Agences de Notation

La condamnation de l’agence de notation S&P par la Justice australienne maintenue et aggravée!

La condamnation de l’agence de notation S&P par la Justice australienne maintenue et aggravée!

La justice australienne a rejeté vendredi l’appel de l’agence de notation Standard & Poor’s contre sa condamnation à compenser des collectivités locales ayant englouti des millions de dollars dans des produits toxiques très bien notés par l’agence américaine avant 2008.Les notes attribuées par l’agence pour des produits qui se sont révélés toxiques durant la crise de 2008 étaient «injustifiées et trompeuses», selon la justice australienne, qui rejette le recours de l’agence condamnée en 2012

S&P avait fait appel de sa condamnation, prononcée en novembre 2012.

financial-apocalypse.jpg (932×480)

Le Tribunal fédéral d’Australie a même alourdi son jugement, estimant cette fois que S&P ainsi que l’ancienne banque ABN Amro et une firme australienne de services financiers aux collectivités, LFS, étaient responsables à 100% des pertes encourues par 13 municipalités lors de la crise financière de 2008/09.

En novembre 2012, il les avait jugées responsables de seulement 33% des pertes.

Dans un jugement écrit, long de 474 pages, les trois juges Peter Jacobson, John Gilmour et Michelle Gordon estiment que «les notations de S&P des titres Rembrandt n’étaient pas raisonnables, étaient injustifiées et trompeuses (et ABN Amro le savait parfaitement)».

Une «mauvaise politique»

S&P a réagi en exprimant sa «déception», dans un communiqué. «Il est clair que la loi en Australie sur le devoir de veille va à l’encontre de lois bien établies ailleurs dans le monde, y compris aux Etats-Unis et en Europe», a ajouté l’agence de notation.

«Nous continuons de penser que c’est une mauvaise politique d’exiger une responsabilité légale à un acteur tel que S&P, qui n’a aucune relation avec les investisseurs utilisant les notations, tout en n’exigeant pas de ces mêmes investisseurs qu’ils mènent leurs propres recherches», déclare-t-elle.

Les CPDO, titres à fort rendement largement promus par les grandes agences de notation qui leur attribuaient systématiquement la plus haute note, se sont révélés ruineux avec la crise financière de 2008.

Quelques mois après leur acquisition par une quinzaine de communes de Nouvelle-Galles du Sud (sud-est de l’Australie), les titres dits «Rembrandt» faisaient défaut, entraînant une perte nette de 16 millions de dollars australiens (12,9 millions d’euros), soit plus de 90% du capital investi.

«La note «AAA» attribuée par S&P aux titres CPDO Rembrandt 2006-2 et 2006-3 CPDO était trompeuse» et étayée par des informations en partie «inexactes», avait estimé la justice australienne dans son premier jugement.

Ces titres CPDO (Constant Proportion Debt Obligations) étaient créés par ABN Amro, rachetée depuis par Royal Bank of Scotland, et vendus aux collectivités via LGFS.

Pour Norbert Gaillard, économiste, consultant indépendant auprès de la Banque mondiale et auteur de l’ouvrage Les Agences de notation, «nous assistons à un tournant en matière de responsabilité des agences de notation. D’une part, elles sont accusées de n’avoir pas mis tous les moyens en œuvre pour juger correctement de la qualité d’un crédit. Mais, d’autre part, elles sont également tenues pour responsables d’avoir attribué des notes qui ne reflètent pas la réalité.» 

Or, jusqu’à présent, l’argument des agences était de dire que leurs notes ne représentaient qu’une opinion et en aucun cas un conseil d’investissement. «La notation est un art, pas une science», soulignait récemment S&P.

«Le rapport du Sénat américain publié en avril 2011 a montré que S&P et sa rivale Moody’s n’avaient pas suffisamment investi dans les divers logiciels de mesure du risque de crédit, qu’elles souffraient de sous-effectifs chroniques et qu’elles étaient confrontées à des conflits d’intérêts, rappelle Norbert Gaillard. Les auditions ont même montré que les analystes ne croyaient pas eux-mêmes aux notes qu’ils attribuaient.»

PAR AGENCES Juin 14

RAPPEL : Les riches heures de Mr Fitch, Mrs Poor et Miss Moody  Par Joëlle Kuntz/ Le Temps 5/11/2014

Les agences de notation qu’on connaît aujourd’hui ont un siècle. Leur ancêtre, la correspondance des marchands italiens en Europe, en a cinq. Les méthodes ont changé mais pas le but: connaître les opérateurs du marché.

La mauvaise nouvelle chasse la bonne. Les agences de notation négocient leur réputation avec la vérité. Vilipendées quand elles dégradent, elles réconfortent quand elles surgradent. Leur parole est d’or, pour leurs clients comme pour leur bilan de fin d’année.

Elles ont gagné leur position à la force du business. Leurs ancêtres sont les lettres que s’envoient les marchands italiens dans l’Europe des XVe et XVIe siècles: ils se renseignent les uns les autres sur la fiabilité de leurs partenaires en affaires, à qui prêter ou ne pas prêter, à qui confier des marchandises, etc. Le triple A de l’époque est la recommandation d’un grand banquier ou d’un puissant marchand. L’appréciation appartient cependant au domaine privé et il en sera ainsi jusqu’au milieu du XIXe siècle. Même lorsque le Crédit Lyonnais, le premier, met sur pied une authentique équipe d’évaluateurs pour avoir une meilleure idée de la situation des acteurs du marché, il garde les informations acquises pour le cercle restreint des gérants et de quelques clients triés sur le volet.

