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L’économie et la météorologie Par Andreas Höfert

L’économie et la météorologie Par Andreas Höfert

L’interaction entre météorologie et économie est un sujet des plus actuels. Surtout aux Etats-Unis. Avec un impact difficile à chiffrer.

Il existe ce bon mot qui veut que Dieu ait créé les économistes pour que les météorologistes puissent au moins avoir un groupe de professionnels plus nul qu’eux en termes de prévisions.

Effectivement, une fois que l’on abstrait du champ d’investigation et que l’on se concentre uniquement sur la communication de ces deux catégories de métiers, nous pouvons constater une ressemblance remarquable. Malgré des prévisions souvent fausses, le grand public sera toujours friand de savoir le temps qu’il fera demain et où le cours du dollar se trouvera dans six mois. Il demandera en conséquence aux experts de l’une et l’autre science de formuler des certitudes.

Le paradoxe est qu’aucune certitude existe dès qu’il s’agit de prospective. Comme le prix Nobel d’économie Kenneth Arrow, qui a travaillé au service de météorologie de l’armée américaine durant la deuxième Guerre mondiale, l’a formulé de manière pertinente: «Une des choses que j’ai apprises de la météorologie est qu’une science n’est pas une garantie d’exactitude.»

Une variante plus honnête au: «Il pleuvra demain» serait donc «La probabilité d’un temps pluvieux demain est de 80%». Une variante plus honnête au «Le franc suisse sera à 0.95 face au dollar dans six mois» serait «Il y a 90% de chances que le franc suisse se situe dans une fourchette de 0.80 à 1.15 d’ici à six mois.»

Comment expliquer l’incertitude des prévisions à des «clients» qui exigent de la certitude? Cette question a été analysée de manière approfondie par la Banque d’Angleterre dès 2005. Elle a participé à plusieurs études interdisciplinaires entre météorologues, économistes et… spécialistes du renseignement (apparemment confrontés aux mêmes problèmes). Leurs conclusions sont actuellement à la base de sa politique de communication.

L’interaction entre météorologie et économie est un sujet particulièrement brûlant aujourd’hui. En effet, depuis plus de deux mois l’Est, le Sud et le Midwest des Etats-Unis subissent les conséquences du vortex polaire avec plus de 2000 records de froids battus, des tempêtes de neige et de la pluie verglaçante à répétition. Il a même neigé en Floride et en Louisiane. Du coup, la plupart des statistiques économiques sont biaisées à la baisse et donc bien moins bonnes que ce à quoi on se serait attendu si la météo avait été plus clémente.

Actuellement, et les marchés, et la Réserve fédérale naviguent dans un brouillard épais. A la différence des bateaux ou des avions, il n’existe cependant ni boussole, ni GPS pour se repérer. Mais si cette affreuse météo n’affecte qu’une partie, certes large, des Etats-Unis, ne pourrait-on pas inférer l’évolution de l’économie en observant uniquement les Etats qui ne subissent pas la vindicte du vortex polaire?

Malheureusement, la réponse est non. Ces Etats sont également confrontés à une météo extrême, caractérisée par une chaleur excessive. Ainsi le même jour de janvier où l’on a mesuré un improbable -17 degrés à Atlanta, des températures de +17 degrés ont été observées en Alaska. Une sècheresse de dimension historique est la conséquence de cette canicule avec des réservoirs d’eau en Californie et dans le Nevada qui sont à moitié, voire aux deux tiers vides.

Certes, une fois que la météo redeviendra normale, certaines statistiques économiques (telles celles de la construction et des achats de biens durables) risquent de rebondir et sans doute de surcompenser l’impact lié au froid. D’autres, en revanche, surtout celles mesurant l’activité dans les services et l’agriculture ne referont pas le terrain perdu. Alors que l’année 2014 s’annonçait comme un excellent cru pour la croissance américaine, les caprices de la météo viennent nous rappeler toutes les incertitudes liées aux prévisions économiques.

Andreas Höfert Chef économiste, UBS Wealth Management / Agefi Suisse mardi, 25.02.2014

http://agefi.com/forum-page-2/detail/artikel/linteraction-entre-meteorologie-et-economie-est-un-sujet-des-plus-actuels-surtout-aux-etats-unis-avec-un-impact-difficile-a-chiffrer.html?catUID=21&issueUID=530&pageUID=15844&cHash=33a8bb8deec33d69c693d4b550eee655

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