1984

Les Clefs pour comprendre du Mercredi 6 Novembre 2013: Crise- Greenspan a raison, tout a commencé avec Kennedy, début des années 60 par Bruno Bertez

Les Clefs pour comprendre du Mercredi 6 Novembre 2013: Crise- Greenspan a raison, tout a commencé avec Kennedy, début des années 60 par Bruno Bertez

Les critiques de l’ouvrage de Greenspan raillent  la mise en cause du Welfare State du début des années 60 comme cause  origine de la grande crise financière. Trouver les origines d’une crise de 2008 dans ce qui s’est passé il y a près de 50 ans, au début des années 60 ?  parait extravagant. Les critiques voient dans cette affirmation de Greenspan, la preuve ? non pas d’un bon travail d’historien, mais la preuve d’un biais idéologique conservateur, voire libertarian. Et il faut dire que Greenspan leur facilite la tâche car son analyse est un raccourci. Pour être convaincant, c’est un livre entier qu’il aurait dû écrire sur cette question des origines de la dérive qui a conduit à la crise.

EN LIEN: Critique du livre d’ Alan Greenspan’s « The Map and the Territory » Par Conrad Bertez

 Vous savez que nous-mêmes, nous nous contentons en général de faire remonter les origines de la crise à 1971, c’est à dire à la décision de Nixon de supprimer la convertibilité en or du dollar, afin de libérer la production de dollars et l’expansion du crédit. Pour simplifier souvent donc, nous datons les fondations de la crise de ce moment où le Président américain a donné à son pays la possibilité d’émettre sans limites des promesses, des dettes, qu’il savait n’avoir jamais l’intention de rembourser.

C’est un peu aussi l’analyse de Soros, si on en croit, non pas ses déclarations récentes, mais les plus anciennes.

Plus clairement encore, mais sans datation, nous affirmons que l’origine  de la crise, c’est la volonté de relancer, de forcer  la croissance américaine, considérée comme insuffisante après le boom de l’après guerre, et de financer  en même temps ce que nous appelons le beurre, les canons et les drones. Cette fois, le diagnostic est logique et non plus historique. Le refus de choisir entre le beurre, les canons, les drones, conduit à gonfler les dépenses sans limite, tout en refusant de monter les recettes dans les mêmes proportions. Donc ce refus est constitutif du recours accéléré au crédit, à la dette, à l’émission de promesses, et donc, logiquement, obligatoirement, ce refus se trouve inscrit dans une politique monétaire nouvelle, ultra- accommodante, permissive.

C’est à ce niveau que l’analyse logique et l’histoire se rencontrent. Car c’est  l’élection de Kennedy qui  a porté au pouvoir un homme qui voulait changer la société, un homme qui voulait ouvrir une Nouvelle Frontière, un partisan d’un grand bond en avant social et sociétal. La Nouvelle Frontière de Kennedy, c’est cela: accroissement des dépenses d’éducation, des dépenses médicales, de rénovation urbaine. C’est la lutte contre l’injustice raciale.  Une sorte de programme du style New Deal. Et c’est au même moment, dès 1961, que les dépenses concernant la guerre du Vietnam commencent à s’emballer avec le soutien à Diem, puis les advisors américains, puis l’escalade.

L’enfer est pavé de bonnes intentions.

On ne peut que louer l’action sociale de Kennedy.

On ne peut que saluer son amour de la liberté qui l’a conduit au bourbier du Vietnam.

« America should pay any price,  bear any burden to assure the survival and success of liberty » a déclaré Kennedy. Il était anti-communiste viscéral et croyait à la théorie des dominos. Il n’a pas écouté De Gaulle, qui, tout influencé par Dien Bien Phu lui a décrit sans bavure toute la succession des futurs échecs et de la défaite qui allaient suivre cette intervention au Vietnam.

Johnson, qui a succédé à Kennedy, a poursuivi la même politique, tout en pire, ou si on est de l’autre bord, tout en mieux.  À la faveur des élections de 1964 qui ont amené un ras de marée des libéraux, donc de la gauche, il a amplifié la politique de Kennedy: la Great Society et le Vietnam. Le beurre, les canons et les drones.

Bien entendu, les déficits ont galopé. Ils ont d’autant plus galopé que les Etats-Unis n’ont rien trouvé de mieux que de baisser fortement les impôts! Les tax-cuts décidés en février 1964 furent énormes. Le taux d’imposition marginal fut fortement abaissé.

Dès la montée au pouvoir de Kennedy, ses conseillers ont voulu modifier profondément la politique monétaire, en particulier son conseiller favori, Seymour Harris. Les conseillers ont jugé que la politique généreuse de Kennedy ne pouvait être mise en œuvre dans le cadre de la politique conservatrice de la Réserve Fédérale. Ils considéraient que cette politique devait être assouplie afin de cesser d’être une limite, une contrainte à la croissance et à la dépense et aux déficits.

