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Radiographie d’un phénomène : La motivation fiscale n’est de loin pas dominante dans la décision des Français de s’expatrier Par Pierre Bessard

Radiographie d’un phénomène : La motivation fiscale n’est de loin pas dominante dans la décision des Français de s’expatrier Par Pierre Bessard

S’il n’existe pas d’évaluation statistique fiable des Français à l’étranger, tous les indicateurs montrent que l’émigration hors de l’Hexagone est en progression constante avec environ 80.000 personnes qui rejoignent chaque année les quelque 2,5 millions de leurs concitoyens ayant déjà franchi le pas. La conséquence budgétaire de cette expatriation: un déficit annuel de 9,6 milliards d’euros pour l’Etat, comme le quantifie une vaste enquête qui vient d’être publiée par Contribuables Associés.

Alors que les coûts de l’immigration dominent le débat et que la question de l’expatriation se focalise le plus souvent sur des polémiques entourant l’évasion fiscale, l’identification et la segmentation des motivations de ceux qui quittent la France apporte un éclairage sur ce qui s’apparente aujourd’hui à une zone grise directement liée à l’inefficacité de la gouvernance politique. Contrairement aux idées courantes, l’émigration purement fiscale ne représente qu’une petite partie de ce phénomène. L’exil entrepreneurial et salarial en représente plus du double et l’émigration retraitée et immobilière à peu près autant. Les coûts éducatifs des personnes qui quittent la France, ainsi que la perte de produit intérieur brut pèsent beaucoup plus lourdement: selon plusieurs estimations, les capitaux qui ont fui la France à cause de l’impôt de solidarité sur la fortune auraient rapporté entre six et huit milliards d’euros par an en impôts s’ils avaient été investis en France. Or cette fuite des talents ne concerne pas simplement les plus riches. 

La quantification d’un phénomène persistant

Non seulement les Français émigrent, mais ils reviennent de moins en moins souvent dans leur pays. Jusqu’à 94% des expatriés français se disent satisfaits de leur décision et tout au plus un cinquième envisage de retourner dans leur patrie… après la retraite. Le désenchantement vis-à-vis du marché du travail, mais aussi des mentalités liées au modèle fiscal, social et politique est difficile à accepter, du fait des désincitations à entreprendre qu’ils impliquent. «En privilégiant la notion d’emploi à celle de travail, on a développé une conception bureaucratique du profil-poste à laquelle les complexités administratives et la multiplication des guichets, le pantouflage et les freins mis à l’embauche ont ajouté leurs pesanteurs», constate Jean-Paul Gourévitch, l’auteur de l’étude. C’est particulièrement la jeunesse qui en souffre et il n’est pas étonnant que ce soit dans cette classe d’âge que le désir d’expatriation est le plus fort.

La faiblesse relative des rémunérations françaises due à la fiscalité pénalisante n’est pas non plus de nature à convaincre les jeunes de valoriser leur potentiel dans leur pays d’origine.

«Le matraquage fiscal, les révélations sur la corruption, l’absence de stimulation des jeunes actifs, le mépris ou la jalousie à l’égard de la réussite, les atermoiements de l’équipe au pouvoir fonctionnent comme des vecteurs de l’exil», observe Jean-Paul Gourévitch. La simplification et la diminution de la fiscalité, en visant le long terme, revêtent dès lors une importance capitale pour que les citoyens considèrent qu’ils ont plus intérêt à faire profiter leur pays de leurs capacités qu’à s’expatrier.

L’impôt de solidarité sur la fortune représente un handicap connu pour la compétitivité. Mais il en va de même des innombrables mesures et contre-mesures fiscales qui complexifient et alourdissent le système à l’infini. Pour favoriser la remigration, des exonérations fiscales pourraient être accordées à ceux qui rapatrient leur outil de travail et des amnisties partielles à ceux qui rapatrient leurs capitaux. Une réforme du système éducatif aiderait également par une meilleure adéquation de l’enseignement supérieur avec moins de déperditions et une meilleure connexion entre les formations et le marché du travail. Pour l’heure, cependant, le handicap psychologique et financier envers l’économie libre de marché perdure. La politique ne fait rien pour le surmonter. La France aurait pourtant en ses mains tous les leviers pour inverser la tendance.

Pierre Bessard Agefi Suisse mardi, 29.10.2013

http://agefi.com/une/detail/artikel/la-motivation-fiscale-nest-de-loin-pas-dominante-dans-la-decision-des-francais-de-sexpatrier.html

1 réponse »

  1. Je vous trouve trop optimiste, je pense plutôt à un violent effondrement comme jadis la chute de l’ex Union Soviétique…

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