Art de la guerre monétaire et économique

Un parfum de guerre froide monétaire Par Andreas Höfert

Un parfum de guerre froide monétaire Par Andreas Höfert

Un parfum de guerre froide monétaire Le dernier film adapté de Tom Clancy met en scène Jack Ryan, qui veut empêcher un oligarque russe d’inonder le marché avec les bons du Trésor américains accumulés dans les réserves de change russes. Loufoque? Pas forcément, explique Andreas Höfert, chef économiste d’UBS Wealth Management

Le cinéma d’action adore les scènes où un ou plusieurs héros doivent arrêter un méchant avant qu’il ne commette un crime de dimension apocalyptique. Il arrive que la catastrophe planifiée soit d’ordre monétaire. Ce fut le cas en 1964, quand James Bond désamorce in extremis une bombe atomique qu’Auric Goldfinger avait placée à côté des réserves d’or des Etats-Unis à Fort Knox. Le but du «méchant»: réduire l’offre du métal précieux en espérant une multiplication de sa propre fortune.

En 2010, l’«Agence tous risques», dans le film du même nom, cherche à récupérer des planches à billets volées au Trésor américain, et qui pourraient être utilisées par les ennemis des Etats-Unis pour fabriquer à très grande échelle des «dollars non couverts». Les scénaristes ont sans doute oublié que la monnaie américaine officielle, comme toutes les monnaies actuellement, n’est plus couverte.

Enfin, cette année, les amateurs de Tom Clancy ont pu voir son personnage principal, Jack Ryan, affronter un oligarque russe qui veut inonder le marché avec les bons du Trésor américains accumulés dans les réserves de change russes. Par ce biais, le dollar et l’économie américaine s’écrouleraient et finiraient en «Grande Dépression». C’est en tout cas ce que Jack Ryan explique à son supérieur (et au public qui peine à suivre l’intrigue). Pourtant, ce dernier scénario n’est pas forcément tiré par les cheveux, et se révèle même prémonitoire à bien des égards. N’avons-nous pas entendu, il y a deux semaines, un des collaborateurs de Vladimir Poutine, Sergueï Glaziev, s’exprimer ainsi: «Nous trouverons un moyen […] de réduire notre dépendance financière à l’égard des Etats-Unis. […] Les tentatives de prendre des sanctions contre la Russie mèneront au krach du système financier américain»?

Les Russes disposent-ils de cette arme de destruction monétaire qui fait trembler Hollywood? Je ne le crois pas. Certes, leurs réserves de change de plus de 500 milliards de dollars semblent imposantes. Cependant, la Russie a toujours mis un point d’honneur à les diversifier au niveau des monnaies. Selon les statistiques du Trésor américain, elle ne détenait, fin 2013, que 138,6 milliards de dollars d’obligations de cet Etat, soit moins que ce que la Fed achète en quatre mois d’assouplissement quantitatif. Il faudrait le concours de la Chine, propriétaire de dix fois plus de bons du Trésor, pour, peut-être, créer une menace crédible.

Cela dit, il convient de ne pas prendre les propos de M. Glaziev à la légère. Ils démontrent que l’Occident, croulant sous des montagnes de dettes publiques et dépendant de certains marchés émergents pour son financement, n’est de loin plus aussi impressionnant et hégémonique qu’il y a vingt ans. Les scénarios de catastrophes monétaires ont donc encore de beaux jours devant eux. En tout cas au cinéma.

Andreas Höfert Chef économiste/ UBS Wealth Management/ Le Temps 17/3/2014

http://www.letemps.ch/Page/Uuid/c200d03c-ad43-11e3-8440-67a1961e730b%7C1

Alors que la tension monte à la suite du référendum controversé qui donne le feu vert à l’annexion de la Crimée à la Russie, des preuves circonstancielles indiquent que l’État russe a peut–être retiré des dizaines de milliards d’actifs d’un compte de dépôt de la Réserve fédérale américaine afin d’éviter que ceux–ci soient gelés par les autorités américaines si jamais le conflit en Ukraine s’intensifiait, selon Bloomberg Businessweek.

La Fed détient des titres du Trésor américain pour le bénéfice de banques centrales étrangères et d’autres institutions. Dans un tableau, Bloomberg Businessweek illustre ce qui est décrit comme « la plus forte baisse en pourcentage de ces actifs appartenant aux étrangers depuis 2002 », c’est-à-dire une chute de 105 G$ US ou 3,5% enregistrée entre le 2 et 12 mars 2014.

La Réserve fédérale américaine ne mentionne pas qui sont ces clients qui conservent des avoirs dans leurs coffres. Toutefois, l’éditeur économique de Bloomberg Businessweek, Peter Coy rapporte avoir parlé avec Marc Chandler, responsable de la stratégie monétaire mondiale chez la banque et firme d’investissement en valeurs mobilières, Brown Brothers Harriman, qui soupçonne la Russie d’être responsable en bonne partie de cette baisse.

« Ce n’est pas une protestation contre les États-Unis, mais plutôt une manière d’éviter que les avoirs soient gelés. Un État ne laisse pas la politique gérer ce genre de décisions », a dit Marc Chandler en entrevue avec Bloomberg Businessweek

Dans un mémo envoyé à ses clients, ce dernier a également écrit : « Il est logique de croire que la Russie se prépare à une prochaine imposition de sanctions à son endroit. » Marc Chandler rappelle de plus que cela s’est déjà produit dans le passé. En 1957, la Russie a transféré de l’argent des États-Unis vers Londres, de crainte que les Américains la punisse pour son invasion de la Hongrie.

Un autre reporter de Bloomberg, Susanne Walker, rapporte que Marc Chandler n’est pas le seul à croire que la Russie ait causé la chute observée dans le volume des titres détenus par la Fed pour des institutions étrangères.

La journaliste cite notamment Wrightson ICAP, firme de recherche qui observe les actions de la Fed : « L’intensification des discussions concernant les sanctions qui pourraient découler du conflit en Ukraine donnerait de bonnes raisons à la Russie de déplacer ses avoirs chez un  »gardien offshore ». »

Marc Chandler est, quant à lui, d’avis que la Russie n’est pas en train de vendre ses bons du Trésor américan. Elle tenterait plutôt, selon lui, de les déplacer quelque part, loin des autorités américaines.

Selon des données compilées par Bloomberg, en date du mois de décembre, la Russie possédait 139 G$ en bons du Trésor américain, la plaçant au 9e rang des pays détenteurs de ces titres avec un avoir représentant 1% du montant total conserve par la Fed.

http://www.finance-investissement.com/des-actifs-russes-sortis-des-tats-unis-en-catimini/a/55468

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