Ces conseillers et Kennedy ont fait pression sur Mc Chesney Martin, patron de la Fed d’alors, pour une politique monétaire expansionniste, du crédit facile et, surtout, obtenir un financement monétaire des déficits, une monétisation. En Avril 1962, ils sont allés jusqu’à faire pression sur le Congrès pour qu’il révise le statut de la Présidence de la Fed, ils ont essayé d’obtenir que les nouveaux Présidents élus aient la possibilité de nommer, lors de leur investiture, un nouveau Chairman de la Fed.

Mc Cheyney Martin a capitulé, il s’est couché et accepté de prendre ses ordres de la Maison Blanche.

On avait déjà  abandonné quelques mois avant,  la doctrine orthodoxe du « Bills-Only » et on a commencé à acheter des titres de long terme pour faire baisser les taux et, ainsi, faciliter le financement des déficits de Kennedy.  Achats de titres à long terme sur l’open-market pour faire baisser les taux, ventes de titres à court terme pour faire monter les taux courts, cela ne vous rappelle rien? C’est la fameuse opération « Twist » de Bernanke, il s’agit de faciliter le financement du Trésor, de le monétiser indirectement, de stimuler l’investissement, les achats de logements, et, en même temps, d’attirer les capitaux de court terme pour ne pas avoir de problème sur le dollar.

La croissance monétaire a bien sûr fortement accéléré ; pendant trois ans, la masse monétaire M2 a galopé au rythme de 8% l’an contre un rythme normal antérieur de 3,3 à 3,6%. On a maintenu les taux d’intérêt réels bas, nous disons bien réels, car on a avancé l’argument idiot que les taux nominaux n’étaient pas bas à l’époque, et le navire a commencé à errer sur la mer des liquidités.

La politique d’argent facile, les dépenses de Welfare exponentielles, les dépenses militaires explosives, les tax-cuts, ont produit un cocktail détonnant, mais pas étonnant; la croissance a boomé. En 1964, croissance de  7% ; en 1965, croissance de 8% ; en 1966, croissance de 9% ; sur la période 61 à 68, on atteint le taux incroyable moyen de 4,5%, le chômage tombe sous les 5%.

C’est la plus grande période de prospérité d’après-guerre.

Kennedy avait dit : « America should pay any price and bear any burden », mais Kennedy était un homme politique et, en politique, on refuse toujours de payer le prix de ce que l’on promet et que l’on fait ; la politique, c’est le tiers-payant. Et dans le cas de Kennedy, le prix a bien été payé, mais ce n’est par ses électeurs, mais par les générations suivantes, et surtout par les citoyens étrangers.

L’inflation s’est accélérée, les déséquilibres se sont manifestés partout, le système américain a dérapé,  on est venu buter sur l’impasse, il a fallu renier sa parole, répudier en quelque sorte ses dettes, fermer la vitrine de l’or dû aux créanciers étrangers, bloquer les prix et les revenus. On connaît la suite, premier choc pétrolier, chute du dollar, deuxième choc pétrolier, etc. Évolution  vers une société fascisante, on  écoute les gens,  on bafoue la Constitution. Tout cela a été l’œuvre du diable Nixon, mais préparé, causé par l’ange Kennedy.

BRUNO BERTEZ Le Mercredi 6 Novembre 2013

llustrations et mise en page by THE WOLF

EN BANDE SON:

   NI PUB, NI SPONSOR, NI SUBVENTION, SEULEMENT VOUS ET NOUS….SOUTENEZ CE BLOG FAITES UN DON

Image d’aperçu

9 réponses »

  1. A propos des « saignées » , lisez cet extrait de livre :

    L’Espagne a ainsi dépassé la France, qui avait répudié ses dettes en huit occasions entre 1500 et 1800. Comme les rois de France avaient pris l’habitude, lors des épisodes de défaut sur la dette extérieure, de mettre à mort les grands créanciers nationaux (une forme ancienne et radicale de restructuration de la dette), le peuple avait fini par appeler ces épisodes des « saignées » . L’abbé Terray, contrôleur général des finances du royaume de France de 1768 à 1774, assurait même que « la banqueroute était nécessaire une fois tous les siècles, afin de mettre l’Etat au pair » .

    « Cette fois, c’est différent », Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff, édition Pearson, page 108.

    Dans les années qui viennent, les Etats occidentaux vont se déclarer en défaut de paiement, les uns après les autres.

    Ce sera le retour des « saignées » , dont parlent Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff.

    Lors de ces « saignées » , les créanciers ne seront pas décapités, ni brûlés vifs, ni écartelés.

    Lors de ces « saignées » , les détenteurs de dettes souveraines seront ruinés, tout simplement.

