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Mister Market and Docteur Conjoncture du Jeudi 7 Novembre 2013: La BCE baisse ses taux, comme prévu Par Bruno Bertez

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Mister Market and Docteur Conjoncture du Jeudi 7 Novembre 2013: La BCE baisse ses taux, comme prévu Par Bruno Bertez

EN LIEN: L’Edito du Dimanche 3 Novembre 2013: De 2009 à 2017, survol de la Bourse et de la crise Par Bruno Bertez

La BCE a donc baissé ce jour son taux directeur de 0,5 à 0,25 point. Ce qui est étonnant, c’est que les médias sont quasi unanimes à se déclarer… étonnés.

Sur 70 économistes interrogés, seuls 3 prévoyaient correctement la décision de la BCE. C’est tout dire.

La BCE a baissé ses taux, comme nous l’avions prévu le 3 novembre. Et, évidemment, pour la raison que nous invoquions, à savoir le souci d’aider les banques en cette fin d’année 2013 afin qu’elles extériorisent les meilleurs bilans possibles dans le cadre de l’Asset Quality Review  (AQR).

L’Asset Quality Review est la grande affaire du moment. Pour interpréter tout ce qui se passe et tout ce qui se dit au plan financier en Europe, il faut que vous ayez toujours présent à l’esprit le fait que cela se situe dans le cadre de l’AQR.

En baissant son taux d’un quart de point, comme nous l’avons expliqué récemment, la BCE favorise le maintien à un niveau élevé de la valeur des assets bancaires, en même temps qu’elle facilite certaines opérations de window-dressing. Il y a des établissements qui sont engagés dans des actions vigoureuses et précipitées de réduction de la taille de leurs bilans. Le maintien de taux bas, la baisse du taux directeur, l’entretien d’une liquidité excédentaire supérieure à 200 milliards d’euros en Europe, tout cela va dans le même sens : faciliter l’habillage du bilan des banques.

En parallèle à cet écrasement des taux à un niveau quasi nul, plusieurs mécanismes d’octroi de prêts illimités en faveur des banques sont reconduits. Ainsi, les crédits de type «LTRO» – que les banques ont, ­depuis deux ans, massivement investi dans les emprunts publics – seront prolongés de l’été 2014 à l’automne 2015. Un engagement qui a immédiatement permis à Rome de voir hier les taux implicites exigés sur ses emprunts à dix ans décliner de 4,2% à 4%.

La BCE se trouve dans une situation assez paradoxale.

D’un côté, comme elle prend la responsabilité de la supervision des banques, elle a intérêt à ce que l’Asset Quality Review soit faite consciencieusement et qu’il n’y ait pas de tricherie comme cela a été le cas dans les précédents et comiques stress-tests antérieurs. Mais Draghi est l’homme des pestiférés, par conséquent, il ne tient pas à mettre certains pays face à des responsabilités qu’ils ne peuvent pas assumer. Il ne tient pas à ce que la recapitalisation des banques déclenche à nouveau une crise l’an prochain. Il est tiraillé par des forces contradictoires, mais il est évident que son cœur n’est pas du côté des Allemands, mais du côté des Italiens. On a vu passer quelques mises en garde italiennes ces derniers jours sur des stress-tests qui seraient trop exigeants… Le lien entre les banques et les souverains, lien que Barnier et autres voulait rompre, n’est évidemment pas rompu. Les risques de crise sont toujours présents et les pare-feu plus symboliques que réels. Draghi  le sait et on comprend qu’il cherche à aider au maximum le window-dressing des banques.

Nous ne sommes pas contre dans la mesure où cela peut éviter que les particuliers titulaires de dépôts soient sollicités lors des résolutions des futures crises. En effet, il faudrait un singulier culot à tous ces gens pour oser à la fois favoriser la manipulation des comptes des banques et, en même temps, dire qu’il est normal que le public ait son argent confisqué pour aider ces mêmes banques. Plus la BCE, plus les Etats périphériques, et plus la France s’enfoncent dans le mensonge financier et bancaire, moins ils ont de légitimité pour un jour ponctionner les dépôts.

