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Suisse : Jeunes toujours plus vieux Par Marie-Hélène Miauton

Suisse : Jeunes toujours plus vieux Par Marie-Hélène Miauton

Quelques vérités qui dérangent sur l’espérance de vie et l’âge de la retraite

Jeunes toujours plus vieux ou vieux toujours plus jeunes? La question nous renvoie à des interrogations abyssales. Plusieurs chiffres permettent d’alimenter ce propos: l’un nous dit qu’un père suisse sur cinq avait 40 ans ou plus lors de la naissance de son enfant, soit deux fois plus qu’il y a vingt ans. Quant aux papas de plus de 60 ans, leur nombre a quadruplé depuis 1992! Pour les jeunes mères, l’âge au moment de la procréation évolue également à la hausse (31,5 ans en moyenne en 2012), même si l’horloge biologique naturelle pose opportunément une limite à ce recul (source OFS). Si la naissance d’un enfant est signe de vitalité, de fécondité et de jeunesse, alors les Suisses sont jeunes toujours plus vieux. 

Mais en observant l’évolution de l’espérance de vie en partant de 1948, année d’introduction de l’AVS, que voit-on? A cette époque où le législateur fixa l’âge de la retraite à 65 ans pour les hommes et 64 ans pour les femmes, leur espérance de vie respective était de 66 ans et 71 ans! Autant dire qu’un Suisse sur deux ne touchait jamais de rente et que les Suissesses en profitaient durant sept ans. Aujourd’hui, l’espérance de vie est respectivement de 81 et 85 ans mais l’âge de la retraite n’a pas changé. Dès lors, si la retraite est le signe de l’entrée dans la vieillesse (pour ménager les susceptibilités, on parle de 3e âge), alors les vieux sont toujours plus jeunes. 

La contradiction vient du fait que notre époque veut le beurre et l’argent du beurre. Faire des études toujours plus longues, vivre chez ses parents jusqu’à l’âge adulte, entrer dans la vie active toujours plus tard, enfanter après avoir «profité de sa jeunesse», bénéficier de soins de santé exceptionnels… et, en même temps, cesser de travailler au même âge qu’au temps de l’après-guerre, c’est-à-dire toucher ses rentes pendant seize ou vingt et un ans. En effet, un sondage réalisé par l’Association suisse d’assurances (voir LT du 12.12.2013) montre qu’un tiers seulement des personnes interrogées accepte l’idée d’un relèvement de l’âge de la retraite alors qu’une moitié à peine se dit favorable à une augmentation des cotisations. 

Le problème avec cet immobilisme rétrograde, avec cette politique de l’autruche, avec cette sacralisation des «droits acquis», c’est que l’avenir de l’AVS est de plus en plus incertain. L’autre souci tient au montant des rentes, qui ne peut être relevé comme il serait nécessaire compte tenu de l’évolution du coût de la vie. Les sommes allouées, même si elles ont évolué à travers le temps, restent inférieures au minimum vital tel qu’il est défini par l’OFS, soit environ 2200 francs par mois pour une personne seule. On ne s’étonnera donc pas que le taux de pauvreté s’élève actuellement à 17% chez les plus de 65 ans alors qu’il est confiné à 6% chez les plus jeunes. La logique d’une réforme qui tiendrait compte des évolutions de la société serait donc de relever l’âge contractuel de la retraite afin, aussi, de rendre les rentes plus décentes. Ce d’autant plus que le taux de conversion du 2e pilier pourrait bien être abaissé, si l’on en croit le projet global d’Alain Berset qui, il est vrai, n’est pas encore sorti de l’auberge!

Source Le Temps 13/12/2013

http://www.letemps.ch/Page/Uuid/c2d5979e-6352-11e3-b151-419835ca553f/Jeunes_toujours_plus_vieux

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