du Trésor.

Les autorités, dit-on, vont étudier ce travail très attentivement  car ils sont préoccupés du potentiel de déstabilisation qui est ainsi mis en avant.

Nous considérons depuis longtemps, et nous avons écrit sur ce sujet, que les ETF, Exchange Trading Funds, faisaient courir un risque extrêmement important à la stabilité financière globale. Les ETF sont des nœuds de concentration dans la mesure où ils mettent en commun des fonds dans des assets qui constituent très souvent des investissements illiquides. Les ETF sont en quelque sorte, avons-nous déjà expliqué, quelquefois des fonds d’assets, quelquefois des fonds de fonds, quelquefois des simples réplications d’actifs sous-jacents par le biais d’instruments complexes dont la liquidité peut ne pas toujours être assurée. A ce titre, les ETF constituent un exemple de concentration de risques.

Comme le dit l’ancien associé de Soros, Druckenmiller, la profession financière est très concentrée. Nous dirions encombrée. Les gérants de hedge funds sont de moins en moins performants. Il y en a beaucoup trop. On peut considérer que 9.000 personnes tentent de faire payer leurs produits, de s’assurer des revenus, sur une base historique qu’ils ne peuvent assumer. Ces 9.000 personnes se font payer comme au temps où il n’y avait que 10 grands gérants exceptionnels. Druckenmiller attire l’attention sur le fait que  les gros clients particuliers délaissent maintenant les hedge funds, mais qu’ils sont remplacés par des gens moins sophistiqués et moins exigeants comme les fonds de pension et les fonds souverains. Ces nouveaux arrivants servent de relais sur les marchés, ils se contentent de rendements que les premiers investisseurs dans les hedge funds n’auraient jamais tolérés. C’est ce que nous appelons la dégradation de la qualité et la montée du risque.

BRUNO BERTEZ Le Dimanche 6 Octobre 2013

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EN BANDE SON: http://www.youtube.com/watch?v=-GtDPVeDKl8

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5 réponses »

  1. Si cela peut permettre de faire le ménage parmi ces 9 000, je ne pleurerai pas ! Il faut bien un signal de départ…pour la classe des kleptocrates, quelque chose qui fasse sens et qui permette la prise de conscience d’un besoin de durabilité à réinventer… Les Seigneurs saigneront peut-être les moins efficaces d’entre eux, avec comme perspective de durer… mais le groupe (la masse) y trouvera un début de son compte…

  2. Les US jouent perso avec le QE. Je ne crois pas qu’un effondrement des émergents les émeuvent beaucoup.

    Il y a en revanche une autre explication possible. dès l’annonce du tapering, le marché de la dette US s’est grippé :

    http://www.marketwatch.com/story/treasury-market-functioned-poorly-in-summe r-fed-2013-10-03

    Ne serait-ce pas là sinon la véritable, l’une des explications de la poursuite du QE ? Certains esprits brillants dont le néo-fonctionnaire Langlais nous expliquent que la Fed ne fait pas marcher la planche à billet au motif qu’elle n’intervient pas sur le marché secondaire… Il est pourtant évident que le QE alimente les banques privées et leur permet de souscrire de la dette US sur le marché primaire en refilant l’équivalent à la Fed sur le marché secondaire. Ce tour de passe-passe constitue le deal entre la Fed et ses banques actionnaires.

    Delamarche a manifestement raison quand il explique que la Fed est aujourd’hui le seul et unique acheteur de Treasuries. Si cette hypothèse se vérifie, un tapering correspondant à la baisse de besoins de financement US ( consécutif à la réduction du déficit budgétaire) est possible de l’ordre de 10-15 milliards par mois mais pas plus. On semble donc être entré dans QE infinity.

  3. le bilan de la fed a t il de l’importance?jusqu’a quand peut elle accumuler des piles de titres pourris sans exploser?meme question pour la bce dont le bilan est parait il supérieur a celui de la fed

  4. @balt. Certaines analyses expliquent aujourd’hui que le bilan de la Fed ( le stock) n’a pas tant d’importance que la pérennité de ses achats ( le flux) sur la tenue des marchés. Ces analyses corroborent donc l’hypothèse du piège dans lequel la Fed s’est enfermée avec le QE.

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