Comme l’explique Marc Flandreau, historien de l’économie qui professe à l’Institut des hautes études internationales et du développement de Genève, la commercialisation des évaluations financières se développe surtout aux Etats-Unis où règne l’idée que la publicité des informations est favorable à l’intérêt général, dût-elle porter temporairement atteinte à des intérêts particuliers. Le droit de dire surplombe le droit de dire juste ou de dire faux. Contre le faux, il existe des tribunaux. Ce cadre idéologique et juridique favorise l’apparition à New York, en 1841, de l’«agence mercantile», pourvoyeuse de renseignements financiers sur un marché qui s’étend maintenant sur un très vaste territoire encore peu connecté. La crise financière de 1837, qui a durement frappé les investisseurs new-yorkais, est vue comme le résultat d’un manque d’informations. Il s’agit donc d’organiser l’information. Le système mis sur pied prospère. On en apprend sur les entreprises de haut vol comme sur l’épicier du coin. Un peu seulement. L’essentiel reste à deviner.

Mais lorsque les compagnies ferroviaires ont besoin de la confiance du grand public et des investisseurs institutionnels pour lancer leurs emprunts, l’information devient cruciale. Un journaliste financier, John Moody, crée en 1909 la Moody’s Investors Services Inc. pour vendre ses études sur la crédibilité des opérateurs de ce marché. Le succès aidant, il est suivi quelques années plus tard par The Poor’s Publishing Company, The Standard Statistics Company, The Fitch Publishing Company. L’activité rapporte. Il y a de la concurrence. On se bat pour les clients.

Le 14 septembre 1929, raconte Flandreau, Standard Statistics fait passer dans The Saturday EveningPost l’annonce suivante: «Aujourd’hui, vous n’avez plus besoin de deviner… L’histoire se répète parfois mais pas forcément. En 1719, il n’y avait pratiquement aucun moyen de savoir la vérité sur l’affaire du Mississipi. Combien est enviable la situation de l’investisseur de 1929.» Le 24 octobre, éclatait le krach de la bourse puis la fameuse «crise de 1929».

Etudiant le rôle des agences de notations dans les emprunts d’Etats pendant les années qui précèdent et suivent la crise de la dette de l’entre-deux-guerres, Marc Flandreau observe que «si les analystes ont bien perçu et enregistré la baisse de qualité des instruments qu’ils avaient à noter, ils n’ont à aucun moment pensé que les risques inhérents à cette baisse pourraient dégénérer en un désastre à l’échelle globale». Plus des trois quarts des nouveaux titres émis à la bourse de New York en 1929 n’obtenaient qu’un Baa ou une note équivalente, encore décrite comme «bonne» dans la mesure où elle ne descendait pas sous la barre de Baa/BBB. Mais en 1931, avec l’effondrement des marchés, les agences dégradaient massivement toutes leurs évaluations: en 1933, 60% des notes de Fitch étaient BB, contre 10% seulement en 1930; en septembre 1931, Moody’s avait déjà dégradé 46 des 81 titres sur lesquels elle informait.

Cette crise a placé les agences en situation d’avoir à expliquer leur maigre capacité d’anticipation. Elles se sont défendues en mettant en exergue les parties justes de leurs prévisions. En tout état de cause, commente Marc Flandreau, elles n’ont ni prévenu la crise de la dette ni ne l’ont aggravée, se contentant de prendre acte de la dégringolade, au fur et à mesure.

Pourquoi, malgré un si piteux service, ont-elles été intégrées dès 1931 dans le système américain de régulation du crédit? Le principe de divulgation de l’information admis, il fallait des normes communes, qu’un triple AAA ait le même sens pour tout le monde et qu’une surveillance puisse s’exercer .

Ainsi légitimées, les agences ont multiplié leurs domaines d’analyse et accru leur taille. Trois d’entre elles se partagent aujourd’hui 90% du chiffre d’affaires de la profession. Les services qu’elles rendent sont les mêmes qu’au début du XXe siècle, ceux qu’elles ne rendent pas également. Les questions qu’elles posent sont inchangées, ce sont celles de n’importe quel média: compétence, exactitude, indépendance, conflits d’intérêts. Rien de moins, rien de plus.

http://www.letemps.ch/Page/Uuid/3e50d028-3e2a-11e1-9623-a69f10b91d92%7C0

4 réponses »

  1. Ouais! Et « Le Matin dimanche », version hebdomadaire d’un quotidien suisse-romand, livre un article informant que 10% des traders consultent des astrologues. Et que l’AGEFI a une rubrique astrologique suivie. Et que les résultats ne sont pas plus mauvais. Etc. Pour ma part j’accorderai plus de confiance à Jerry Lewis, dans le rôle qu’il incarne dans je ne sais plus quel film. Il a apprend plus comme garçon de course dans une entreprise cinématographique que le conseil d’administration au complet Ayant travaillé 28 ans dans une entreprise je suis placé pour en parler.

  2. Dans un rapport annuel, la SEC (Securities and Exchange Commission ou Autorité des marchés américains ) avait déjà dénoncé les agences de notation.
    Standard & Poor’s, Fitch Ratings, Moody’s et d’autres agences étaient concernées.

    La SEC dénonce les « irrégularités » des agences de notation via latribune :
    http://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/industrie-financiere/20110930trib000653287/la-sec-denonce-les-irregularites-des-agences-de-notation.html

Laisser un commentaire