    Ce sera une période de chaos. Et les Etats occidentaux nationaliseront leurs banques privées pour un yen symbolique. Ou pour un dollar symbolique. Ou pour un euro symbolique. Ou pour une livre sterling symbolique.

    Dans quels Etats occidentaux vont avoir lieu toutes ces « saignées » ?

    Prévisions du FMI pour l’année 2014 :

    1- Japon : dette publique de 242,3 % du PIB.

    2- Grèce : dette publique de 174 % du PIB.

    3- Italie : dette publique de 133,1 % du PIB. Fin juin 2013, nous en sommes déjà à 133,3 % du PIB.

    4- Portugal : dette publique de 125,3 % du PIB. Fin juin 2013, nous en sommes déjà à 131,3 % du PIB.

    5- Irlande : dette publique de 121 % du PIB. Fin juin 2013, nous en sommes déjà à 125,7 % du PIB.

    6- Etats-Unis : 107,3 % du PIB.

    7- Espagne : 99,1 % du PIB.

    8- Royaume-Uni : 95,3 % du PIB.

    9- France : 94,8 % du PIB.

    Le FMI ne parle pas de la Belgique. Fin juin 2013, la dette publique de la Belgique était de 105 % du PIB.

    http://www.imf.org/external/pubs/ft/fm/2013/02/pdf/fm1302.pdf

    • @brunoarf

      Comme d’habitude tous ces chiffres de pseudo économistes sont à prendre avec es pincettes, ces gens dessinent des images ; qui ne sont pas des photos; et finissent par croire que leurs images constituent la réalité !

      Ces chiffres de dettes mélangent tout ; et c’est volontaire puisqu’il s’agit de faire peur et donc de faire accepter tout, y compris l’austérité et les prélèvements sur les dépôts.

      Le rapport des chiffres de dettes au GDP est une imbécillité façon Rogoff. Rogoff est un incapable !

      Une dette doit être rapportée aux facultés de remboursement ; point à la ligne.

      Une dette doit être appréciée en fonction de son utilisation initiale à savoir : dette qui a financé de la consommation, dette qui a financé des investissements productifs, dette qui a financé de la consommation différée et étalée type immobilier, dette qui a été gaspillée par des guerres par exemple.

      Une dette doit être appréciée en fonction du taux de prélèvement fiscal en vigueur, si les taxes comme en France sont déjà de 48% du revenu national ce n’est pas la même chose que si le ratio n’est que de 30%.

      Une dette doit être appréciée en fonction de l’origine de ses détenteurs ; origine domestique ou étrangère.

      Une dette doit être appréciée en fonction de la devise dans laquelle elle est libellée et en fonction des caractéristiques du contrat ; droit anglo saxon ou pas par exemple.

      Une dette doit être appréciée en fonction de la spécialisation économique et de la structure du pays émetteur en particulier , importance et sensibilité à la conjoncture de l’exportation.

      Une dette doit être appréciée en fonction de la pyramide des âges du pays concerné et du rapport actifs sur inactifs présent et futur
      etc etc
      Et il faut ajouter , ce qui fondamental ; pourcentage de détention par le système bancaire et quasi bancaire national

      Nous conseillons aux gens du FMI et aux autres, membres du gouvernement français entre autres; de relire ou plutôt de lire enfin, les cours du regretté Raymond Barre sur cette question . On pourra en plus y ajouter ses considérations sur le commerce international ; cela ne fera pas de tort à nos élites qui ont fait du droit à l’inculture économique un droit imprescriptible de nos démocraties dirigistes.

    • Votre remerciement nous va droit au cœur.
      Faites nous connaitre auprès de ceux qui aiment la liberté et le parler vrai ; les autres , nous nous en fichons!

  2. Il n’empêche, les frères Kennedy étaient de grands bonshommes. John ne voulait pas la guerre au Viet Nam, le responsable de la fuite en avant est Johnson. Quant à Robert, plus jamais un homme d’Etat ne s’est dressé de cette façon contre le crime organisé, on voit le résultat. On ne saura jamais ce que leur action aurait donné, puisqu’ils ont été assassinés; officiellement, par des déséquilibrés isolés ; ce n’est pas encore pour le cinquantenaire, ce mois-ci, que les pouvoirs diront la vérité.

  3. Je me souviens que Rueff parle aussi de cette époque dans son livre « le péché monétaire de l’Occident » — dont je n’ai lu que quelques passages — et accuse clairement Johnson — plutôt que Kennedy, car la dépense publique était mieux gérée sous Kennedy, la dette allant en diminuant — d’être responsable du désordre financier à l’origine de la fin de l’étalon de change or. Rueff, qui avait conseillé De Gaulle de convertir les dollars français en or…

Laisser un commentaire