L’attitude de Draghi ne fait évidemment pas l’affaire des Allemands. Le dernier rapport mensuel de la Bundesbank, comme par hasard, suggère la formation d’une bulle immobilière en Allemagne provoquée… par une politique monétaire dont le réglage est trop laxiste. C’est d’ailleurs ce rapport de la Bundesbank qui nous avait mis la puce à l’oreille et qui avait entraîné notre conviction que Draghi préparait une baisse des taux. En effet, si la Buba prenait la peine de dire que les taux étaient déjà trop bas, c’est parce qu’elle savait qu’une nouvelle baisse se préparait. Il suffit de traduire quand on a l’habitude. De fait, le réglage de la BCE est un réglage très favorable aux pestiférés et à la France, mais Draghi a toujours l’alibi d’affirmer que tout ce qu’il fait, c’est pour sauver l’euro. Et face à cette revendication-alibi,  les Allemands n’ont rien à riposter puisque, eux aussi, veulent le maintien de l’euro.

A chaque fois, c’est le même jeu. Draghi maintient des politiques ultra-accommodantes ; il promet même d’aller plus loin si nécessaire ; les Allemands poussent des cris d’orfraies et, finalement, ils baissent la tête et acceptent la décision. Ce qui compte en politique, ce n’est pas ce que les gens disent, mais les raisons objectives qui gouvernent leur comportement. Et tant que les Allemands trouveront bénéfice à maintenir des débouchés pour leurs marchandises en Europe, et bien ils seront favorables au maintien de l’euro, et par voie de conséquence, ils accepteront –tout en bougonnant- toutes les décisions de Draghi.

Nous ne serions pas étonnés d’ailleurs si le même Draghi devait aller plus loin et faire en sorte que la liquidité excédentaire en Europe puisse être inflatée. Il a dit lui-même qu’il s’opposerait de toutes ses forces à une éventuelle tension sur les taux. En clair, il s’opposera à toute tension sur les taux. En clair, il s’opposera à toute tension sur l’EONIA. Il ne faudrait pas que l’EONIA se tende trop car, dans le cadre de la valeur relative avec le taux effectif des Fed Funds, cela pourrait entraîner des mouvements de capitaux de court terme non désirés sur l’euro. Et pour tenir l’EONIA, il faut une liquidité excédentaire considérable. Et la liquidité actuelle est à peine suffisante.

La situation européenne est évolutive. Mais nous sommes encore dans ce que nous avons appelé la pause post-électorale allemande. Tout est encore gelé. Aucune orientation nouvelle n’est prise. On gère au jour le jour en priant Dieu qu’il ne se passe rien.

Nous sommes étonnés justement que certains irresponsables européens aient jugé bon de tenter de lancer une campagne anti-allemandes. Ces irresponsables ont chaussé les patins des Anglo-saxons et repris la thèse de l’Allemagne égoïste qui pille la demande du monde extérieur. Vous avez remarqué que les bodyguards d’Obama ont été lâchés lorsque les Allemands ont élevé la voix sur les écoutes dont avait été victime Merkel. Les chiens de garde d’Obama ont lancé une attaque en règle contre la politique allemande, stigmatisant son égoïsme et son mercantilisme. L’Allemagne entretiendrait une demande intérieure trop faible et, à ce titre, elle serait un mauvais partenaire global. Les Britanniques ont emboité le pas des Américains, comme d’habitude, en particulier Ambroise Pritchard, du The Telegraph. Cela n’a rien d’étonnant. En revanche, ce qui nous a étonné, c’est le comportement des Européens. Ils ont bizarrement  enfourché  le cheval et débité une série d’attaques sur ce thème du pillage européen par les Allemands. Pour l’instant, les choses semblent calmées, peut-être y a-t-il eu quelques coups de téléphone un peu vifs échangés.

Tout ceci nous conduit à réaffirmer que la situation en Europe est instable et qu’aucun problème n’est résolu. Bien sûr, à la faveur de l’austérité, certains pays européens enregistrent des améliorations de leur balance commerciale, mais cela ne signifie rien quant à leur compétitivité réelle et quand à leur capacité de convergence à long terme avec l’Allemagne. Quant à l’Allemagne précisément, elle reste sur ses positions, intenables à long terme, à savoir que ses succès passent par la faiblesse de ses partenaires.

Conformément à ce que nous avons dit récemment également, nous nous attendons à ce que certaines grandes banques, en particulier françaises, extériorisent des résultats, voire des dividendes,  qui permettront des appels de fonds. Ben voyons.

BRUNO BERTEZ Le Jeudi 7  Novembre 2013

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